Je corrigerais dès que j'aurais le temps. Voilà un chapitre qui m'a été difficile de faire, j'espère que vous allez m'aider à l'améliorer
Chapitre 5 : Vahala
_ Vahala ! C'est la sixième planète d'Andromède colonisée par l'Humanité, annonça Dylan en faisant signe à Weric et Adéna de venir.
Le duo s'approcha de la rampe de sortie, toujours fermée.
Adéna semblait faire comme si Weric n'existait pas et celui-ci lui le rendait parfaitement. L'Esrii ne tarda pas à se rendre compte de la tension qui montait.
_ Hum ! Un problème entre vous deux ? Vous savez... j'ai le pouvoir d'empathie sur la plupart des êtres vivants. Autrement dit, je peux deviner vos sentiments ou vos pensées alors il ne sert à rien de me cacher des choses.
_ Il n'y a rien, mentit Weric d'un air neutre. J'ai juste hâte d'aller à la découverte de Vahala.
Dylan le fixa droit dans les yeux. L'intensité de ce regard insondable fit ciller Weric. Le jeune homme sut instantanément que L'Esrii ne le croyait pas. Pourtant, Weric voulait vraiment quitter l'air quasi-glacial du vaisseau.
« Est-ce qu'il sait est au courant de notre dispute? »
_ Un beau mensonge mais qui aurait convaincu la plupart des êtres humains normaux. Nous verrons cela plus tard. Pour l'instant, vous devez savoir que Vahala est trois fois plus grosse qu'Orane et que, par conséquent, la pesanteur y est bien supérieure. Nous irons donc vous acheter une combinaison nano-organique qui immunisera contre ses effets, leur expliqua Dylan. Sauf si vous tenez à aller faire un corps à corps musclé avec le sol...
« À ce point-là... »
Le jeune homme sourit en voyant Adéna déglutir à la pensée de se retrouver écrasée par le poids de son propre corps.
_ ... Mais ne vous en faites pas pour l'instant, nous allons entrer dans une station qui génère une gravitation standard.
La rampe s'ouvrit, révélant une petite porte pressurisée. Celle-ci se fendit en deux dans un grincement dès qu'ils s'en approchèrent. Un grondement assourdissant vint agresser les tympans de Weric, habitués au vrombissement du Descent.
De nombreux passants déambulaient sans faire cas des nouveaux arrivants. Quelques robots d'entretien allaient par-ci et par-là, se joignant à la cacophonie incessante des discussions des humains.
Weric remarqua que la station de Vahala ne paraissait pas très exotique avec ses parois métalliques et ses immenses portes ressemblant à des sas. Cet endroit évoquait vaguement les coursives d'un vaisseau spatial si bien que Weric avait l'impression d'être resté dans l'espace.
Cependant, même si ce lieu n'était pas le plus beau qu'il ait jamais vu, l'évènement le marqua :
«Je n'arrive pas à croire que je marche sur une autre planète » songea t-il, dissimulant son émerveillement comme à son habitude.
Le posewalien fixa Melcus dont le regard était vide. Sa hâte de partir explorer ce lieu prit le dessus sur son tempérament réservé.
_ Que venons-nous fabriquer ici ? demanda Weric qui commençait à s'énerver devant le calme de l'Esrii.
_ Toi et Adéna allez d'abord prendre une combinaison nano-organique, puis vous irez acheter une pile à antimatière pour l'hyperpropulsion, à l'extérieur de la station.
_ Il serait peut-être préférable que je reste avec toi, lança Adéna sur un ton suffisant. Weric adore tellement être seul que je ne veux pas le gêner avec mes sourires mielleux...
Ses yeux bleus lancèrent des éclairs tandis que Weric préféra afficher un air innocent. Le jeune homme savait, d'expérience, que cette attitude était la meilleure pour exaspérer les gens.
_ Mmmmh ! Je crois qu'il est temps que vous appreniez à vous entendre tous les deux ! Vous irez ensemble chercher cette pile ou bien je vous abandonnerai ici. À vous de voir...
L'Esrii donna son unicarte à Weric, reprogramma le code de sécurité vocal et digital et tourna les talons dans la direction opposée.
_ Je crois qu'on l'a un peu irrité, remarqua Adéna en lissant ses cheveux châtains. Que crois-tu qu'il va faire ? J'ai l'impression qu'il ne veut pas qu'on le suive...
_ C'est évident... mais je suis surpris que tu m'adresses encore la parole.
_ Si tu croyais que j'étais le genre de fille à bouder dans son coin, tu t'es lourdement trompé. J'ai compris à quel point tu étais détestable... répliqua-t-elle d'une voix forte pour couvrir le brouhaha environnant.
_ Dans ce cas, tu es plus intelligente que je ne le croyais.
_ Merci du compliment, répondit Adéna d'un sourire ironique.
Weric jeta un coup d'œil au-dessus des Vahaliens et des panneaux publicitaires. Il aperçut leur hôte qui dégageait encore une forte aura de mystère.
_ Filons-le ! Je suis sûr que c'est important ! proposa Weric avec espièglerie.
_ Comment le sais-tu ? demanda Adéna, surprise.
_ Pendant le trajet, je suis allé examiner l'hyperpropulseur pour constater de mes yeux son fonctionnement. J'ai eu l'occasion d'en étudier un éteint à l'université et je peux te dire que la pile à antimatière est loin d'être vide.
Adéna réfléchit un instant, un petit sourire sournois s'étalant sur ses traits gracieux.
_ C'est évident qu'il veut nous éloigner mais je suis étonnée que tu me proposes de venir avec toi.
_ Bah je suis logique...on aura de meilleures chances d'en découvrir plus sur ses activités à deux.
_ Ainsi, la logique l'emporte sur l'aversion ? On dirait que tu évolues... se moqua Adéna.
Ils bondirent à la poursuite de Melcus, veillant à rester une dizaine de mètres derrière lui, mais sans se douter que quelqu'un les observait.
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Constitué d'un vaste dédale de couloirs menant aux plates-formes d'atterrissage, la station de Vahala reposait sur Aredelle, l'unique cité de la planète. L'immense ville de quelques milliers de kilomètres de diamètre flottait sur un océan recouvrant entièrement la surface. Elle constituait l'une des prouesses les plus impressionnantes de l'espèce humaine mais aussi l'une des plus coûteuses. Près de trois siècles avaient été nécessaires pour achever sa construction et l'économie du Gouvernement Unifié avait failli ne pas s'en remettre. Sa taille était telle qu'elle formait une tâche grise visible depuis l'espace. En son centre, une véritable guerre commerciale faisait rage entre les nombreuses corporations, firmes ou entreprise de forage minier pour la possession des richesses inépuisables du sous-sol océanique. Leurs gratte-ciel administratifs s'élevaient tels des lances acérées et témoignaient de l'activité débordante qui régnait dans la cité. Avec l'éloignement du noyau urbain, les larges usines de traitements des matériaux prenaient progressivement le pas sur les habitations et les impressionnants robots extracteurs M22 atteignaient la hauteur faramineuse de plusieurs dizaines de mètres. Singulièrement, un anneau parcourait toute la périphérie d'Aredelle et accueillait tous les vaisseaux en provenance des mondes de la Confédération de la Terre.
Dylan Melcus éprouvait toujours une sensation de bien-être lorsqu'il se trouvait sur cette planète. L'air marin vivifiait son esprit et il avait l'impression que tous ses soucis disparaissaient dans le ciel aussi bleu que l'océan. Ce sentiment était très fort, deux fois plus en réalité car Naarital adorait aussi l'endroit. C'était une particularité des Esrii. Si les deux esprits éprouvaient la même émotion, celle-ci était décuplée.
L'homme accéléra le pas en direction du sas le plus proche. Son corps entraîné n'avait pas besoin de combinaison nano-organique nécessaire pour évoluer en dehors de la station. Mis à part lui, seul les natifs de Vahala ou les résidents de longue date pouvaient vivre sans contrainte dans la cité.
Des agents de police ainsi qu'une unité médicale se trouvaient près de la porte et tentaient apparemment de ranimer une femme. Celle-ci avait probablement tenté de sortir sans combinaison, à ses risques et périls.
Arrivant près de l'épaisse porte magnétiquement scellée, Melcus fut accosté par un quinquagénaire à l'expression anxieuse. Une sentinelle robotique, fusil en main, l'escortait.
_ Bien le bonjour, monsieur ?
_ Melcus Dylan, répondit calmement celui-ci.
_ Je vous prie de me montrer une pièce d'identité, ou bien de passer votre chemin, dit l'homme aux cheveux grisonnants.
Dylan chercha dans son manteau son e-carte d'identité présentant ses traces digitales et génétiques. Lorsqu'il la donna au vieil homme, celui-ci la scanna et hocha la tête en lui rendant.
_ Maintenant, restez immobile pendant la vérification de la totalité de votre corps.
Habitué à l'excès de sécurité qui caractérisait la manière d'agir du Gouvernement Unifié, Dylan se laissa faire et son regard tomba sur l'inquiétante sentinelle. Elle était plus grande que lui et son unique photorécepteur prenait la forme d'une bande. Ces droïdes de sécurité ne craignaient rien et ils étaient autorisés à faire preuve de violence sur tout être organique ne se comportant pas dans les règles. Ils constituaient la seule exception à la loi interdisant à tout droïde de lever la main sur un humain, mais l'Esrii savait également que des robots assassins circulaient sur le marché noir.
« Je hais les droïdes » lança une voix féminine dans la tête de Dylan.
Celui-ci sourit sans répondre car il connaissait l'aversion de son Animater pour les robots. Ceux-ci avaient tant fait souffrir les siens lors de la Révolution.
_ Vous semblez bien être celui que vous prétendez être. Veuillez s'il vous plaît entrer par ici, indiqua le contrôleur en posant brusquement le scanner derrière le comptoir.
« Sais-tu qu'on est suivi ? » demanda Naarital.
Dylan perçut un léger amusement chez elle.
« Évidemment ! Je me doutais qu'ils voudraient nous suivre. Toutefois, ils ne doivent pas connaître nos amis, du moins pas encore »
« Je sais que tu ne partages pas mes doutes mais Weric Casays n'a pas la mentalité pour devenir un Esrii. Ses pensées sont... difficiles à cerner et je sens qu'il nous cache quelque chose de primordial » dit l'Animater, inquiet.
« Zhym m'a parlé d'Elvira, sa mère. Jadis, elle était une Esrii mais il arriva une chose terrible. »
« Je sais. Ou veux-tu en venir ? »
« Sa dévotion envers les Esrii n'avait pas de limite. Lorsqu'elle nous a quittés, elle a juré de protéger son enfant. Weric est certes secret et réservé mais il n'est pas mauvais. De toute façon, nous en aurons le cœur net lors de la Cérémonie de Fusion. »
Dylan passa devant un vendeur de combinaisons nano-organiques et lui fit signe qu'il n'en avait pas besoin. Il ressortit en direction du sas qui s'ouvrait pour laisser passer une dizaine de personnes. La plupart dégageait une forte odeur de synthétique révélant la présence de leur combinaison.
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Alors que le sas se refermait sur Dylan, les deux candidats Esrii poussèrent un grognement de frustration. L'Esrii serait déjà hors d'atteinte lorsqu'il se rouvrirait dans quelques minutes.
_ On l'a perdu, constata inutilement Adéna, déçue.
_ Tant pis, rétorqua le chasseur avec ironie. Enfin, je vais aller acheter cette pile à antimatière et peut-être plus, qui sait ?
Adéna s'offusqua de l'intention de Weric comme celui-ci l'avait prévu.
_ C'est très malhonnête de vouloir voler celui qui nous offre un avenir ! Je ne pense pas qu'un Esrii ferait ce genre de choses !
_ C'est mal de voler qui que ce soit ; pour ta gouverne, j'ai la conscience tranquille car je considérerais ce « vol » comme un emprunt.
Le posewalien tourna les talons dans la direction opposée au sas ouest sous les protestations véhémentes d'Adéna. Celle-ci ne le lâchait pas d'une semelle ; ce qui l'irritait de telle sorte qu'il bouscula involontairement une femme de forte ossature tenant un enfant par la main.
_ Excusez-moi, se repentit sincèrement Weric. Je ne l'ai pas fait exprès.
Vêtue d'une tunique grise, le visage bouffie de colère, la femme se releva et frappa le jeune homme à la joue.
_ Espèce de brute ! Vous faites pleurer mon enfant et ce ne sont pas vos balbutiements qui vont arrangés cela !
Weric n'avait pas réagi après la baffe reçue, même si une rougeur blafarde s'étalait sur sa face.
« Moi une brute ? Si seulement tu savais... »
Quant à Adéna, elle regardait la scène, bras croisés et l'air sévère, comme une demi-douzaine de passants curieux.
« Bon, la seule solution pour m'en sortir est d'être généreux et compréhensif. Sinon, cette femme est bien capable de me mettre entre les mains des autorités. » se dit-il.
_ Dans ce cas, prenez cet argent, proposa-t-il gentiment en tendant une petite liasse d'e-billets. J'espère que vous l'utiliserez pour acheter un beau jouet qui fera oublier la frayeur de votre petite fille.
Il fixa la petite dont les braillements diminuaient de seconde en seconde.
_ Sèche tes larmes, car ta maman va t'offrir un cadeau rien que pour toi, dit Weric d'une voix douce en s'accroupissant.
Rassurée, la fillette cessa de pleurer et essuya ses yeux gonflés avec ses poings.
_ Oui monsieur. Vous êtes si gentil monsieur...
Puis elle se précipita dans les bras d'un Weric désarçonné par cette réaction. C'était bien la première fois qu'une telle chose lui arrivait.
Son cœur bondit dans sa poitrine tandis qu'il se surprenait à éprouver de la tendresse devant ce visage angélique.
_ Euh...
_ Allons, Lylia...
La mère reprit son enfant dans ses bras mais son attitude envers Weric avait changé. Elle semblait un peu émue.
_ J'accepte votre offre, monsieur...
_ Weric Casays.
_ Bien ! Je vous prie aussi d'accepter les excuses de Rita Vongsouth pour vous avoir jugé si vite. Aussi j'espère me faire pardonner en vous invitant à venir choisir gratuitement un de mes produits de vente, proposa-t-elle en tendant une e-page.
Weric la prit et constata que Rita dirigeait une petite entreprise spécialisée dans les armes blanches. Ne voulant pas la froisser, il évita de penser tout haut que les couteaux ou épées étaient dépassés depuis bien longtemps. Il était même surpris par l'existence d'une telle entreprise.
_ Vôtre boutique est basée sur Phobos, c'est cela ? Je ne manquerais pas d'y faire un tour si l'occasion se présente.
_ N'oubliez pas ! Nous avons des produits de premier choix !
_ Au revoir monsieur Weric, dit Lylia, triste.
À peine étaient-elles parties qu'un homme d'âge mûr profita du manque d'attention de Weric pour se coller à lui et s'enfuir aussi vite. Adéna remarqua que le voyou tenait un objet dans sa main :
_ Qui est ce type ? Il t'a volé quelque chose.
_ L'enflure ! Il m'a pris l'unicarte de Melcus ! Si je l'attrape, il va souffrir ! vociféra Weric, les yeux flamboyants.
Tous deux se lancèrent à la poursuite de l'homme, zigzaguant à travers les passants surpris. Ils gagnaient du terrain mais le voleur était encore loin et se dirigeait vers le sas est. La foule grossissante n'arrangeait pas leur affaire ; on aurait dit qu'elle était contre eux.
Weric poussa un juron quand il vit l'homme passer dans la salle d'attente du sas. Quelques secondes plus tard, ils passèrent le contrôleur et perdirent encore du temps à acheter une combinaison nano-organique avec quelques billets d'Adéna. L'enfiler se révéla plus pénible que le jeune homme le pensait.
Adéna s'employa à le conseiller :
_ Vas'y doucement car plus tu t'énerveras, moins elle épousera la forme de ton corps.
Weric fronça les sourcils en retenant un juron.
_ Tsss...
La combinaison nano-organique était une technologie utilisant à la fois l'intelligence des nanorobots et les propriétés des métamatériaux. Ainsi, les nanorobots se disposaient sur tout le corps de l'utilisateur de manière à rendre la protection totalement hermétique à toute agression extérieure mis à part l'air respiré. Quant aux fibres constituant la majeure partie de la combinaison, elles déviaient simplement la lumière afin de projeter l'image de l'utilisateur.
_ Tu avais raison, admit Weric à contrecœur , elle s'est collée toute seule dès que j'ai cessé de m'agiter.
_ Si tu écoutais plus souvent les conseils des autres, ça te serait bénéfique. Maintenant, trouvons ce voleur !
_ Oui ! acquiesça le jeune homme.
Ils entrèrent dans le sas en navigant dans la foule qui attendait l'ouverture du passage.
_ Alors ? Où est-il ? demanda Weric qui n'avait pas eu le temps de voir le visage de son agresseur.
_ Il était plutôt vieux... la cinquantaine je dirais, avec une barbe grise de trois jours et des cheveux argentés.
Le jeune homme jeta un œil au-dessus de lui et soupira devant le sort qui s'acharnait sur eux. Nul doute que Dylan leur en voudrait s'ils ne parvenaient pas à reprendre son bien.
Weric et Adéna avaient enfin retrouvé le voleur tandis que les voyageurs se déversaient hors de la station. Indifférents à l'extraordinaire vue s'offrant à eux, ils se préparaient à sauter sur lui. celui-ci pensait certainement avoir semé ses poursuivants.
Weric regretta d'avoir laissé son pistolet dans le Descent mais les armes à feu étaient prohibées sur Vahala. Peu méfiant, le vieil homme s'était simplement retourné une fois. Cela n'était pas suffisant pour repérer un chasseur comme Weric Casays, habitué à se fondre dans l'environnement.
Juste derrière-lui, Weric surgit et ceintura le torse du voleur pour l'empêcher d'utiliser ses bras. Il suffoqua face à son odeur de tabac mêlée à celle de la sueur. Cela ne l'empêcha pas de tenir solidement son adversaire pendant qu'Adéna lui faisait les poches.
« Il n'a pas de combinaison, celui-là »
Avec une vivacité surprenante pour quelqu'un de son âge, le voleur balança sa tête en arrière et percuta le front de Weric. La force du coup sonna le jeune homme qui relâcha son étreinte. Les étoiles dansèrent devant ses yeux mais il parvint à voir le voleur pousser Adéna et s'enfuir dans un bâtiment.
_ Weric ! Tu vas bien ? s'enquit Adéna en se relevant.
_ Ne t'inquiète pas pour moi ! Il est entré par ici !
Ils se précipitèrent à l'intérieur d'un magasin de sources d'énergie pour tomber sur...
_ Dylan !
_ Vous voilà enfin ! Je désespérais de vous voir venir ici un jour, dit Dylan sur un ton enjoué.
Pas besoin de plus de détails pour que Weric comprenne la situation. Lui et Adéna avaient sauté à pieds joints dans un piège tendu par leur précepteur. Il n'y avait qu'à voir le sourire moqueur que faisait le vieil homme aux cheveux argentés. De plus, des piles à Hyperespace étaient entreposés sur plusieurs étagères comme si Dylan avait prévu qu'ils viendraient ici.
D'un regard, il comprit qu'Adéna avait tiré les mêmes conclusions que lui. Elle était moins bête qu'il ne le pensait. Sa tendance à juger les gens trop vite lui portait encore préjudice..
_ Puis-je récupérer mon unicarte ? demanda Dylan en tendant la main vers Weric.
Weric fit quelques pas et fixa tour à tour le pseudo-voleur et l'Esrii.
_ Je suis certain que ce type te l'a déjà rendu, déclara Weric. Bien que je n'aime pas me faire manipuler, j'avoue que je ne m'attendais pas à ce que tu devines qu'on te suive.
_ Tu as à moitié raison, Weric. Je savais que vous n'aviez pas compris ce que sont les Esrii alors j'ai eu l'idée avec Brenzor de cette petite mascarade. Qu'as-tu découvert Adéna ?
_ Je pense plutôt que les Esrii ont la faculté de repérer les personnes mal intentionnées, avança Adéna d'une voix assurée. Il n'y a que de cette façon que vous avez su, car nous avons eu l'idée de vous suivre après votre départ.
Dylan la gratifia d'un sourire approbateur sous le regard agacé de Weric. Quant au dénommé Brenzor, son visage émacié restait figé dans un étrange masque de sévérité. Weric se souvint avoir vu des professeurs ou des hommes d'affaire avec une mine semblable lorsqu'ils avaient des problèmes.
_ Et toi ? Quelle conclusion en tires-tu ? Demanda Dylan en se tournant vers Weric.
_ Euh... fit Weric, distrait quelque peu par Brenzor. Ce pouvoir donne un avantage indéniable quand il s'agit de connaître la vérité mais il est peut-être possible de protéger ses pensées contre ce genre d'intrusion. Si ce n'est pas le cas, un Esrii ne peut jamais être pris au dépourvu par qui que se soit puisqu'il repère instantanément les dangers.
Le jeune homme fit une pause. Une évidence venait de s'imposer à lui.
_ Et je donnerais ma main en pâture à un lionvorn que cette capacité dont tu es si fière n'est en réalité pas la tienne...
_ Explique-toi... tes paroles sont pour l'instant dénuée de tout sens, critiqua Dylan, l'air soudainement plus sérieux.
_ Non je ne crois pas, assura Weric avec calme. Cela vient de cette chose qui est entré dans ma tête. Elle a un esprit très fort et certainement capable d'analyser plusieurs esprits à la fois dans une foule.
_ Ces deux-là ne sont pas stupides mais ils sont faibles. Ils ne nous serons probablement pas d'une grande aide dans un proche avenir, marmonna Brenzor avec une nuance d'impatience dans la voix. Monsieur Melcus... j'aimerais maintenant que l'on s'entretienne loin des oreilles indiscrètes. Pouvez-vous congédier votre marmaille ?
Adéna réagit avant Dylan :
_ Nous sommes autant adultes que vous, vieux singe ! Je regrette de ne pas vous avoir placé un bon coup de genou là où ça fait mal !
La réplique plut à Weric ; cependant il ne dit rien car il était curieux de voir la suite des évènements. Au vu de la véhémence avec laquelle Adéna parlait, Weric sut qu'elle disait la vérité.
« Je ne savais pas qu'elle pouvait se montrer aussi impitoyable. Elle ne sera peut-être pas un poids pour moi alors... »
_ Ha ha ha ! Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas, jeune demoiselle ! Vous êtes à peine sorti du berceau que vous vous proposez de m'affronter sans savoir qui je suis ? Dylan ! Tu ne leur as donc rien appris ?
Gêné, l'Esrii se gratta la tête.
_ Cela fait seulement depuis quelques heures qu'ils ont quitté leur planète d'origine. Ils n'ont même pas passé la Cérémonie de Fusion et techniquement, je n'aurais pas dû leur révéler mon pouvoir d'empathie. Cependant je suis certain qu'ils seront doublés. Leurs esprits sont ceux de vrais Esrii.
Soudain, Weric fut pris d'un mauvais pressentiment. Que pouvait bien être cette Cérémonie de Fusion ? Il avait encore des doutes là-dessus mais plusieurs indices frappants ne demandaient qu'à être confirmés.
_ Qu'est-ce que la cérémonie de fusion ?
_ Je ne veux pas te mentir, Weric, soupira Dylan. Je t'ai déjà dit que j'étais tenu par une promesse de ne pas te révéler certaines choses en dehors du Sanctuaire. Cependant, je vais te dire ceci : la Cérémonie de Fusion est l'instant le plus primordial dans la vie d'un Esrii. Ton ancienne vie sera minutieusement examinée et devra être abandonnée, mais pas oubliée.
Weric déglutit lentement en s'efforçant de rester calme. Personne ne devait voir certains de ses souvenirs.
« Mais comment vais-je faire ? Cette Cérémonie de Fusion est obligatoire ! Et je ne pourrais rien cacher ! C'est certain ! Les Esrii découvriront tout... mais non ! Il reste une solution ! »
_ Quelque chose ne va pas ? demanda Adéna en voyant la tension qui s'emparait de Weric.
_ Je vais partir, dit celui-ci. Je ne me sens pas bien...je vous rejoindrais au vaisseau !
Le jeune homme partit en courant sans un regard en arrière.
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À peine arrivé dans sa cabine, Weric chercha des yeux son sac. Il n'avait même pas eu le temps de déballer ses affaires.
Un bruit de servomoteurs suivit son entrée précipitée. C'était Dwarbot qui trottait calmement derrière-lui.
_ Votre respiration est saccadée, votre corps transpire et vos yeux frénétiques reflètent une profonde anxiété. Que se passe-t-il, Maître Weric ?
Celui-ci jeta rageusement son sac sur une couchette poussiéreuse.
_ Elle savait ! Jura Weric en se tenant la tête.
_ Pardonnez-moi mais de qu...
_ De ma mère ! Elle était une Esrii après tout, et elle ne m'a rien dit sur une quelconque Cérémonie de Fusion qui passerait l'esprit des candidats au peigne fin !
Finalement, il découvrit la raison pour laquelle Elvira ne lui avait jamais rien révéler sur les Esrii.
Le robot intelligent se rapprocha de Weric en train de fouiller son bagage.
_ C'est le genre d'épreuve que maîtresse Elvira aimait vous faire passer. Je crains que, même après sa mort, son influence soit toujours là, comme si elle avait tout prévu.
_ Cesse de dire des bêtises, Dwarbot, commanda Weric, absorbé par l'objet sphérique qu'il tenait dans la paume de sa main.
Effectivement, il avait la forme d'un petit globe de cristal dans lequel surnageaient des centaines d'éclats argentés. Des volutes blanches voguaient également donnant à l'ensemble une note artistique.
_ Mais c'est...
_ Oui ! Le seul prototype d'Effaceur de Souvenirs produit par Neurotech. J'ignorais pourquoi ma mère me l'avait donné mais maintenant je sais ! Il n'y a pas d'autres alternatives !
Il posa son doigt sur le pôle mou de la sphère qui crépita comme si elle n'avait attendu que ce contact.
_ Maître ! Ce n'est qu'un prototype ! Il y a près de 66% de chances qu'il cause des dommages à votre cerveau ! Je suis sûr que vous pourrez cacher aux Esrii que vous...
_ Tais-toi ! Abruti de droïde ! Ne prononce jamais ça ici !
La respiration de Weric s'adoucit tandis qu'un tentacule sortait de la sphère et lorgnait dans sa direction.
_ J'ai confiance en ma mère et je suis sûr qu'il ne m'arrivera rien de fâcheux. Mes souvenirs seront conservés dans cette sphère jusqu'à que le temps vienne ou je devrais les récupérer pour le bien de l'Humanité.
L'étrange pseudopode s'infiltra par l'oreille de Weric.
_ Je serai peut-être différent lorsque j'aurais repris connaissance, dit celui-ci en fermant les yeux
L'Effaceur de Mémoire se vidait au fur et à mesure que le liquide rentrait dans la tête de Weric. Le jeune homme commença par grimacer et, au bout de quelques secondes, se mit à crier en se tenant la tête. La douleur était immense. C'était comme si chaque centimètre carré de son cerveau se retrouvait percé par une multitude d'aiguilles. Weric n'était plus en état de penser à quoi que se soit d'autre qu'à la mort. Il ne désirait plus qu'elle car seule elle pouvait le délivrer de cet enfer de souffrance.
Mais la douleur cessa, laissant place à l'inconscience que Weric prit pour la mort elle-même.
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