Galéir
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 Cassandre

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Jahus
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Jahus


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MessageSujet: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeSam 9 Mar - 20:52

Bonjour.
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Jahus
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeSam 9 Mar - 20:59

Entrée première

De douces sonorités se lèvent et viennent titiller son ouïe ; des notes éloignés à la harpe, jouées en triolets.

Bonjour, se souhaite-t-elle, les yeux encore clos.

Le volume augmente progressivement et d'autres instruments s'ajoutent et agrémentent la mélodie de nouveaux timbres. Un orgue électrique fait planer une douce ambiance baroque. Des coups de cymbale viennent soutenir le rythme. Le tout monte progressivement et prépare l'entrée d'une voix de ténor venant appuyer la mélodie.

Ricochets, cette musique me fait penser à des ricochets.

Les coups de batterie s'intensifient, le rythme accélère. Hurlement de la voix et celle-ci se fait succéder de la distorsion poussée d'une guitare électrique.

Ses paupières se soulèvent en douceur alors que le son se perd presque dans les aigües.

Aras.

Sa pensée se tourne vers lui. Elle le revoit sur son siège de pilote, la fixant d'un regard si intense qu'elle le sent encore sur elle, comme s'il pouvait encore percevoir chacune de ses pensées.

La musique revient dans les médiums et les notes se succèdent, liées et enchaînées à une vitesse qui tend à les souder les unes aux autres. Aux bends rapides et énergiques suivent des bends lents et langoureux.

Aras.

Elle reste ainsi, admirative devant la virtuosité et la vélocité du musicien dont elle entend le morceau. Ses pensées, telle la musique, s'harmonisent et s'allongent.

Je le retrouverai au bout de ma mission et serai son apprentie. Je serai patiente et me focaliserai sur le chemin que je me trace actuellement. Je ne suis plus la Shengzhi fragile que j'étais. Je suis prête. Aussi, je ne suis plus au Temple et n'ai personne pour surveiller chacun de mes mouvements, superviser chacun de mes actes. Je me sens enfin libre de mes choix.

La musique avait cessé.

Elle cherche des yeux le réveille-matin posé sur la table de chevet.

06:38, lit-elle.

Elle s'étire. La lumière s'allume et éclaire la chambre. Elle scrute son environnement et redécouvre avec un plaisir renouvelé la vaste chambre qui lui fut confiée à son arrivée. Les meubles y étaient en vrai bois et la literie en soie naturelle.

Ses pieds touchent l'épaisse moquette recouvrant le sol. Elle a l'impression de léviter tant le contact en est apaisant. Elle se retrouve et se toise devant le miroir aux rebords sculptés d'une grande coiffeuse.

– Bonjour, Cassandre, lance-t-elle à son propre reflet.

Cassandre orna ses mots d'un léger sourire.

À nouveau, une douce musique se lève. La jeune fille part pour la salle de bain et y prend une douche fraiche. Séchée, devant la glace, elle s'habille d'un jean blanc et d'un haut rose. Ses chaussures portées, elle retrouve la chambre. Là, des paroles sont chantées sur une musique à la rythmique puissante, toujours emprunte d'une ambiance baroque et d'un jeu de guitare excentrique.

Des mots qu'elle entend, Cassandre ne comprend qu'une partie ; la langue délaissée et vieillie.

Elle sort de la pièce, traverse un long couloir puis une grande salle de restauration pour se retrouver devant un bar.

– Bonjour, damoiselle Cassandre, la devance l'homme au bar. Bien dormi ?

Elle le dévisage, songeuse pendant un moment et acquiesce d'un hochement de tête. L'homme aux cheveux blonds et à la longue moustache sourit et pose devant elle un plat d'œufs brouillés et un verre de jus de couleur orange. Son sourire s'élargit davantage.

Cassandre s'applique à son petit-déjeuner et lance par moments un regard attentif à son vis-à-vis.

Alaric, quel étrange prénom. D'ailleurs, lui-même me parait bien étrange. À être aussi avenant avec moi, à toujours se préoccuper de mon état et mes déplacements…

Quand elle relève les yeux, elle le remarque qui la dévisage. Gênée, elle se remet à son plat.

Pourquoi me toise-t-il ainsi ? J'ai l'impression qu'il entend mes pensées à son sujet. Ce qui m'insupporte le plus, c'est sa façon de me gâter. Sans jamais me laisser le choix, il m'offre ce dont j'ai besoin, comme ça, et sans rien prendre en retour. Pourtant, les frais de mission ne sont jamais réglés à l'avance ; ce qui nous assure l'anonymat le plus total, mais là… lui, il sait. Il en sait même beaucoup. Il connait Aras, certes, mais quoi d'autre ?

Je préfère ne pas poser la question, déjà que je le gêne avec mon air énigmatique et refermé…


– Merci, lance Cassandre avant de s'éloigner du comptoir.


Laissant Alaric von der Goten à sa station de transfert, je rejoignis mon navire fraichement acquis. Et toute excitée que j'étais de partir à l'aventure ; seule qui plus est. À la découverte d'un monde qui m'était totalement étranger.

J'avais le vent en poupe. Littéralement. Ne m'ayant pas encore procurée d'accumulateurs, je déployais les voiles du Lady Ree dès que je m'éloignais d'une zone à fort trafic. Pourtant, à l'intérieur d'un système, elles font plus office de capteurs solaires que de voiles.

Mise à part la baisse fulgurante d'énergie que percevait le vaisseau lorsque je repliais les voiles, je n'avais aucun système défensif. Et je n'osais même pas penser à l'armement. Je prévoyais de me procurer des batteries de nanorobots à ma prochaine escale, ainsi que d'installer un générateur de bouclier, même rudimentaire pour me garantir un minimum de sécurité.

J'étais surexcitée, certes, mais pas au point de négliger ma sécurité. Je comptais bien mener à bien cette première mission et, surtout, le retrouver. Me préparant à m'éloigner des systèmes centraux, entièrement sécurisés par le gouvernement, j'étais consciente des dangers et des périples que j'aurais à affronter.

J'étais bien loin de la réalité des mondes frontaliers et des épreuves que j'avais à passer.


Encore un rythme effréné à la batterie. Encore ces jeux à la guitare électrique. Le son saturait complétement le petit cockpit. Cassandre se concentrait sur ses commandes.

C'est son deuxième envol.

Devant elle se dresse Nouvelle Terre avec son atmosphère verdâtre, ses immenses océans et ses nombreuses strates nuageuses recouvrant les terres et les mers de leur blancheur éclatante.

À penser que je n'ai jamais mis les pieds sur Nouvelle Terre…

Les accumulateurs auxiliaires chargés depuis la station, elle n'a aucune difficulté à allumer les réacteurs. Son casque de pilote sur la tête, visière rabaissée, Cassandre vérifie ses systèmes de survie. Tout est au vert. L'anneau d'arrimage se détache et le Lady Ree est libéré.

Elle pousse la molette des gaz. Le navire s'approche encore de l'atmosphère de la planète.

Si je m'approche trop, je perdrai en intégrité de la coque. Sans boucliers, je ne peux même pas envisager un atterrissage.

Le Lady change de cap. Dans son petit habitacle, la jeune pilote a le regard pris par la projection tridimensionnelle de la carte stellaire.


Je me souvins de ses mots, de ses directives avant que je n'entame mon voyage. Il m'avait parlé de la carte stellaire. Il avait dit qu'elle était vielle et j'avoue que je n'avais pas idée à quel point, et que j'étais, là encore, loin de me douter de tous les changements qui avaient pu y être opérés en un siècle. Les systèmes embarqués aussi, étaient vieux, et avaient besoin d'une mise à niveau, ne serait-ce que pour se conformer aux protocoles de transport des anneaux commerciaux et des portes de saut. Je courrais un risque, à voler à bord de mon vieux débris ; je le savais, mais je n'avais que ça. Ça, l'espoir d'une amélioration prochaine et un paquet de crédits.

En plus, j'avais demandé à Von der Goten s'il pouvait me conseiller un ferrailleur chez qui customiser mon tas de boulons. Je ne pouvais pas le savoir, mais il m'avait désigné le meilleur. C'est chez lui, que je me dirigeai après m'être désamarrée de Terreneuve. Ou plutôt… chez elle.


Le petit navire sort de la juridiction de Terreneuve et approche d'une structure métallique composée de quatre arcs indépendants placés de manière à former un grand et fin anneau.

Le Lady s'aligne à son centre. Cassandre, habituée au spectacle qu'offrent les routes commerciales, se calle dans son siège et lâche les commandes. Des étincelles commencent à jaillir aux centres des arcs en acier, suivies d'une vive lumière palpitante, partant d'une partie à l'autre, jusqu'à former un cercle parfait.

Cassandre sent une légère poussée et le navire accélère subitement. La vitesse augmente de façon exponentielle. De quelques mètres par seconde, elle dépasse les mille kilomètres par unité. Le premier anneau est loin derrière le Lady Ree et déjà celui-ci passe au travers d'un second, puis d'un troisième. À chaque passage, un son lourd en bang retentit, sa vibration ébranle tout le vaisseau.

9999+, lit-elle sur l'indicateur de vitesse. Elle sourit. Loin devant, sur fond étoilé, la jeune fille discerne deux immenses planètes gazeuses. Tout autour d'elle, le paysage change. Le vide sidéral laisse place à une sorte de nuage gris bleuté. Celui-ci se densifie de plus en plus et disparait de sa vue, d'un coup. Un autre est en vue, bien plus loin, à sa gauche. Elle le dépasse.

Le voyage se termine quelques secondes plus tard et devant elle se dessine un astre tellurique à la face couverte de cratères et démuni d'atmosphère. À sa droite, une station de taille moyenne. Plus loin, des bornes délimitant une zone de sécurité autour de la planète.

Le trafic est beaucoup moins dense qu'à Terreneuve, et le type de navires que l'on y croise diffère quelque peu. Cassandre le remarque bien vite. Les petits vaisseaux personnels et les transports de marchandise ont laissé place à des petits navires miniers, de simples tracteurs, des remorqueurs et des vaisseaux de récupération.

Un petit navire, orné de feux rouges sur ses angles, s'approche du Lady.

Freelancer Sierra Unit Romeo Unit, vous entrez dans une zone placée sous le contrôle exclusif de la Guilde des Ferrailleurs. Veuillez mettre en panne et annoncer vos intentions.

Cassandre baisse la vitesse de son navire jusqu'à l'immobiliser. Sur le panneau d'ingénierie, elle trouve les commandes du générateur et diminue la tension jusqu'à éteindre tous les systèmes du navire ; restent alors les communications et les systèmes de survie de base.

– Ici Cassandre, au bord du Lady Ree. Je cherche un certain Adèle. C'est Alaric Von der Goten qui m'envoie.

Passa un moment durant lequel le ferrailleur longe et scanne le navire de Cassandre.

– Tout est okay, annonce-t-il enfin dans les comms. Mettez-vous en formation avec moi et préparez votre vaisseau pour un atterrissage.

La jeune fille s'applique, pousse la molette du générateur qui se remet en marche. Les accumulateurs du navire sont à deux tiers de leur capacité. Elle pense les recharger sur la planète. Les réacteurs s'allument. Elle se souvient de la procédure à suivre pour atterrir sans assistance. Elle contrôle peu à peu sa poussée et régule sa vitesse d'approche.

Sur la surface de la planète, elle remarque des dômes éparpillés et des infrastructures minières. Le reflet du soleil sur la surface poussiéreuse donne à la lumière environnante une teinte marron. Suivant la course de son escorte, elle s'approche d'un dôme dont la surface reflète à la perfection l'espace derrière elle. Elle y voit les deux géantes gazeuses et l'espace noir criblé d'étoiles.

Une dizaine de kilomètres la sépare désormais du haut de la structure translucide. À nouveau, elle capte une communication.

Ferrailleur Omicron Deux Point Un à Base logistique Hélène, suis en compagnie d'un client. Demande autorisation d'entrée.
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Minos
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeJeu 11 Avr - 22:25

Voilà, j'ai enfin lu le début de Cassandre. Et bien... et bien j'attend la suite, parce que le début n'est qu'un début et j'aimerais bien en lire un peu plus ! Là, on ne sait pas du tout vers quel type de récit on va s'orienter, ni ce que va donner l'intrigue.

Arrêtez de faire comme moi, soyez assidus sur vos histoires !



Quelques remarques de forme :

Jahus a écrit:
De douces sonorités se lèvent et viennent titiller son ouïe ; des notes éloignés à la harpe, jouées en triolets.
éloignées

Jahus a écrit:
Les coups de batterie s'intensifient, le rythme accélère. Hurlement de la voix et celle-ci se fait succéder de la distorsion poussée d'une guitare électrique.
« celle-ci se fait succéder » c’est un peu lourd à mon goût, comme formulation. « Hurlement de la voix, à qui succède… » serait peut-être mieux, où quelque chose comme ça.

Jahus a écrit:
Ses paupières se soulèvent en douceur alors que le son se perd presque dans les aigües.
Masculin, donc « aigus ».

Jahus a écrit:
Sa pensée se tourne vers lui. Elle le revoit sur son siège de pilote, la fixant d'un regard si intense qu'elle le sent encore sur elle, comme s'il pouvait encore percevoir chacune de ses pensées.
Répétition « pensé » et « pensée ».

Jahus a écrit:
Aux bends rapides et énergiques suivent des bends lents et langoureux.
La répétition n’est pas très heureuse.

Jahus a écrit:
La jeune fille part pour la salle de bain et y prend une douche fraiche.
fraîche.

Jahus a écrit:
Ses chaussures portées, elle retrouve la chambre.
« ses chaussures portées » est à revoir, ça prête à confusion : on ne sait pas si elle les porte aux pieds ou à la main !

Jahus a écrit:
Là, des paroles sont chantées sur une musique à la rythmique puissante, toujours emprunte d'une ambiance baroque et d'un jeu de guitare excentrique.
empreinte
Jahus a écrit:
Des mots qu'elle entend, Cassandre ne comprend qu'une partie ; la langue délaissée et vieillie.
Ce serait pas plutôt deux points plutôt qu’un point-virgule ? On dirait une précision.

Jahus a écrit:
– Bonjour, damoiselle Cassandre, la devance l'homme au bar. Bien dormi ?
Le « devance » est maladroit, puisqu’il n’est pas dit avant qu’elle veut ouvrir la bouche la première.

Jahus a écrit:
Et toute excitée que j'étais de partir à l'aventure ; seule qui plus est. À la découverte d'un monde qui m'était totalement étranger.
Ici, le tout pourrait former une seule phrase pour que ça se lise d’une manière moins hachée.

Jahus a écrit:
Ne m'ayant pas encore procurée d'accumulateurs, je déployais les voiles du Lady Ree dès que je m'éloignais d'une zone à fort trafic.
« ne m’étant » plutôt que « m’ayant ».

Jahus a écrit:
Je prévoyais de me procurer des batteries de nanorobots à ma prochaine escale, ainsi que d'installer un générateur de bouclier, même rudimentaire pour me garantir un minimum de sécurité.
Virgule après « rudimentaire »

Jahus a écrit:
Je comptais bien mener à bien cette première mission et, surtout, le retrouver.
J’aurais mis « le » en italique, d’une part parce qu’il n’a pas été cité depuis longtemps, et pour souligner à quel point il est spécial aux yeux de Cassandre.

Jahus a écrit:
Il avait dit qu'elle était vielle
vieille

Jahus a écrit:
Les systèmes embarqués aussi, étaient vieux, et avaient besoin d'une mise à niveau,
La première virgule est inutile

Jahus a écrit:
En plus, j'avais demandé à Von der Goten s'il pouvait me conseiller un ferrailleur chez qui customiser mon tas de boulons.
Précédemment, tu n’as pas mis de majuscule à « Von ».

Jahus a écrit:
Je ne pouvais pas le savoir, mais il m'avait désigné le meilleur.
Alors comment elle le sait ?

Jahus a écrit:
C'est chez lui, que je me dirigeai après m'être désamarrée de Terreneuve.
Première virgule inutile.

Jahus a écrit:
Le Lady s'aligne à son centre. Cassandre, habituée au spectacle qu'offrent les routes commerciales, se calle dans son siège et lâche les commandes.
Se cale

Jahus a écrit:
Des étincelles commencent à jaillir aux centres des arcs en acier, suivies d'une vive lumière palpitante, partant d'une partie à l'autre, jusqu'à former un cercle parfait.
« partant d’une partie », bof bof !

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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeVen 12 Avr - 0:09

J'ai les mêmes remarques que l'ami Minos.
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeVen 12 Avr - 1:46

Toi, tu es une vraie plus-value pour ce forum au niveau écriture ! Razz

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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeVen 12 Avr - 11:23

Merci !

Je vais en prendre note et rectifier tout cela. Je vous avoue que cet écrit-là n'a pas bénéficié d'une réelle relecture.

Je vous mets la suite aujourd'hui.

Ça fait un bout de temps que je ne me suis pas pointé sur Galéir, avec mes examens puis des vacances troubles. J'ai vu l'eMail et pouf, je suis revenu.

Merci, Minos. Et puis, merci aussi, Darth Sebi.

Minos, le lapin blanc de Galéir a écrit:
Arrêtez de faire comme moi, soyez assidus sur vos histoires !

Et en plus, on écrit un bout par-Si, un bout par-Mi Shocked
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeVen 12 Avr - 11:43

Entrée seconde

Nous étions entrés par le premier sas. Le spectacle me laissait émerveillée. L'intérieur étincelait tant la lumière y était forte. Partout étaient parsemés des vaisseaux en tout genre, éventrés, en fin de vie ou en cours de réparation. Des tas de ferraille, triés, gisaient çà et là. On en aurait dit un immense chantier naval. Le neuf côtoyait l'incroyablement vieux et abimé. L'éclat du métal faisait scintiller certains vaisseaux utilitaires alors que la couleur rouille forme des taches sombres. Le tout me faisait penser à un bal, tant le mouvement se faisait dans tous les sens.

Les ferrailleurs forment un groupement organisé de récupérateurs. Ils activent partout à travers l'Espace Connu, récupèrent les navires et les stations en fin de vie, les pièces détachées, les restes d'explosions et tous les déchets ferreux et se spécialisent dans leur réutilisation, leur recyclage et leur revente.

Leur ligue est tolérée par le gouvernement, bien qu'une partie de leurs activités se place à la limite de la légalité. Ce qui leur vaut d'ailleurs bien des échauffourées avec les autres entreprises, ainsi que, par moments, avec la police locale.

Mon escorte m'avait conseillé de partir voir à la cantina si Adèle s'y trouvait.


Le Lady se pose sur une aire d'accostage proche du bord du dôme, adjacente au centre administratif. Cassandre se lève de son siège et descend la rampe de son vaisseau. Une chaloupe décolle à quelques mètres vers sa droite. Elle traverse un pont séparant l'aire du bâtiment et, à un carrefour, prend le chemin de la cantina, tel que lui avait indiqué son escorte.

Un endroit pittoresque, hein ? Allons voir ça.

Une enseigne faite de néons bleutés désignait l'établissement : The Blue Light.


L'intérieur était assurément éclairé d'une lumière bleutée. C'était bien vaste et grouillait de monde. Ce qui m'avait frappée en premier était la scène au bout de la salle. Un groupe de rock y jouait une musique symphonique. Je commençais alors à inspecter mes environs et découvrais une atmosphère détendue. Sur ma gauche, des tables de jeu, plus loin, une autre scène, vide cette fois, faisait face à la première. Trois barres de métal m'avaient fait comprendre son utilité.

Je me dirigeai vers le zinc. Personne ne semblait avoir remarqué mon entrée si ce n'est le serveur qui m'observait d'un œil curieux.


Le barman fixe intensément la jeune fille.

– Vous prenez ?

– Un Coca-Cola Plus, répond-t-elle prestement.

Cassandre l'évalue à son tour.

– Vous êtes nouvelle ?

– Certes.

Le jeune homme pose devant elle une bouteille d'où elle boit immédiatement une gorgée ; le goût en est légèrement citronné.

Au-dessus, sur un écran, passent des informations en continu. Le son est coupé. Cassandre pense qu'ils attendent sûrement qu'un événement soit relaté pour qu'ils en augmentent le volume. Son regard se perd dans les images qui défilent. Est montrée une grande station spatiale en construction. Par moments, une fenêtre vidéo est ouverte sur le côté pour afficher les commentaires de responsables du chantier ou de politiques liés au projet.

Son verre de cocktail est à moitié.

Nouveau sujet. Elle lit en sous-titres : Chantiers navals de Tanis, productivité en forte hausse. Des graphiques se suivent en bas de l'image des chantiers de construction ; immenses plateformes en orbite basse de la planète Tanis.

Elle se tourne et tend son attention à la musique. Le rythme avait changé sans qu'elle s'en aperçoive. Cassandre observe les membres du groupe ; toutes des filles, jeunes et fringuées d'habits moulant à la perfection leurs silhouettes fines et élancées. Elles étaient à cinq. Batteuse, bassiste, guitariste, deux violonistes et une dernière à la contrebasse.


Je redécouvrais un morceau que je connaissais bien. Ce groupe qui jouait ce jour-là me faisait planer. Elles refaisaient au violon les longs solos de guitare et recouvraient le tout d'un son pur et harmonisé. J'avais l'impression d'assister au jeu d'un orchestre symphonique. J'avais devant moi de vraies virtuoses et j'en étais ébahie.

C'était surtout la première fois que j'entendais quelque part une musique de mon répertoire. Tout ce que j'écoutais me venait du Tianyuan et il nous était défendu de diffuser le savoir ou toute autre donnée acquise au Temple.


– Vous trouvez ça comment ?

– Magique, répond Cassandre, sans détourner le regard, ni son attention.

L'une d'elles s'approche du bord de la scène pour un solo de violon. Son jeu, à une vitesse limite surhumaine, laisse la jeune fille complétement hébétée. Une vive énergie sourd de la musicienne et interpelle la jeune Shengzhi.


J'expérimentais une nouvelle émotion. J'avais fermé les yeux pour mieux la cerner et comprendre ce que je ressentais. J'avais l'impression de me retrouver devant une initiée du Temple, devant une semblable. C'en était troublant. Je ressentais, par l'énergie qu'elle dégageait, chacun de ses mouvements. Ma main, au bout d'un instant de concentration, se mettait à trembler. J'avais pensé à une sorte de transe mais il n'en était rien ; mes doigts commençaient à s'agiter, pris de convulsions. Plus j'essayais de brider leur mouvement, plus je ressentais de douleurs musculaires. Plus j'essayais de les contrôler, moins j'étais consciente de mes membres.

J'avais alors pris l'initiative de me laisser aller. En moi, je percevais les pensées de la soliste. Elles venaient à moi et je voyais la musique, ressentais les notes et en recevais des images colorées. Les tremblements se changèrent en mouvements ordonnés, mes doigts suivaient chaque mouvement des siens. Ma main droite se déplaçait sur un manche virtuel alors que la gauche maniait l'archet. Les impulsions s'étendaient à tout mon corps. Sentant que ça allait attirer l'attention sur moi, je tronquai ma petite méditation improvisée et coupai le lien formé avec la musicienne.


– Elle, c'est Adèle, le leader du groupe.

Cassandre se retourne, étonnée.

– C'est "elle", Adèle ?

– Oui. Vous aussi, vous trouvez qu'elle est douée ?

La Shengzhi saisit la bouteille de soda et boit ce qui en reste d'une traite. Ses yeux sont grands ouverts.

C'est donc elle, Adèle. Pourquoi Von der Goter m'a-t-il envoyée chez elle ? Elle semble n'être qu'une musicienne de bar. Je me demande en quoi elle pourrait m'aider pour mon vaisseau. J'espère ne pas m'être trompée, ou qu'Alaric ne s'est pas joué de moi. Enfin, ça, c'est peu probable. Et que vient-il réellement de se passer ? J'étais complétement prise par ses pensées, tant que mes mouvements suivaient les siens. Et l'énergie qui sourdait de son corps n'est pas habituelle. Je dois la voir. Et de toute façon, c'est le but de ma venue ici. Le serveur doit savoir où la joindre…

– Il faut que je lui parle, lance Cassandre à l'intention de l'homme au bar.

– Qui, Adèle ? Elle vient de sortir de scène. Je ne pense pas qu'elle puisse aller bien loin. Elle vit ici. Si vous vous dépêchez, vous pourrez les rattraper, elle et son groupe. Sinon, vous n'aurez qu'à l'attendre à son garage.

– Elle est ferrailleuse ? demande Cassandre, étonnée.

– Comme tout le monde ici, petite. Même qu'elle est la plus douée du coin. On vient de loin pour louer ses services en maintenance. Elle peut tout faire, vous savez ?

– Au peu que j'en ai vu, je n'en doute pas. Vous me montrez son garage ?

Alaric ne s'est pas trompé. Et encore moins joué de moi. Pourquoi en ai-je douté, d'ailleurs ? Certes, je ne pensais pas que le célèbre ferrailleur qu'il m'avait conseillé puisse être une fille et encore moins une sublime musicienne durant ses temps libres. Je dois apprendre à faire confiance à Alaric. Déjà sur sa station, je me montrais distante et complétement refermée, alors que lui ne cessait de m'aider pour mes enquêtes, sans même tenir compte des troubles que je pouvais provoquer chez sa clientèle.

Aras lui avait confié Aurore, sa petite protégée. Il lui fait confiance alors pourquoi est-ce que j'arbore une telle méfiance et une telle attitude à son égard ?



On m'avait désigné le lieu exact où trouver cette Adèle. Je n'avais pas tardé à m'y rendre. Après le bar, qui trônait à l'ouverture de la ville, celle-ci paraissait enfin dans son ensemble ; immense, pour une ville dans un dôme. J'avais appris qu'elle était la capitale des Ferrailleurs.

Manier mon vieux débris à travers les hauts immeubles se fit par bien des difficultés, mais j'avais fini par arriver à destination. Le garage que je cherchais se trouvait à l'extrémité nord de l'agglomération. Il s'était avéré plus petit que je ne l'avais imaginé ; une sorte de hangar réaménagé faisant le coin d'un quartier d'habitation malfamé.

Une enseigne lumineuse en forme de clef à molette surplombe l'établissement. Et il était fermé. J'attendis alors, assise à même le sol, devant mon navire.
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeVen 12 Avr - 12:41

Hop, hop, hop : voici les remarques suivantes... en attendant la suite ! tongue

Pas grand-chose à dire sur le fond pour l'instant, l'intrigue avançant tout doucement...


Jahus a écrit:
Partout étaient parsemés des vaisseaux en tout genre, éventrés, en fin de vie ou en cours de réparation.
« En tous genres » au pluriel, vu que tu sous-entends qu’il y a plusieurs.

Jahus a écrit:
Des tas de ferraille, triés, gisaient çà et là. On en aurait dit un immense chantier naval. Le neuf côtoyait l'incroyablement vieux et abimé.
En quoi sont-ils triés ? Tu ne le précises pas.

Jahus a écrit:
L'éclat du métal faisait scintiller certains vaisseaux utilitaires alors que la couleur rouille forme des taches sombres.
Ton sempiternel problème de temps différents, entre passé et présent… et qui ne passe toujours pas, même si c’est un effet de style voulu !

Jahus a écrit:
Les ferrailleurs forment un groupement organisé de récupérateurs. Ils activent partout à travers l'Espace Connu
« ils s‘activent »

Jahus a écrit:
Ce qui leur vaut d'ailleurs bien des échauffourées avec les autres entreprises, ainsi que, par moments, avec la police locale.
La virgule avant « ainsi » me semble inutile ; tu cites « les autres entreprises » et les problèmes qu’elles ont avec la ligue, mais sans expliciter plus la différence des méthodes spécifiques des deux camps.

Jahus a écrit:
Mon escorte m'avait conseillé de partir voir à la cantina si Adèle s'y trouvait.
« avait conseillé de partir voir » : 4 verbes sous diverses formes en 5 mots, pas top ! Et le « conseillé » est « conseillée ».

Jahus a écrit:
Une chaloupe décolle à quelques mètres vers sa droite. Elle traverse un pont
Ce « elle » renvoie à Cassandre mais dans la phrase d’avant, tu parles d’une chaloupe, donc il vaut mieux citer nommément Cassandre afin d’éviter la confusion.

Jahus a écrit:
L'intérieur était assurément éclairé d'une lumière bleutée.
Ce « assurément » me semble impropre.

Jahus a écrit:
Je commençais alors à inspecter mes environs et découvrais une atmosphère détendue.
Ça manque d’instantanéité et de fluidité à mes yeux : un « J’inspectais les environs (qui me semble aisément suffire) et découvris (temps de l’instantanéité) une atmosphère détendue » me semblerait plus court et tout aussi explicite.

Jahus a écrit:
Sur ma gauche, des tables de jeu, plus loin, une autre scène, vide cette fois, faisait face à la première. Trois barres de métal m'avaient fait comprendre son utilité.
Je ne comprends pas la dernière phrase. C’est quoi, ces barres de métal ?

Jahus a écrit:
Le jeune homme pose devant elle une bouteille d'où elle boit immédiatement une gorgée ; le goût en est légèrement citronné.
« dont » plutôt que « d’où »

Jahus a écrit:
Au-dessus, sur un écran, passent des informations en continu.
La phrase est courte et je trouve dommage qu’en plus, tu la haches avec des virgules : en reformulant, tu peux virer les virgules.

Jahus a écrit:
Son verre de cocktail est à moitié.
À moitié quoi ?

Jahus a écrit:
Des graphiques se suivent en bas de l'image des chantiers de construction ; immenses plateformes en orbite basse de la planète Tanis.
Ici, une virgule semble mieux qu’un point-virgule, car la fin de la phrase est une précision plutôt qu’un complément. Bon, c’est pas clair dit comme ça donc je vais essayer de préciser.
Plus haut, tu écris « Le jeune homme pose devant elle une bouteille d’où elle boit immédiatement une gorgée ; le goût en est légèrement citronné ». Là, le point-virgule me semble bien car il exprime une nouvelle idée par rapport à ce qui précède, ce que j’appelle un complément, ou une conséquence, bref l’idée d’une évolution. Alors que dans la phrase « Des graphiques se suivent en bas de l’image des chantiers de construction ; immenses plateformes en orbite basse de la planète Tanis », ce qui suit le point-virgule n’est pas une évolution, n’est pas une extrapolation par rapport à ce qui précède, mais juste une précision d’ordre descriptif. Tu me suis ?
Ceci dit, j’ai fait une rapide recherche sur le Net sur l’emploi du point-virgule, et certains estiment que leur emploi n’est qu’une question de sensibilité, et d’autres affirment même qu’il est inutile…


Jahus a écrit:
Elle se tourne et tend son attention à la musique. Le rythme avait changé sans qu'elle s'en aperçoive. Cassandre observe les membres du groupe ; toutes des filles, jeunes et fringuées d'habits moulant à la perfection leurs silhouettes fines et élancées.

Problème de temps : « le rythme a changé » est plus français, par rapport aux deux phrases qui l’encadrent et qui sont elles au présent.
Le « fringuées » me dérange, verbe trop familier pour être à l’unisson du reste du texte.

Jahus a écrit:
Et l'énergie qui sourdait de son corps n'est pas habituelle.
Le verbe « sourdre » est assez inhabituel en soi, or ça fait deux fois en peu de phrases que tu l’utilises, ce qu’il vaut mieux éviter.

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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeVen 19 Avr - 23:33

Entrée troisième

Aurore… Que représente-t-elle pour qu'il lui accorde tant d'importance. Pourquoi est-il tant obsédé par son sort ? Même durant son sommeil, il ne cessait de marmonner son nom. J'ai beau me dire que c'est une Shengzhi dont il a la responsabilité, je n'arrive pas à m'en convaincre. L'impression m'est forte qu'il y a bien plus que cela entre eux.

Et moi, je ressens le manque dû à son absence.

Je sens… une présence.


Sa pensée la sort de sa torpeur. Au loin, dans l'ombre, une silhouette menue se faufile et se dirige vers elle d'un pas léger. Cassandre remarque que la nuit était tombée et comprend qu'elle avait passé un long moment à attendre au même endroit, adossée à la porte métallique du garage. Elle tente d'évaluer le danger mais n'arrive pas à cerner l'aura de celle qui longe désormais son vaisseau, s'attardant pour l'inspecter de l'extérieur. Sa vigilance augmente.

– Quel bel assemblage !

La voix féminine résonne tant le silence est pesant sur le dock. La voix était pourtant douce et mélodieuse. Cassandre reconnut Adèle et celle-ci s'avança jusqu'à paraître sous la lumière trop focalisée d'un lampadaire.

Elle est belle, se dit-elle intérieurement. Cette lumière fait encore plus ressortir sa taille et ses traits que sa combi moule à merveille.

– C'était vous, au bar ? demande Adèle qui passe au niveau de la Shengzhi sans prendre le temps de la saluer.

La porte du garage se lève dans un bruit strident de métal rouillé qui grince. Cassandre se renfrogne et se tourne pour suivre les pas de la musicienne. L'intérieur était si sombre qu'elle ne voyait presque plus la jeune femme. Elle la suit au pas, sans se faire convier. Le garage n'avait rien de ce qu'avait pu imaginer l'apprentie Aihara. L'intérieur était vide, aussi loin que sa vue lui permettait de voir dans l'obscurité. Elle arrive au niveau d'Adèle qui s'était figée au centre de la grande pièce. Une petite lumière rouge s'allume sur une console devant elles. Adèle tapote un code sur cette dernière et la lumière vire au vert.

– Une Aihara, hein ? marmonne Adèle alors que le sol se met à bouger.

Une partie du sol commence à s'affaisser et à descendre. Cassandre se retient de bouger d'un poil, consciente d'être sur un turboélevateur dénué de rambarde. Elle sent ses genoux qui flageolent et un frisson la parcourir.

Elle entend la porte du hangar se refermer.

– Si c'est pour moi que tu es venue, tu perds ton temps, lui lance la violoniste d'un ton sec.

De quoi est-ce qu'elle parle ? Et moi, pourquoi n'ai-je pas répondu à sa question ? Elle m'en a posé trois, je crois. Comment sait-elle que je suis Aihara ? A-t-elle été prévenue de mon arrivée ? Et même si c'est le cas, Alaric aurait gardé ça pour lui. Et…

Une vive lumière l'éblouit. Alors que ses yeux commencent à s'habituer, elle distingue un immense hangar à quelques dizaines de mètres sous ses pieds. La peur due à la hauteur s'intensifie et une douleur se fait sentir à ses articulations.

L'intérieur du hangar est étincelant et là où elle regarde, elle voit des carcasses, des pièces détachées, des droïdes de maintenance. Le sol est argenté mais rouillé par endroits, tout comme les parois qui, elles, sont traversées d'une tuyauterie enchevêtrée, et sur elles reposent des composants mécaniques. De larges établis définissent les espaces de travail occupés pour la plupart de petits vaisseaux personnels et de transports d'agréments luxueux.

Cassandre en oublie la hauteur.

L'élévateur atteint le sol et Adèle, d'un air froid, se dirige vers le centre de contrôle, un large espace truffé d'ordinateurs et de consoles.

– Comment saviez-vous, pour le bar ?

Adèle stoppe sa marche et se tourne vers elle. Cassandre la toise, curieuse.

– Commence par me tutoyer, gamine. Ensuite, réponds à mes questions. Et là, j'aviserais…

Elle m'énerve ! Comment ose-t-elle me traiter de gamine ? Mais j'ai intérêt à quitter mon air froid. Sinon, je ne paie pas très cher de ma mission…

– Je suis Aihara, dit Cassandre sur un ton léger, presque neutre. Vous… enfin ; tu, avais raison. Et au bar aussi, c'était moi.

Voilà, ce n'était pas si difficile. Et toi, t'es qui exactement pour…

– J'aime mieux ça, répond Adèle, un sourire moqueur sur les lèvres. Je ne crois pas qu'on ait été présentées, gamine, bien que tu te sois permise de t'introduire en moi au bar…

Quoi ? Je… Je ne me suis pas… C'est elle qui a pris contrôle de moi, et de mon corps.

– Je m'appelle Adèle von der Goten et ce…

La jeune femme s'arrête de parler, remarquant l'air ahuri de Cassandre. Les sourcils froncés, elle s'approche d'elle et la prend de haut.

– Qu'y a-t-il encore, la môme ?

– Alaric…

– Tu connais donc mon frère, l'interrompt sa vis-à-vis, songeuse. Celle-là, je ne l'avais pas vue venir. Et c'est lui qui t'a orientée ici… Je te l'ai dit ; si c'est pour moi que tu es venue, tu perds ton temps.

Adèle tourne les talons et continue son chemin. Elle s'assoit sur un siège devant une large console et tapote sur les claviers de contrôle.

Son frère ? Pourquoi ne me l'a-t-il pas dit. Et de quoi parle-t-elle lorsqu'elle demande si je suis venue pour elle ?

Cassandre la rejoint.

– Il m'a seulement dit que je ne trouverais pas meilleur mécano dans tout l'Espace Connu, dit la jeune Aihara d'un même ton monocorde que précédemment.

Voilà qu'elle me dévisage. C'est de famille, alors. Qu'est-ce qu'elle a avec son frère ? Et à y penser, elle ne lui ressemble pas du tout.

– Ah, ça, il n'a pas tort.


Ah, ça, Alaric n'avait pas tort.

Et ma phrase avait réussi à détendre l'atmosphère. Ou à l'apaiser. Elle paraissait moins distante. Ou était-ce moi qui paraissais moins muette. Quoi qu'il en soit, Adèle m'avait invitée à m'assoir. Et là, j'assistais à un ballet inédit. Tout dans le garage prenait vie. Des droïdes venaient de toutes parts et se mettaient à travailler les pièces et les navires. Des droïdes en tout genre ; du simple astromécano au poseur de plaques de coques, du peintre au lustreur et jusqu'aux droïdes programmeurs de systèmes de navigation. On voyait qui retapaient des bouts de coques, qui posaient des vitres, découpaient des ailerons ou qui soudaient des chambres de réacteurs. Tous faisaient des allers et venues.

– Quel bel assemblage ! avait-elle dit à propos de mon vieux débris.

Je lui expliquai que j'étais venue pour qu'elle y ajoute un ou deux bidules. Elle l'avait alors fait descendre par un droïde pilotant une sorte d'élévateur volant. Il l'avait littéralement pris dans ses bras. Je voyais alors mon Lady serré dans les pinces mécaniques de l'engin. Il le posa sur une aire de réparation : « Embarcadère 19 ».

Elle s'était levée, a fait le tour en observant la coque d'un regard encore plus intense qu'à la première fois pour finir par me dévisager.

Je l'ai dit, c'est de famille.

– Tu l'as eu où, ce petit bijou ?

Oui, ses mots m'avaient décontenancée. Elle voyait dans le tas de ferraille qui me servait de navire un bijou. Enfin, avec le temps, quelques retouches, une amélioration par-ci par-là…


Le visage de Cassandre se teint en rose. N'arrivant plus à soutenir le regard de la jeune femme sur elle, elle pose ses yeux sur le Lady, songeuse.

Bijou ? Elle est dingue. C'est sûr. Ce tas de ferraille n'a rien d'un bijou. Bon, peut-être qu'avec quelques retouches, des ajouts ici et là, il redeviendrait apte à voler mais…

– Adèle…

La mécanicienne ne répond pas et se contente d'émettre un "hum", continuant à l'observer attentivement.

– Je ne voulais pas… Enfin, au bar, balbutie Cassandre. Je ne voulais pas m'introduire en toi. Et je ne pense pas l'avoir fait, expose-t-elle alors d'une voix douce et calme.

La jeune apprentie Aihara s'arrête un moment, attendant une réaction de la musicienne. Là encore, elle dut se contenter d'un "ah" presque inaudible.

– C'est plutôt toi qui as pris contrôle de mon corps. Mes gestes étaient calqués sur les tiens.

Elle s'arrête et regarde la jeune femme. Celle-ci est préoccupée et affiche une gêne apparente.

Maintenant, c'est elle qui prône le mutisme ? Je crois qu'elle ne s'est pas rendu compte de ce qui s'est vraiment passé au Blue Light. Ou qu'elle le cache… Je crois qu'aucune de nous ne sait vraiment ce qui s'est passé. Nous devrions en parler à tête reposée.

– Il se fait tard, annonce Adèle d'un ton dur. Tu devrais aller te coucher. Ton navire, nous verrons ça demain. Et pour cette histoire au bar, je préfère l'oublier. Ça n'avait rien de jouissif. Et je n'apprécie pas trop les Aihara, ni leurs façons, ni mon frère, d'ailleurs. Et il devrait se river ça dans le crâne. Maintenant, excuse-moi, petite, mais j'ai à faire.

Elle recommence…

Cassandre se renfrogne à nouveau et se dirige vers l'embarcadère 19. Il faisait nuit, il était très tard et elle avait sommeil. Elle pensait que le matin venu, la musicienne irait mieux et qu'elles pourraient converser normalement.

Mais avec moi, rien ne se passe jamais de façon normale, pense-t-elle en montant la rampe de son vaisseau.

– Hé, la mioche ! Il s'appelle comment, ton joyau ?

– Le Lady Ree, je ne sais pas trop ce que cela signifie, répond Cassandre sans se retourner, la voix haute.


C'est vrai que le nom de mon petit vaisseau n'est pas des plus communs ! De l'extérieur, il ne ressemblait à rien. C'est ce qu'on remarque en premier, lorsqu'on le voit : une boule noire translucide qui fait office de cockpit encastré à l'avant d'une coque arrondie et oblongue. Quand il déploie sa voile, c'est encore pire, mais c'est ce qui tend le plus à justifier sa dénomination : un long voile noir étincelant.

Mais ce jour-là, je commençais à prendre conscience de la particularité de ma Lady ; elle est unique. Je le voyais bien, dans les yeux d'Adèle ; jamais elle n'en avait vu de semblable. Je dus attendre de le voir de loin pour avouer qu'elle était belle ; que dis-je : splendide !

J'étais aussi fatiguée. Je n'avais pas l'habitude de voyager et l'incident au bar m'avait achevée. J'allai donc sommeiller dans le couloir étroit du vaisseau, enroulée dans une couche douillette. Cette nuit-là, je n'avais pas pris le temps de méditer. Alors ma pensée s'en donnait à cœur joie et allait à son bon gré. Elle se tourna vers Lui et son image…

Entrée troisième

Aurore… Que représente-t-elle pour qu'il lui accorde tant d'importance. Pourquoi est-il tant obsédé par son sort ? Même durant son sommeil, il ne cessait de marmonner son nom. J'ai beau me dire que c'est une Shengzhi dont il a la responsabilité, je n'arrive pas à m'en convaincre. L'impression m'est forte qu'il y a bien plus que cela entre eux.

Et moi, je ressens le manque dû à son absence.

Je sens… une présence.


Sa pensée la sort de sa torpeur. Au loin, dans l'ombre, une silhouette menue se faufile et se dirige vers elle d'un pas léger. Cassandre remarque que la nuit était tombée et comprend qu'elle avait passé un long moment à attendre au même endroit, adossée à la porte métallique du garage. Elle tente d'évaluer le danger mais n'arrive pas à cerner l'aura de celle qui longe désormais son vaisseau, s'attardant pour l'inspecter de l'extérieur. Sa vigilance augmente.

– Quel bel assemblage !

La voix féminine résonne tant le silence est pesant sur le dock. La voix était pourtant douce et mélodieuse. Cassandre reconnut Adèle et celle-ci s'avança jusqu'à paraître sous la lumière trop focalisée d'un lampadaire.

Elle est belle, se dit-elle intérieurement. Cette lumière fait encore plus ressortir sa taille et ses traits que sa combi moule à merveille.

– C'était vous, au bar ? demande Adèle qui passe au niveau de la Shengzhi sans prendre le temps de la saluer.

La porte du garage se lève dans un bruit strident de métal rouillé qui grince. Cassandre se renfrogne et se tourne pour suivre les pas de la musicienne. L'intérieur était si sombre qu'elle ne voyait presque plus la jeune femme. Elle la suit au pas, sans se faire convier. Le garage n'avait rien de ce qu'avait pu imaginer l'apprentie Aihara. L'intérieur était vide, aussi loin que sa vue lui permettait de voir dans l'obscurité. Elle arrive au niveau d'Adèle qui s'était figée au centre de la grande pièce. Une petite lumière rouge s'allume sur une console devant elles. Adèle tapote un code sur cette dernière et la lumière vire au vert.

– Une Aihara, hein ? marmonne Adèle alors que le sol se met à bouger.

Une partie du sol commence à s'affaisser et à descendre. Cassandre se retient de bouger d'un poil, consciente d'être sur un turboélevateur dénué de rambarde. Elle sent ses genoux qui flageolent et un frisson la parcourir.

Elle entend la porte du hangar se refermer.

– Si c'est pour moi que tu es venue, tu perds ton temps, lui lance la violoniste d'un ton sec.

De quoi est-ce qu'elle parle ? Et moi, pourquoi n'ai-je pas répondu à sa question ? Elle m'en a posé trois, je crois. Comment sait-elle que je suis Aihara ? A-t-elle été prévenue de mon arrivée ? Et même si c'est le cas, Alaric aurait gardé ça pour lui. Et…

Une vive lumière l'éblouit. Alors que ses yeux commencent à s'habituer, elle distingue un immense hangar à quelques dizaines de mètres sous ses pieds. La peur due à la hauteur s'intensifie et une douleur se fait sentir à ses articulations.

L'intérieur du hangar est étincelant et là où elle regarde, elle voit des carcasses, des pièces détachées, des droïdes de maintenance. Le sol est argenté mais rouillé par endroits, tout comme les parois qui, elles, sont traversées d'une tuyauterie enchevêtrée, et sur elles reposent des composants mécaniques. De larges établis définissent les espaces de travail occupés pour la plupart de petits vaisseaux personnels et de transports d'agréments luxueux.

Cassandre en oublie la hauteur.

L'élévateur atteint le sol et Adèle, d'un air froid, se dirige vers le centre de contrôle, un large espace truffé d'ordinateurs et de consoles.

– Comment saviez-vous, pour le bar ?

Adèle stoppe sa marche et se tourne vers elle. Cassandre la toise, curieuse.

– Commence par me tutoyer, gamine. Ensuite, réponds à mes questions. Et là, j'aviserais…

Elle m'énerve ! Comment ose-t-elle me traiter de gamine ? Mais j'ai intérêt à quitter mon air froid. Sinon, je ne paie pas très cher de ma mission…

– Je suis Aihara, dit Cassandre sur un ton léger, presque neutre. Vous… enfin ; tu, avais raison. Et au bar aussi, c'était moi.

Voilà, ce n'était pas si difficile. Et toi, t'es qui exactement pour…

– J'aime mieux ça, répond Adèle, un sourire moqueur sur les lèvres. Je ne crois pas qu'on ait été présentées, gamine, bien que tu te sois permise de t'introduire en moi au bar…

Quoi ? Je… Je ne me suis pas… C'est elle qui a pris contrôle de moi, et de mon corps.

– Je m'appelle Adèle von der Goten et ce…

La jeune femme s'arrête de parler, remarquant l'air ahuri de Cassandre. Les sourcils froncés, elle s'approche d'elle et la prend de haut.

– Qu'y a-t-il encore, la môme ?

– Alaric…

– Tu connais donc mon frère, l'interrompt sa vis-à-vis, songeuse. Celle-là, je ne l'avais pas vue venir. Et c'est lui qui t'a orientée ici… Je te l'ai dit ; si c'est pour moi que tu es venue, tu perds ton temps.

Adèle tourne les talons et continue son chemin. Elle s'assoit sur un siège devant une large console et tapote sur les claviers de contrôle.

Son frère ? Pourquoi ne me l'a-t-il pas dit. Et de quoi parle-t-elle lorsqu'elle demande si je suis venue pour elle ?

Cassandre la rejoint.

– Il m'a seulement dit que je ne trouverais pas meilleur mécano dans tout l'Espace Connu, dit la jeune Aihara d'un même ton monocorde que précédemment.

Voilà qu'elle me dévisage. C'est de famille, alors. Qu'est-ce qu'elle a avec son frère ? Et à y penser, elle ne lui ressemble pas du tout.

– Ah, ça, il n'a pas tort.


Ah, ça, Alaric n'avait pas tort.

Et ma phrase avait réussi à détendre l'atmosphère. Ou à l'apaiser. Elle paraissait moins distante. Ou était-ce moi qui paraissais moins muette. Quoi qu'il en soit, Adèle m'avait invitée à m'assoir. Et là, j'assistais à un ballet inédit. Tout dans le garage prenait vie. Des droïdes venaient de toutes parts et se mettaient à travailler les pièces et les navires. Des droïdes en tout genre ; du simple astromécano au poseur de plaques de coques, du peintre au lustreur et jusqu'aux droïdes programmeurs de systèmes de navigation. On voyait qui retapaient des bouts de coques, qui posaient des vitres, découpaient des ailerons ou qui soudaient des chambres de réacteurs. Tous faisaient des allers et venues.

– Quel bel assemblage ! avait-elle dit à propos de mon vieux débris.

Je lui expliquai que j'étais venue pour qu'elle y ajoute un ou deux bidules. Elle l'avait alors fait descendre par un droïde pilotant une sorte d'élévateur volant. Il l'avait littéralement pris dans ses bras. Je voyais alors mon Lady serré dans les pinces mécaniques de l'engin. Il le posa sur une aire de réparation : « Embarcadère 19 ».

Elle s'était levée, a fait le tour en observant la coque d'un regard encore plus intense qu'à la première fois pour finir par me dévisager.

Je l'ai dit, c'est de famille.

– Tu l'as eu où, ce petit bijou ?

Oui, ses mots m'avaient décontenancée. Elle voyait dans le tas de ferraille qui me servait de navire un bijou. Enfin, avec le temps, quelques retouches, une amélioration par-ci par-là…


Le visage de Cassandre se teint en rose. N'arrivant plus à soutenir le regard de la jeune femme sur elle, elle pose ses yeux sur le Lady, songeuse.

Bijou ? Elle est dingue. C'est sûr. Ce tas de ferraille n'a rien d'un bijou. Bon, peut-être qu'avec quelques retouches, des ajouts ici et là, il redeviendrait apte à voler mais…

– Adèle…

La mécanicienne ne répond pas et se contente d'émettre un "hum", continuant à l'observer attentivement.

– Je ne voulais pas… Enfin, au bar, balbutie Cassandre. Je ne voulais pas m'introduire en toi. Et je ne pense pas l'avoir fait, expose-t-elle alors d'une voix douce et calme.

La jeune apprentie Aihara s'arrête un moment, attendant une réaction de la musicienne. Là encore, elle dut se contenter d'un "ah" presque inaudible.

– C'est plutôt toi qui as pris contrôle de mon corps. Mes gestes étaient calqués sur les tiens.

Elle s'arrête et regarde la jeune femme. Celle-ci est préoccupée et affiche une gêne apparente.

Maintenant, c'est elle qui prône le mutisme ? Je crois qu'elle ne s'est pas rendu compte de ce qui s'est vraiment passé au Blue Light. Ou qu'elle le cache… Je crois qu'aucune de nous ne sait vraiment ce qui s'est passé. Nous devrions en parler à tête reposée.

– Il se fait tard, annonce Adèle d'un ton dur. Tu devrais aller te coucher. Ton navire, nous verrons ça demain. Et pour cette histoire au bar, je préfère l'oublier. Ça n'avait rien de jouissif. Et je n'apprécie pas trop les Aihara, ni leurs façons, ni mon frère, d'ailleurs. Et il devrait se river ça dans le crâne. Maintenant, excuse-moi, petite, mais j'ai à faire.

Elle recommence…

Cassandre se renfrogne à nouveau et se dirige vers l'embarcadère 19. Il faisait nuit, il était très tard et elle avait sommeil. Elle pensait que le matin venu, la musicienne irait mieux et qu'elles pourraient converser normalement.

Mais avec moi, rien ne se passe jamais de façon normale, pense-t-elle en montant la rampe de son vaisseau.

– Hé, la mioche ! Il s'appelle comment, ton joyau ?

– Le Lady Ree, je ne sais pas trop ce que cela signifie, répond Cassandre sans se retourner, la voix haute.


C'est vrai que le nom de mon petit vaisseau n'est pas des plus communs ! De l'extérieur, il ne ressemblait à rien. C'est ce qu'on remarque en premier, lorsqu'on le voit : une boule noire translucide qui fait office de cockpit encastré à l'avant d'une coque arrondie et oblongue. Quand il déploie sa voile, c'est encore pire, mais c'est ce qui tend le plus à justifier sa dénomination : un long voile noir étincelant.

Mais ce jour-là, je commençais à prendre conscience de la particularité de ma Lady ; elle est unique. Je le voyais bien, dans les yeux d'Adèle ; jamais elle n'en avait vu de semblable. Je dus attendre de le voir de loin pour avouer qu'elle était belle ; que dis-je : splendide !

J'étais aussi fatiguée. Je n'avais pas l'habitude de voyager et l'incident au bar m'avait achevée. J'allai donc sommeiller dans le couloir étroit du vaisseau, enroulée dans une couche douillette. Cette nuit-là, je n'avais pas pris le temps de méditer. Alors ma pensée s'en donnait à cœur joie et allait à son bon gré. Elle se tourna vers Lui et son image…
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeLun 22 Avr - 14:26

Pareil que pour le récit de Minos, je lirai cela dès que j'aurai un pc de meilleure facture que celui-ci.^^

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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeSam 27 Avr - 15:01

Je serai ravi, Den, que tu lises. Moi, je n'ai plus le temps de faire grand chose.

Je vous met la suite. Un bout de temps passera avant que je n'en écrive davantage.
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeSam 27 Avr - 15:02

Entrée quatrième

Un sifflement retentit. Cassandre soulève lourdement ses paupières. La lumière environnante est chaude. Cette teinte lui est conférée par la paroi de l'habitacle. Elle tourne la tête et scrute les alentours.

Elle se trouve dans une bulle jaune. Cassandre se lève de la literie spongieuse sur laquelle elle dormait, s'approche de la cloison et la touche. Celle-ci colle à ses doigts, gluante. La jeune fille retient un haut le cœur. Elle essuie la matière visqueuse sur son habit et se regarde.

Elle porte une tunique blanche en soie épaisse mais douce et légère, tant qu'elle ne l'avait pas remarquée à son réveil. La tunique arrivait au sol et cachait ses pieds, nus sur un parterre de mousse humide. La rosée la fait frissonner. Elle se frotte le bras droit puis se décide à regarder au-delà de la paroi de sa bulle.

C'est beau ! s'étonne-t-elle devant un paysage luxuriant.

À l'horizon s'élèvent de hautes montagnes enneigées. En avale d'un pic commence à se profiler un soleil éblouissant. L'ombre des montagnes s'étire et dessine des traits vers un ciel entièrement bleu. Une vallée verdoyante s'étend au loin et finit par un large fleuve serpentant au pied des montagnes.

Cassandre regarde à droite de sa bulle et remarque d'autres formes semblables, suspendues à de larges branches boisées. Elle a le reflex de regarder sous ses pieds et s'assure que le sol est à moins d'un mètre sous sa bulle. Elle voit un sol recouvert de gazon et remarque un chemin pavé qui joint toutes les bulles et s'éloigne derrière elle. Elle se tourne et le suit des yeux.

Il s'en va rejoindre une route au même titre que beaucoup d'autres et celle-ci va jusqu'à une immense saillie rocheuse affichant un imposant portail à sa base.

Les chemins pavés viennent tous d'arbres immenses au feuillage rare portant à leurs branches les mêmes fruits en bulles jaunâtres transparentes.

Elle remarque au sol un animal qu'elle n'avait jamais vu. Cassandre l'observe attentivement.

Il ressemble à une grenouille, telle qu'elle les voyait au Tianyuan, mais deux fois plus grosse et beaucoup moins visqueuse. Cette pensée la fait sourire. Des yeux globuleux lui mangent la tête chacun d'un côté alors qu'une bouche énorme et large, allant d'un côté à l'autre, s'ouvre pour ce qui ressemble à un bâillement. Ses deux pattes avant sont atrophiées et possèdent trois doigts. Les pattes arrière, sur lesquelles elle se tient, sont des pattes de grenouille.

L'animal sautille et s'éloigne.

Cassandre voit alors une silhouette au loin, puis une deuxième sortant d'un fruit-bulle. Tels des zombies, des dizaines de silhouettes menues, effilées, commencent à peupler les petits chemins puis les routes menant à la grande porte dans la roche.

Un son de ventouse qui se décolle vient de sa droite. Elle regarde et, de la bulle voisine, voit un humanoïde traverser la paroi pâteuse ; même silhouette que les autres, grand de plus de deux mètres, la peau parfaitement blanche, dépourvue de pilosité, le visage long orné de grands yeux globuleux, pareils à ceux qu'arborait le petit animal-grenouille. Se tenant de toute sa longueur, la créature dégage une aura de grandeur ; ses gestes amples s'ajoutent à des habits en bure d'un matériau presque plastique tant sa couleur est pure et sa texture lisse. Elle tourne la tête et fixe son regard sur Cassandre. Ses yeux filtrent un étonnement perceptible.

La jeune Aihara fait de même. Elle se retrouve attirée par son visage immaculé, sa bouche démunie de lèvres et deux perles violettes plantées sous ses globes oculaires. Une perle semblable trône au milieu de son front, ovale et allongée vers le haut de son crâne.

Après un instant de flottement, la créature détourne son regard de la jeune femme et entame, de pas amples et de gestes lents, sa marche vers le grand portail doré.

Cassandre reste un moment ainsi, pensive puis regarde loin devant elle. Elle voit un rassemblement d'humains devant la montagne rocailleuse.

Décidée et d'un geste brusque, elle envoie sa main contre la paroi. Son membre frappe et revient endolori. Elle serre ses doigts dans sa paume droite et les porte à sa bouche, comme elle le faisait petite.

Elle comprend alors et approche doucement ses doigts de la cloison. Celle-ci ne réagit plus ; ils la fendent et passent à travers. Elle passe un bras puis un autre puis une jambe et la tête. Son corps se retrouve à demi dans la paroi gluante de la bulle-fruit, la matière l'expulse alors vers l'extérieure. Sa tête sort la première, suivent ses bras et son torse.

Cassandre regarde en dessous et voit le sol meuble et couvert d'herbe.

Elle tombe brusquement.


Je tombe brusquement et ressens une vive douleur au visage, aux bras, aux jambes et à la poitrine. J'ouvre les yeux ; c'est sombre. Le sol est froid ; métallique. Je suis toute habillée et en sueur. Je me lève non sans gêne et me masse la poitrine pour dissiper la douleur.

Je repense à mon rêve.

Les yeux rivés au loin, ma pensée se tourne ensuite vers Lui. J'entends encore résonner sa voix et repense à ses façons étranges de voir le monde et d'interagir avec celui-ci. Accoudée à une rambarde devant un ciel à la noirceur fendue de milliers de lueurs colorées, je me repasse sans cesse ce rêve nanti de sensations trop réelles pour en être un.

Levant la tête, je découvre un astre trônant au zénith dont la lumière imbibe le gris terne des bâtiments d'une chatoyante lueur orangée. Des navires zèbrent le ciel au-dessus de la ville et tracent des lignes qui s'entrecroisent ; un trafic aérien à l'image de la métropole qui ne baisse point son activité à la tombée d'une nuit purement virtuelle.


Il se faisait tard et je le voyais à l'horloge de mon réseau neuronal. Ma nuit avait été troublée par un rêve des plus inhabituels ; je m'étais vue dans une bulle accrochée à un arbre.

Je repensais à la journée passée, à ma rencontre avec cette mécano si distante sensée m'arranger mon navire. Je repensais à la sensation que j'avais ressentie lorsque je m'étais projeté dans le corps de cette musicienne. Ma formation m'avait préparée aux projections mentales, et j'en avais expérimentées avec mes maîtres au Tianyuan, pourtant, jamais cela n'avait été aussi rapide auparavant, aussi aisé et jamais cela ne s'était fait de manière si inconsciente. La perspective m'effrayait et j'en vins à me questionner sur cette personne qui m'hébergeait pour la nuit. Adèle se méfiait, gardait ses distances et prônait haut et fort qu'elle ne se laisserait pas convaincre de rejoindre l'Ordre.

Peu m'importait, je savais ce qui m'avait amenée là-bas et je m'en contentais. Mon chemin me paraissait long et j'étais obsédée par l'idée de le retrouver. Il ne servait à rien d'essayer de découvrir ce que me cachait mon hôtesse. Me mêler d'histoires familiales n'aurait fait que me retarder.


Si c'est au Tianyuan qu'elle ne veut pas être ramenée, je n'en ai cure ; j'ai une autre entité à ramener au Temple et je n'ai aucune idée de l'endroit où elle peut se trouver à l'instant présent. L'univers est si vaste et méditer m'est si difficile. Enquêter semble la seule façon de me rapprocher de mon but.

Aurore…


– La vue est aussi belle que ça, d'ici ?

Elle sautille et tout son corps frémit.

– Adèle, répond-t-elle en se forçant à contenir la surprise et l'étonnement qu'affichait son visage.

La jeune femme se met à sa droite et s'appuie sur la palissade.

– La nuit porte à sa fin, tu ferais mieux d'aller te reposer. À voir ta mine…

Voyant que ses mots ne trouvent aucun écho chez la jeune fille, Adèle se tait. D'une poche de son blouson, elle sort une tige blanche et fine à l'embout verdâtre.

– Une nicotige ? propose-t-elle.

Aurore, qui est-ce donc pour susciter autant l'intérêt de mon Maître ?

Adèle agite le tube blanc devant la jeune fille, cherchant à capter son attention.

Mon Maître…

Une pensée plaisante et elle y reste encore.

Et qu'y avait-il d'aussi important pour partir au moment où nous nous avouions notre amour ? Et pourquoi veut-il autant retrouver cette Aurore ? Qu'est-elle pour lui ?

– Cassandre ! cria Adèle.

Elle en sursaute à nouveau. Son regard se fixe sur l'objet blanc que lui présente son hôtesse. Cassandre répond par un signe de négation de la tête avant de le repousser de la main.

– Ça t'aidera à chasser tes idées parasites. C'est ce qui m'aide à tenir, depuis l'accident.

Je lui offre encore mon regard interrogateur. Je suis consciente que je ne la fais pas avancer, mais Aurore…

La musicienne prend la tige à sa bouche et inspire à s'en remplir les poumons.

Les yeux de Cassandre se fixent sur Galatée avant de se fermer.

Je ferai mieux de me calmer et de focaliser ma pensée. Trop d'images se bousculent à ma pensée, et puis… Aurore…

Entrée quatrième

Un sifflement retentit. Cassandre soulève lourdement ses paupières. La lumière environnante est chaude. Cette teinte lui est conférée par la paroi de l'habitacle. Elle tourne la tête et scrute les alentours.

Elle se trouve dans une bulle jaune. Cassandre se lève de la literie spongieuse sur laquelle elle dormait, s'approche de la cloison et la touche. Celle-ci colle à ses doigts, gluante. La jeune fille retient un haut le cœur. Elle essuie la matière visqueuse sur son habit et se regarde.

Elle porte une tunique blanche en soie épaisse mais douce et légère, tant qu'elle ne l'avait pas remarquée à son réveil. La tunique arrivait au sol et cachait ses pieds, nus sur un parterre de mousse humide. La rosée la fait frissonner. Elle se frotte le bras droit puis se décide à regarder au-delà de la paroi de sa bulle.

C'est beau ! s'étonne-t-elle devant un paysage luxuriant.

À l'horizon s'élèvent de hautes montagnes enneigées. En avale d'un pic commence à se profiler un soleil éblouissant. L'ombre des montagnes s'étire et dessine des traits vers un ciel entièrement bleu. Une vallée verdoyante s'étend au loin et finit par un large fleuve serpentant au pied des montagnes.

Cassandre regarde à droite de sa bulle et remarque d'autres formes semblables, suspendues à de larges branches boisées. Elle a le reflex de regarder sous ses pieds et s'assure que le sol est à moins d'un mètre sous sa bulle. Elle voit un sol recouvert de gazon et remarque un chemin pavé qui joint toutes les bulles et s'éloigne derrière elle. Elle se tourne et le suit des yeux.

Il s'en va rejoindre une route au même titre que beaucoup d'autres et celle-ci va jusqu'à une immense saillie rocheuse affichant un imposant portail à sa base.

Les chemins pavés viennent tous d'arbres immenses au feuillage rare portant à leurs branches les mêmes fruits en bulles jaunâtres transparentes.

Elle remarque au sol un animal qu'elle n'avait jamais vu. Cassandre l'observe attentivement.

Il ressemble à une grenouille, telle qu'elle les voyait au Tianyuan, mais deux fois plus grosse et beaucoup moins visqueuse. Cette pensée la fait sourire. Des yeux globuleux lui mangent la tête chacun d'un côté alors qu'une bouche énorme et large, allant d'un côté à l'autre, s'ouvre pour ce qui ressemble à un bâillement. Ses deux pattes avant sont atrophiées et possèdent trois doigts. Les pattes arrière, sur lesquelles elle se tient, sont des pattes de grenouille.

L'animal sautille et s'éloigne.

Cassandre voit alors une silhouette au loin, puis une deuxième sortant d'un fruit-bulle. Tels des zombies, des dizaines de silhouettes menues, effilées, commencent à peupler les petits chemins puis les routes menant à la grande porte dans la roche.

Un son de ventouse qui se décolle vient de sa droite. Elle regarde et, de la bulle voisine, voit un humanoïde traverser la paroi pâteuse ; même silhouette que les autres, grand de plus de deux mètres, la peau parfaitement blanche, dépourvue de pilosité, le visage long orné de grands yeux globuleux, pareils à ceux qu'arborait le petit animal-grenouille. Se tenant de toute sa longueur, la créature dégage une aura de grandeur ; ses gestes amples s'ajoutent à des habits en bure d'un matériau presque plastique tant sa couleur est pure et sa texture lisse. Elle tourne la tête et fixe son regard sur Cassandre. Ses yeux filtrent un étonnement perceptible.

La jeune Aihara fait de même. Elle se retrouve attirée par son visage immaculé, sa bouche démunie de lèvres et deux perles violettes plantées sous ses globes oculaires. Une perle semblable trône au milieu de son front, ovale et allongée vers le haut de son crâne.

Après un instant de flottement, la créature détourne son regard de la jeune femme et entame, de pas amples et de gestes lents, sa marche vers le grand portail doré.

Cassandre reste un moment ainsi, pensive puis regarde loin devant elle. Elle voit un rassemblement d'humains devant la montagne rocailleuse.

Décidée et d'un geste brusque, elle envoie sa main contre la paroi. Son membre frappe et revient endolori. Elle serre ses doigts dans sa paume droite et les porte à sa bouche, comme elle le faisait petite.

Elle comprend alors et approche doucement ses doigts de la cloison. Celle-ci ne réagit plus ; ils la fendent et passent à travers. Elle passe un bras puis un autre puis une jambe et la tête. Son corps se retrouve à demi dans la paroi gluante de la bulle-fruit, la matière l'expulse alors vers l'extérieure. Sa tête sort la première, suivent ses bras et son torse.

Cassandre regarde en dessous et voit le sol meuble et couvert d'herbe.

Elle tombe brusquement.


Je tombe brusquement et ressens une vive douleur au visage, aux bras, aux jambes et à la poitrine. J'ouvre les yeux ; c'est sombre. Le sol est froid ; métallique. Je suis toute habillée et en sueur. Je me lève non sans gêne et me masse la poitrine pour dissiper la douleur.

Je repense à mon rêve.

Les yeux rivés au loin, ma pensée se tourne ensuite vers Lui. J'entends encore résonner sa voix et repense à ses façons étranges de voir le monde et d'interagir avec celui-ci. Accoudée à une rambarde devant un ciel à la noirceur fendue de milliers de lueurs colorées, je me repasse sans cesse ce rêve nanti de sensations trop réelles pour en être un.

Levant la tête, je découvre un astre trônant au zénith dont la lumière imbibe le gris terne des bâtiments d'une chatoyante lueur orangée. Des navires zèbrent le ciel au-dessus de la ville et tracent des lignes qui s'entrecroisent ; un trafic aérien à l'image de la métropole qui ne baisse point son activité à la tombée d'une nuit purement virtuelle.


Il se faisait tard et je le voyais à l'horloge de mon réseau neuronal. Ma nuit avait été troublée par un rêve des plus inhabituels ; je m'étais vue dans une bulle accrochée à un arbre.

Je repensais à la journée passée, à ma rencontre avec cette mécano si distante sensée m'arranger mon navire. Je repensais à la sensation que j'avais ressentie lorsque je m'étais projeté dans le corps de cette musicienne. Ma formation m'avait préparée aux projections mentales, et j'en avais expérimentées avec mes maîtres au Tianyuan, pourtant, jamais cela n'avait été aussi rapide auparavant, aussi aisé et jamais cela ne s'était fait de manière si inconsciente. La perspective m'effrayait et j'en vins à me questionner sur cette personne qui m'hébergeait pour la nuit. Adèle se méfiait, gardait ses distances et prônait haut et fort qu'elle ne se laisserait pas convaincre de rejoindre l'Ordre.

Peu m'importait, je savais ce qui m'avait amenée là-bas et je m'en contentais. Mon chemin me paraissait long et j'étais obsédée par l'idée de le retrouver. Il ne servait à rien d'essayer de découvrir ce que me cachait mon hôtesse. Me mêler d'histoires familiales n'aurait fait que me retarder.


Si c'est au Tianyuan qu'elle ne veut pas être ramenée, je n'en ai cure ; j'ai une autre entité à ramener au Temple et je n'ai aucune idée de l'endroit où elle peut se trouver à l'instant présent. L'univers est si vaste et méditer m'est si difficile. Enquêter semble la seule façon de me rapprocher de mon but.

Aurore…


– La vue est aussi belle que ça, d'ici ?

Elle sautille et tout son corps frémit.

– Adèle, répond-t-elle en se forçant à contenir la surprise et l'étonnement qu'affichait son visage.

La jeune femme se met à sa droite et s'appuie sur la palissade.

– La nuit porte à sa fin, tu ferais mieux d'aller te reposer. À voir ta mine…

Voyant que ses mots ne trouvent aucun écho chez la jeune fille, Adèle se tait. D'une poche de son blouson, elle sort une tige blanche et fine à l'embout verdâtre.

– Une nicotige ? propose-t-elle.

Aurore, qui est-ce donc pour susciter autant l'intérêt de mon Maître ?

Adèle agite le tube blanc devant la jeune fille, cherchant à capter son attention.

Mon Maître…

Une pensée plaisante et elle y reste encore.

Et qu'y avait-il d'aussi important pour partir au moment où nous nous avouions notre amour ? Et pourquoi veut-il autant retrouver cette Aurore ? Qu'est-elle pour lui ?

– Cassandre ! cria Adèle.

Elle en sursaute à nouveau. Son regard se fixe sur l'objet blanc que lui présente son hôtesse. Cassandre répond par un signe de négation de la tête avant de le repousser de la main.

– Ça t'aidera à chasser tes idées parasites. C'est ce qui m'aide à tenir, depuis l'accident.

Je lui offre encore mon regard interrogateur. Je suis consciente que je ne la fais pas avancer, mais Aurore…

La musicienne prend la tige à sa bouche et inspire à s'en remplir les poumons.

Les yeux de Cassandre se fixent sur Galatée avant de se fermer.

Je ferai mieux de me calmer et de focaliser ma pensée. Trop d'images se bousculent à ma pensée, et puis… Aurore…
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeLun 26 Aoû - 17:47

Entrée cinquième

Quand j'eus enfin ouvert mes yeux, j'étais allongée sur ma couche, à l'intérieur du Lady Ree. Des craquements se faisaient entendre à travers toute la paroi et je me demandai à un moment comment je pus dormir avec un tel vacarme. Des vibrations étaient envoyées à travers tout le navire et celui-ci se penchait par moments ; j'en avais l'estomac retourné malgré tous les entraînements que j'avais reçus.

Je traversai l'allée longeant mon navire en chavirant et basculant d'un côté à l'autre, me reprenant sur les parois. La rampe était rabaissée et c'est avec difficulté que je la descendis.

Des bras mécaniques tenaient mon vaisseau de toute part et des composants en étaient extraits pour laisser place à d'autres. Je restais spectatrice ; la Lady se refaisait une beauté. Son aspect extérieur était conservé. Adèle en retirait des plaques de la coque, énucléait un composant pour le remplacer par un autre à l'allure plus neuve, puis les remettait. Le spectacle me faisait encore penser à un bal. Je la revis alors jouer de son instrument, revis les mouvements de ses doigts et les sentais en moi. J'avais l'impression de pouvoir les reproduire, et reproduire cette jouissance que nous ressentîmes durant son spectacle ; j'en frissonnai.

— Tu t'étais effondrée sur la terrasse.

J'étais si distraite que j'en avais oublié l'épisode de la terrasse. Des images me revinrent en flash ; le ciel noir criblé d'étoiles et de nuages de gaz colorés, des astéroïdes par milliers, une peur accrue, le froid et puis rien, un vide dont je ne comprends ni le sens ni l'étendue. Et une explosion blanche ; une lumière aveuglante et une onde de choc qui annihilait tout sur son passage. Je revins à Adèle ; elle descendit de la cabine d'une grue aux bras articulés.

— Tu dormais si profondément que je me dis que cela ne te réveillerait pas.

Et ce n'était pas ses manœuvres qui m'avaient réveillée. J'avais perdu connaissance et je n'ai aucune idée du temps écoulé depuis qu'elle m'avait rejointe sur la terrasse. Je me souvins de ma dernière pensée.

Aurore…

— J'ai bichonné ta Lady. Elle a l'air de tenir debout, mais je me demande encore comment tu as réussi à arriver jusqu'ici dans ce vieux débris. J'ai changé tout ce qui affichait un état défectueux, mais beaucoup de composants restent à mettre à jour. La plupart de l'avionique est désuète ; les protocoles sont à remplacer… Le CPU a l'air de pouvoir supporter encore quelques améliorations ; je l'ai donc laissé en place. Le hic, c'est qu'ici, nous manquons de composants de cette trompe et je doute que tu aies le temps d'attendre que…

Aurore…

Ses mots semblèrent se bousculer à l’entrée de ma conscience, mais aucun n’y parvenait plus, ma pensée devint à nouveau étrangement diffuse…


— Hé, petite Shengzhi. Réveille-toi !

Je commençais tout juste à discerner la voix qui essayait de me tirer de mon sommeil. Mes pensées se reconstituèrent peu et peu. Je m'étais assoupie, loin de ma couche — sinon, j'en aurais reconnu la consistance et le confort. Ouvrant les yeux, je me trouvai dans une cabine avec vue sur le chantier d'Adèle. L'éclairage y était faible et je compris qu'il devait faire nuit, ou du moins que l'heure de se remettre au lit approchait. J'émis alors le désir de rejoindre le Lady Ree et d'y continuer mon sommeil, ignorant entièrement la voix qui m'assenait encore depuis un temps que je n'ai pas compté.

— Hé, la mioche. Tu t'éternises, là.

Mes paupières se refermèrent d'elles-mêmes et je sentis un contact sur mon bras. Adèle m'y avait touchée et quelque chose était passé à travers ma peau. Quelques secondes passèrent et soudain, je reçu une violente décharge électrique. Secouée, je me mis sur pieds en posture défensive. La jeune femme était à l'autre bout de la pièce, dans une posture similaire.

Nous nous toisâmes un instant, inquiètes. Je lisais cela sur son visage qui esquissait une expression perdue entre peur et incompréhension. J'étais dans la même situation.

— Tu es…

— Non, me devança-t-elle. Je ne suis pas une Aihara.

Comme si de rien n'était, elle sortit de la cabine. Je l'y suivis, ahurie, jusqu'au niveau inférieur, puis jusqu'à l'embarcadère 19. Le Lady Ree y trônait encore. Sa coque luisait et reflétais les faibles lumières environnantes. À bien y regarder, on pouvait y distinguer les étoiles.

— Je ne sais pas où tu comptes te rendre avec ce petit bijou, mais ce dont je suis sûre, c'est qu'il t'y emmènera. Et moi avec.

— Je ne sais pas vraiment. Il est réparé ?

Adèle parut étonnée par ma réponse ; presque vexée.

— Viens voir… Peut-être que la mémoire te reviendra.

Elle monta à l'intérieur. Là, elle fit défiler plusieurs diagnostics.

— J'ai mis à jour tous les composants qui en avaient besoin. J'ai changé le propulseur, il commençait à se faire trop vieux. Les boucliers sont neufs et opérationnels. Les batteries de réparation sont chargées. J'ai réglé les stabilisateurs inertiels, ça devrait te permettre de roupiller tranquillement durant ton voyage…

Dormir durant le voyage ? Je pourrai peut-être méditer, si le vaisseau est calme. Et quand a-t-elle eu le temps de faire tout cela ? J'ai la nausée et je ne paie pas cher de la tête que je fais à présent. Je devrais sans doute m'asseoir.

— … quelques modules de l'ordinateur principal, mais je n'ai pas eu accès au CPU, ni aux schémas de l'avionique. Ils semblent verrouillés. Tu en sais quelque chose ?

Quand elle m'avait touchée, de l'énergie est passée de son corps au mien, ou inversement. Je n'en sais rien. Nous devrions en discuter. Et moi, je devrais l'inviter à s'asseoir un moment.

— Alors, tu en sais quelque chose ? Eh, petite, tu m'entends ?

— Sur quoi ?

J'étais assise sur le lit rabaissé. Elle était à l'embrasure du cockpit et me regardais encore de son air interrogateur.

— Les schémas internes de l'unité de contrôle. Toute l'avionique… Non, apparemment, non.

Elle pivota le siège de pilotage et s'assit dedans.

— Tu es gauchère ? demanda-t-elle en caressant le manche à balai. Alors, petite. Tu peux me dire où tu comptes aller ?

J'acquiesçai. Oui, je suis gauchère. Elle a dû passer toute la journée à y travailler, peut-être même plus.

— Je ne sais pas vraiment. J'ai dormi longtemps ?

Ses lèvres se fendirent en un sourire d'abord léger puis relâché. C'était la première fois que je la voyais sourire. Elle le fit d'une façon retenue, comme si elle risquait quelque chose à rire. Je me surpris alors à sonder les effluves qui émanaient de son esprit. Le peu que j'en reçu semblait empli d'une douleur diffuse, refoulée.

— Oh oui ! répondit-elle. Deux jours !

Un sommeil de deux jours sans aucun rêve. Voilà qui est inquiétant.

Je n'avais jamais autant dormi. Les méditations au Tianyuan s'étalaient parfois sur plusieurs semaines, mais nous ne ressentions aucun besoin de sommeil. L'inquiétude allait grandissant en moi. Je n'arrivais plus à méditer et mon corps montrait des signes de fatigue accrue.

— Tu sembles inquiète, petite. Tu ne sais vraiment pas où tu vas ? Tu es en mission pour l'Ordre ?

Je fis signe à Adèle de me tendre l'appareil médical accroché à la paroi.

— Tu saurais utiliser ça ?

Elle mit les gantelets et je m'allongeais sur le dos.

— Autant éviter que je parcours ton corps avec mes mains, tu ne penses pas ?

Sa réflexion était pertinente. Nous ne savions pas comment allaient réagir mes centres d'énergie à sa main qui les parcourrait un à un, même à une dizaine de centimètres. Elle enleva l'appareillage et je restai allongée.

— Nous disions ? demandais-je pour relancer la discussion.

— Ta mission pour l'Ordre, répondit-elle calmement, presque tendrement. Je te demandais ta destination.

— Je suis à la recherche de quelqu'un ?

— Alors, lança-t-elle. (Adèle parut soudain distante.) Qui est-ce que l'Ordre veut supprimer, cette fois ?

— Personne, répondis-je, bouleversée. C'est plutôt une mission de recherche et récupération. Un maître qui a égaré son apprentie.

Ma remarque me parut tout de suite déplacée. Je n'avais pas à dévoiler ce genre d'informations. Et pis encore, qualifier Aurore d'apprentie de mon maître me causa une irrépressible douleur.

— Eh bien. (La jeune femme ne savait pas quoi en dire. Elle attendait sûrement une réponse moins vague et moins ironique.) Ça explique pourquoi tu ne sais pas où tu vas. Une piste à suivre ?

— Oui, quelque part entre Nouvelle Terre et l'Espace Xéno.

Aurore, laissée seule sur la station de transfert Terreneuve, avait décidé de partir à la recherche du Maître. Et alors qu'il était quelque part aux fins fonds de l'Espace Sauvage, Aurore, elle, pensait qu'il s'était rendu dans l'Amas de Kepler. Sauf que l'accès y est très difficile, ce qui me laissait une chance inouïe de la rattraper et de la retrouver avant qu'elle n'ait un quelconque accident.

— Te voilà bien avancée. Quoi qu'il en soit, ton chemin est tout tracé d'ici à Vegas. Nous pourrons alors reparler de tout cela durant le voyage.

Quelque chose semble m'échapper, là. Elle a bien parlé de nous. De moi, et elle, parlant de ma mission durant le voyage.

— Il reste encore quelques améliorations à apporter à ce petit bijou. À y travailler autant, je t'avoue que je m'y suis attaché. Et puis l'avionique m'intrigue, et je veux découvrir ce qu'il cache dans ses entrailles. Et toi, tu as l'air d'avoir perdu tes repères, de la compagnie te fera le plus…

Elle me propose de m'accompagner. Elle veut laisser son garage et tout le travail qu'elle a pour venir avec moi… ou du moins avec le vaisseau. Cette fille a l'air plutôt sympa, et je ne ressens aucun danger à accepter sa proposition. Mon maître m'a confiée à Alaric. Et il savait sûrement qu'il allait m'orienter vers elle.

— … élucider cette histoire de projections psychiques et de décharges d'énergie ensemble, qu'en dis-tu ? Je sais aussi…

Elle continue à parler. Je devrais me concentrer sur ce qu'elle dit. Elle tient vraiment à venir.

— … très bien les armes. Par contre, ne compte pas sur moi pour piloter ; je n'ai jamais été douée pour ça. Et puis, si tu comptes traverser le territoire des Pirates, tu auras grand besoin d'un technicien à bord… ou plutôt d'une technicienne. Et ça fait longtemps que je veux m'accorder quelques congés.

J'acquiesçai tout simplement. Son sourire eut plus l'air d'un rictus que d'autre chose. Quoi qu'il en fût, elle semblait contente et excitée à l'idée de ce voyage.

— Énorme ! Mes affaires sont déjà dans la soute. (Son visage s'empourpra.) Heu… Oui, je n'allais pas te laisser le choix.

J'allais apprendre à gérer la présence d'une autre personne à bord. La soute, bien que peu pratique pour le transport de marchandises, faisait aisément office d'espace de vie. Les parois y sont même homogènes et ne laissent paraître aucune tuyauterie.

Je souris et elle sembla s'apaiser.

Entrée cinquième

Quand j'eus enfin ouvert mes yeux, j'étais allongée sur ma couche, à l'intérieur du Lady Ree. Des craquements se faisaient entendre à travers toute la paroi et je me demandai à un moment comment je pus dormir avec un tel vacarme. Des vibrations étaient envoyées à travers tout le navire et celui-ci se penchait par moments ; j'en avais l'estomac retourné malgré tous les entraînements que j'avais reçus.

Je traversai l'allée longeant mon navire en chavirant et basculant d'un côté à l'autre, me reprenant sur les parois. La rampe était rabaissée et c'est avec difficulté que je la descendis.

Des bras mécaniques tenaient mon vaisseau de toute part et des composants en étaient extraits pour laisser place à d'autres. Je restais spectatrice ; la Lady se refaisait une beauté. Son aspect extérieur était conservé. Adèle en retirait des plaques de la coque, énucléait un composant pour le remplacer par un autre à l'allure plus neuve, puis les remettait. Le spectacle me faisait encore penser à un bal. Je la revis alors jouer de son instrument, revis les mouvements de ses doigts et les sentais en moi. J'avais l'impression de pouvoir les reproduire, et reproduire cette jouissance que nous ressentîmes durant son spectacle ; j'en frissonnai.

— Tu t'étais effondrée sur la terrasse.

J'étais si distraite que j'en avais oublié l'épisode de la terrasse. Des images me revinrent en flash ; le ciel noir criblé d'étoiles et de nuages de gaz colorés, des astéroïdes par milliers, une peur accrue, le froid et puis rien, un vide dont je ne comprends ni le sens ni l'étendue. Et une explosion blanche ; une lumière aveuglante et une onde de choc qui annihilait tout sur son passage. Je revins à Adèle ; elle descendit de la cabine d'une grue aux bras articulés.

— Tu dormais si profondément que je me dis que cela ne te réveillerait pas.

Et ce n'était pas ses manœuvres qui m'avaient réveillée. J'avais perdu connaissance et je n'ai aucune idée du temps écoulé depuis qu'elle m'avait rejointe sur la terrasse. Je me souvins de ma dernière pensée.

Aurore…

— J'ai bichonné ta Lady. Elle a l'air de tenir debout, mais je me demande encore comment tu as réussi à arriver jusqu'ici dans ce vieux débris. J'ai changé tout ce qui affichait un état défectueux, mais beaucoup de composants restent à mettre à jour. La plupart de l'avionique est désuète ; les protocoles sont à remplacer… Le CPU a l'air de pouvoir supporter encore quelques améliorations ; je l'ai donc laissé en place. Le hic, c'est qu'ici, nous manquons de composants de cette trompe et je doute que tu aies le temps d'attendre que…

Aurore…

Ses mots semblèrent se bousculer à l’entrée de ma conscience, mais aucun n’y parvenait plus, ma pensée devint à nouveau étrangement diffuse…


— Hé, petite Shengzhi. Réveille-toi !

Je commençais tout juste à discerner la voix qui essayait de me tirer de mon sommeil. Mes pensées se reconstituèrent peu et peu. Je m'étais assoupie, loin de ma couche — sinon, j'en aurais reconnu la consistance et le confort. Ouvrant les yeux, je me trouvai dans une cabine avec vue sur le chantier d'Adèle. L'éclairage y était faible et je compris qu'il devait faire nuit, ou du moins que l'heure de se remettre au lit approchait. J'émis alors le désir de rejoindre le Lady Ree et d'y continuer mon sommeil, ignorant entièrement la voix qui m'assenait encore depuis un temps que je n'ai pas compté.

— Hé, la mioche. Tu t'éternises, là.

Mes paupières se refermèrent d'elles-mêmes et je sentis un contact sur mon bras. Adèle m'y avait touchée et quelque chose était passé à travers ma peau. Quelques secondes passèrent et soudain, je reçu une violente décharge électrique. Secouée, je me mis sur pieds en posture défensive. La jeune femme était à l'autre bout de la pièce, dans une posture similaire.

Nous nous toisâmes un instant, inquiètes. Je lisais cela sur son visage qui esquissait une expression perdue entre peur et incompréhension. J'étais dans la même situation.

— Tu es…

— Non, me devança-t-elle. Je ne suis pas une Aihara.

Comme si de rien n'était, elle sortit de la cabine. Je l'y suivis, ahurie, jusqu'au niveau inférieur, puis jusqu'à l'embarcadère 19. Le Lady Ree y trônait encore. Sa coque luisait et reflétais les faibles lumières environnantes. À bien y regarder, on pouvait y distinguer les étoiles.

— Je ne sais pas où tu comptes te rendre avec ce petit bijou, mais ce dont je suis sûre, c'est qu'il t'y emmènera. Et moi avec.

— Je ne sais pas vraiment. Il est réparé ?

Adèle parut étonnée par ma réponse ; presque vexée.

— Viens voir… Peut-être que la mémoire te reviendra.

Elle monta à l'intérieur. Là, elle fit défiler plusieurs diagnostics.

— J'ai mis à jour tous les composants qui en avaient besoin. J'ai changé le propulseur, il commençait à se faire trop vieux. Les boucliers sont neufs et opérationnels. Les batteries de réparation sont chargées. J'ai réglé les stabilisateurs inertiels, ça devrait te permettre de roupiller tranquillement durant ton voyage…

Dormir durant le voyage ? Je pourrai peut-être méditer, si le vaisseau est calme. Et quand a-t-elle eu le temps de faire tout cela ? J'ai la nausée et je ne paie pas cher de la tête que je fais à présent. Je devrais sans doute m'asseoir.

— … quelques modules de l'ordinateur principal, mais je n'ai pas eu accès au CPU, ni aux schémas de l'avionique. Ils semblent verrouillés. Tu en sais quelque chose ?

Quand elle m'avait touchée, de l'énergie est passée de son corps au mien, ou inversement. Je n'en sais rien. Nous devrions en discuter. Et moi, je devrais l'inviter à s'asseoir un moment.

— Alors, tu en sais quelque chose ? Eh, petite, tu m'entends ?

— Sur quoi ?

J'étais assise sur le lit rabaissé. Elle était à l'embrasure du cockpit et me regardais encore de son air interrogateur.

— Les schémas internes de l'unité de contrôle. Toute l'avionique… Non, apparemment, non.

Elle pivota le siège de pilotage et s'assit dedans.

— Tu es gauchère ? demanda-t-elle en caressant le manche à balai. Alors, petite. Tu peux me dire où tu comptes aller ?

J'acquiesçai. Oui, je suis gauchère. Elle a dû passer toute la journée à y travailler, peut-être même plus.

— Je ne sais pas vraiment. J'ai dormi longtemps ?

Ses lèvres se fendirent en un sourire d'abord léger puis relâché. C'était la première fois que je la voyais sourire. Elle le fit d'une façon retenue, comme si elle risquait quelque chose à rire. Je me surpris alors à sonder les effluves qui émanaient de son esprit. Le peu que j'en reçu semblait empli d'une douleur diffuse, refoulée.

— Oh oui ! répondit-elle. Deux jours !

Un sommeil de deux jours sans aucun rêve. Voilà qui est inquiétant.

Je n'avais jamais autant dormi. Les méditations au Tianyuan s'étalaient parfois sur plusieurs semaines, mais nous ne ressentions aucun besoin de sommeil. L'inquiétude allait grandissant en moi. Je n'arrivais plus à méditer et mon corps montrait des signes de fatigue accrue.

— Tu sembles inquiète, petite. Tu ne sais vraiment pas où tu vas ? Tu es en mission pour l'Ordre ?

Je fis signe à Adèle de me tendre l'appareil médical accroché à la paroi.

— Tu saurais utiliser ça ?

Elle mit les gantelets et je m'allongeais sur le dos.

— Autant éviter que je parcours ton corps avec mes mains, tu ne penses pas ?

Sa réflexion était pertinente. Nous ne savions pas comment allaient réagir mes centres d'énergie à sa main qui les parcourrait un à un, même à une dizaine de centimètres. Elle enleva l'appareillage et je restai allongée.

— Nous disions ? demandais-je pour relancer la discussion.

— Ta mission pour l'Ordre, répondit-elle calmement, presque tendrement. Je te demandais ta destination.

— Je suis à la recherche de quelqu'un ?

— Alors, lança-t-elle. (Adèle parut soudain distante.) Qui est-ce que l'Ordre veut supprimer, cette fois ?

— Personne, répondis-je, bouleversée. C'est plutôt une mission de recherche et récupération. Un maître qui a égaré son apprentie.

Ma remarque me parut tout de suite déplacée. Je n'avais pas à dévoiler ce genre d'informations. Et pis encore, qualifier Aurore d'apprentie de mon maître me causa une irrépressible douleur.

— Eh bien. (La jeune femme ne savait pas quoi en dire. Elle attendait sûrement une réponse moins vague et moins ironique.) Ça explique pourquoi tu ne sais pas où tu vas. Une piste à suivre ?

— Oui, quelque part entre Nouvelle Terre et l'Espace Xéno.

Aurore, laissée seule sur la station de transfert Terreneuve, avait décidé de partir à la recherche du Maître. Et alors qu'il était quelque part aux fins fonds de l'Espace Sauvage, Aurore, elle, pensait qu'il s'était rendu dans l'Amas de Kepler. Sauf que l'accès y est très difficile, ce qui me laissait une chance inouïe de la rattraper et de la retrouver avant qu'elle n'ait un quelconque accident.

— Te voilà bien avancée. Quoi qu'il en soit, ton chemin est tout tracé d'ici à Vegas. Nous pourrons alors reparler de tout cela durant le voyage.

Quelque chose semble m'échapper, là. Elle a bien parlé de nous. De moi, et elle, parlant de ma mission durant le voyage.

— Il reste encore quelques améliorations à apporter à ce petit bijou. À y travailler autant, je t'avoue que je m'y suis attaché. Et puis l'avionique m'intrigue, et je veux découvrir ce qu'il cache dans ses entrailles. Et toi, tu as l'air d'avoir perdu tes repères, de la compagnie te fera le plus…

Elle me propose de m'accompagner. Elle veut laisser son garage et tout le travail qu'elle a pour venir avec moi… ou du moins avec le vaisseau. Cette fille a l'air plutôt sympa, et je ne ressens aucun danger à accepter sa proposition. Mon maître m'a confiée à Alaric. Et il savait sûrement qu'il allait m'orienter vers elle.

— … élucider cette histoire de projections psychiques et de décharges d'énergie ensemble, qu'en dis-tu ? Je sais aussi…

Elle continue à parler. Je devrais me concentrer sur ce qu'elle dit. Elle tient vraiment à venir.

— … très bien les armes. Par contre, ne compte pas sur moi pour piloter ; je n'ai jamais été douée pour ça. Et puis, si tu comptes traverser le territoire des Pirates, tu auras grand besoin d'un technicien à bord… ou plutôt d'une technicienne. Et ça fait longtemps que je veux m'accorder quelques congés.

J'acquiesçai tout simplement. Son sourire eut plus l'air d'un rictus que d'autre chose. Quoi qu'il en fût, elle semblait contente et excitée à l'idée de ce voyage.

— Énorme ! Mes affaires sont déjà dans la soute. (Son visage s'empourpra.) Heu… Oui, je n'allais pas te laisser le choix.

J'allais apprendre à gérer la présence d'une autre personne à bord. La soute, bien que peu pratique pour le transport de marchandises, faisait aisément office d'espace de vie. Les parois y sont même homogènes et ne laissent paraître aucune tuyauterie.

Je souris et elle sembla s'apaiser.


Dernière édition par Jahus le Mar 6 Jan - 14:02, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Cassandre   Cassandre Icon_minitimeLun 26 Aoû - 17:48

Entrée sixième

Nous avions quitté Hélène dans la soirée. Après deux jours de sommeil, je n'allais tout de même pas me permettre de perdre une autre nuit. Adèle, par contre, s'est endormie, assise sur ma couche. Elle avait l'air épuisée mais rassurée.

Quelques heures de voyage suffirent pour atteindre la sortie d'Ereden et prendre la porte de saut menant à Marénia.

Marénia est un système calme et sans histoire. Ce qui n'a pas toujours été le cas, loin de là. Au Tianyuan, on nous avait enseigné qu'il avait été le terrain de la première bataille notable entre la Marine et les Pirates. Avant qu'ils ne s'en prennent à Marénia, le gouvernement resta laxiste concernant leurs mouvements. Mais après cette bataille, la Marine a chassé et pourchassé les pirates jusqu'à leurs derniers retranchements sur Végas avant de les y écraser.

— J'en ai raté des choses, dis-donc !

Adèle s'était réveillée. Elle se tenait derrière moi et regardais le système Marénia. Elle se pencha et, appuyant sur une série de touches sur le tableau de bord, fit apparaître la carte stellaire. Elle y choisit une planète et enclencha la navigation automatique. Étonnée, je la regardai pour comprendre.

— Je t'avais bien dit que j'allais prendre des vacances. Et pendant qu'on y est, faire du tourisme.

Elle me tapota l'épaule, ce qui eut pour effet de libérer une autre décharge énergétique dans mon corps. Mon bras gauche partit sur le côté, tirant le manche dans sa course. Le vaisseau, mu par l'ordinateur de bord, ne broncha pas et continuait sa course rectiligne vers une planète lointaine, proche de l'étoile principale.

Adèle s'excusa de m'avoir touchée et me lança encore un de ses sourires étriqués.

— Ne t'inquiète pas, ça ne prendra pas de temps. Et je suis sûre que tu ne seras pas déçue par le paysage.

Non. En effet, je n'avais pas été déçue. Aurum, la planète la plus proche du soleil et qui s'était révélée être notre destination, brillait de mille éclats flavescents. Elle paraissait parsemée de lanternes à l'éclat vacillant. Une boule dorée resplendissant dans un fond bariolé de nuages de gaz et de poussière. L'étoile, proche, s'y reflétait entièrement. C'en était éblouissant et fabuleux.

— Aurum, dit Adèle. Le plus grand gisement d'or brute de l'Espace Connu. Un joyau. Une perle de toute beauté. Tu vois ! (Elle me donna une tape sur le casque.) Je t'avais dit que ça valait le détour ! Ah, tiens, on a de la compagnie.

Deux vaisseaux de la Police s'étaient approchés pendant que nous nous délections de la splendeur d'Aurum.

Freelancer Sierra Unit Romeo Unit. Vous êtes dans une zone protégée, annonça une voix féminine. Veuillez mettre en panne et annoncer vos intentions.

Bravo Echo Seven Bravo, ici Cassandre au bord du Lady Ree. Je vous envoie mes accréditations. Transfert. Terminé.

— Ah… (La femme en uniforme de la Police me salua.) Je vous voyais immobile éloignée de la station. Alors j'ai décidé de venir voir. Un problème, Milady ?

— Non, ça ira, Officier. Nous faisions juste une pause pour contempler la planète.

— Elle est classée merveille naturelle par le Gouvernement, vous savez. Mais les touristes n'y sont pas acceptés… (La femme, d'une quarantaine d'années, parut gênée par sa remarque.) Bien sûr, je ne parle pas pour vous, Milady.

— Ce n'est rien, Officier. Nous nous en allons, de toute façon.

— Mes salutations, Milady. Je vous souhaite un agréable voyage.

Je relançai les systèmes de navigation et en repris le contrôle. Adèle regardait encore vers la planète quand je fis volte-face. Le navire de la police volait vers une station en orbite éloignée de la planète.

Nous allions continuer notre chemin jusqu'à l'accélérateur vers Vahala, quand les comms furent saturées d'appels de détresse. Au début, je n'en avais rien senti, mais quand je le fis, ce fut la sensation la plus violente et la plus affligeante qu'il m'avait été donné de connaître jusque-là. Adèle parut tout aussi paniquée. Ses yeux exorbités me regardaient avec un effroi sans cesse renouvelé.

Qu'est-ce que…

Je me mis en alerte et m'ouvrit sur l'espace pour discerner l'origine des lames de fond qui ne cessaient de se renouveler. Mon vaisseau me parut à quelques distances de moi. Sa surface noire miroitait la splendeur d'Aurum et les couleurs vives qui ornaient la voûte. Mais l'heure n'était plus aux contemplations, ni à l'émerveillement. Quelque chose d'énorme faisait vibrer la trame-même de l'Espace. La coque du Lady Ree devint translucide. Je m'y voyais, assise sur mon siège. Je voyais Adèle debout derrière moi, discernais son aura grise. Je m'éloignai de ce spectacle et observai le système dans son ensemble : une étoile, trois planète. Aurum. Marénia. Et une géante gazeuse entourée d'anneaux de poussière.

Le système semblait chanceler. Il le fit encore et j'en ressentis à nouveau une forte douleur. Ça le reprit quand un pan entier de l'Espace semblait en être énucléé. Épuisée, je regagnai mon corps pour m'effondrer dans mon siège.

Quand je repris connaissance, Adèle était à terre. Je vins sur elle, la trouvai inconsciente. Je l'allongeai sur ma couche et entrepris de la sonder, mais j'étais trop faible et j'avais usé de trop d'énergie pour observer le système de loin. Je saisi le matériel médical, mis les gantelets et scannai son corps. Rien.

Nous devrions enquêter et savoir ce qui s'est passé. J'ai ressenti beaucoup de douleurs et je ne m'étonnerais pas à découvrir de lourds dégâts suite à ce phénomène.


Je vérifiai les systèmes de vol. Le vaisseau s'était stabilité quand j'eus lâché le manche. Il s'était mis en panne sans raison. Des diagnostics étaient en cours. Je repris position et me résignai à ce que notre séjour dans le système s'éternise.

Les messages de détresse sont tous éteints. Les comms ne sont plus saturées.

Je détectai le navire de police qui nous avait abordées et entrepris de le suivre.

Bravo Echo Seven Bravo, ici le Lady Ree. Savez-vous ce qui s'est passé dans ce système ?

— Pas vraiment, Milady. Il semblerait qu'une station orbitale ait disparu des radars, Milady. Aux abords de Fata. Je m'y rends à l'instant pour voir.

— Je me mets en formation avec vous, Officier…

— Lieutenant Astakhova. (Elle salua d'un strict salut militaire.) À votre service.

— Envoyez ce message, ainsi que mes accréditations, à tous les vaisseaux du système, de quel qu’affiliation qu’ils soient : Interdiction stricte de sortir de la ceinture intérieure.

— Milady ? balbutia l’officier.

— Recontactez-moi quand nous serons en vue de Fata, Lieutenant Astakhova. En attendant, j'ai quelques petites choses à régler de mon côté.

Le Lady Ree se mit en formation serrée avec le vaisseau de Police. Je soulevai mes jambes et les repliai pour me mettre en position du lotus. Je fermai les yeux et entrepris de récupérer mes forces et de me calmer.

J'aurai besoin d'être fraîche à mon arrivée là-bas. Il est de mon devoir d'enquêter.

— Tant pis ! Aras attendra.

— Qui !

La voix d'Adèle me fit sursauter.

— Rien, dis-je en la regardant, puis je tournai mon siège pour lui faire face.

— Si, si. Je t'ai bien entendue prononcer un nom, là.

— Je réfléchissais à haute voix.

Soupçonneuse, elle parut y repenser plus d'une fois.

— Écoute, petite. Nous avons encore un bout de chemin à faire avant d'atteindre Fata à cette vitesse de corvette de Police. Alors il est peut-être temps de parler, tu ne trouves pas ?

Adèle prenait un air convaincant. Du moins était-elle convaincue de ce qu'elle disait. Moi, je ne tenais pas vraiment à discuter de ça sur le moment. Vu qu'elle y tient !

— Aras.

Je le prononçai dans un soupir étranglé. Ses yeux s'écarquillèrent.

— Tu es Aihara ? me décidai-je à renchérir.

Un voile sombre tomba sur son visage, ses traits se détendirent et ses lèvres tremblèrent. Ses yeux perdirent leur éclat. Elle baissa la tête et son visage se retrouva dans l'ombre. Elle prit une profonde inspiration puis sembla sourire, cette fois de façon relâchée.

— Tu aurais tout aussi pu me parler de lui depuis le début. Je t'aurai aidée et tu m'aurais évité de penser à mon frère. (Elle se reprit, chercha ses mots et poursuivit.) Je pense que je te dois quelques explications, petite Shengzhi. Que sais-tu des Esrii ?

Je m'étonnai qu'elle prononce ce mot. Elle en savait beaucoup. Qu'elle ne soit pas Aihara m'était difficile à croire. Elle avait subi le même traitement que moi quelques instants auparavant et s'était retrouvée inconsciente. Tous les étranges phénomènes qui arrivent lorsque nous nous frôlons. Sa façon de refuser d'être ramenée au Temple, bien que ça n'ait pas été mon but. Et cet incident à la cantina.

La musique… The Blue Light.

Une lumière bleue éclaira l'habitacle du vaisseau. La planète Fata approchait lentement et commençait à envahir la verrière de sa couleur céruléenne.

— Pas grand-chose, Adèle. Je sais qu'ils gardent la Paix dans l'Espace au même titre que nous, Aihara. Je sais qu'ils partagent leur âme avec une entité pandimensionnelle du nom d'Animater. (Elle parut frémir à mes paroles. Je m'arrêtai donc un instant puis repris.) Je sais que leurs méthodes sont souvent différentes des nôtres.

— Oui. (Adèle hocha la tête, résignée.) J'étais Aihara avant d'être Esrii. Et j'ai été Esrii avant qu'Aras ne m'en délivre.

Cette information me choqua. Personne ne devenait Esrii après avoir été Aihara. Et à ma connaissance, aucun Esrii n'a jamais rejoint le Temple.

— Il t'a…

— Oui, me coupa-t-elle. Aras m'a délivré de cette saloperie qu'ils m'ont mise dans la tête. Alors s'il y a une entité que je suis prête à aider aveuglément, c'est bien lui.

Mon Maître l'aurait délivrée ? Pourquoi ? Et pourquoi a-t-elle rejoint les Esrii.

Le vaisseau recevait un appel. Un bip vint des comms.

— Pourquoi as-tu quitté les Aihara pour rejoindre les Esrii ?

Il reçut l'appel entrant.

— Milady. Nous arrivons en vue des anneaux de Fata. La station de recherche dont je vous avais parlée est…

— Eh bien. Nous avons autre chose à faire. (L'Officier de Police ne parlait plus.) Tu l'as dit toi-même : Aras attendra.

Quelque chose avait coupé court le discours du lieutenant Astakhova. Pour sûr, il y avait de quoi en avoir le souffle coupé. Quand je me tournai pour reprendre les commandes du vaisseau, je le remarquai. Un trou dans les anneaux entourant la planète. Un trou de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre. C'était simple. Il y avait les anneaux, fins, parallèles, blonds et rayonnants à la lumière bleue de la planète gazeuse. Et d'un autre côté, dans ces mêmes anneaux, il y avait un vide.

— Lieutenant Astakhova.

— Oui, Milady. Je m'excuse, mais la station…

— A disparu. J'ai vu, Lieutenant. Y a-t-il des survivants ?

— Un moment, Milady.

Je me tournai vers Adèle.

— J'ai dit des vacances ? Ironisa-t-elle. Tu pourrais demander du renfort si les choses tournent mal ? Je ne veux pas t'inquiéter plus que ça, mais une station qui disparaît avec tous les astéroïdes et la poussière qui l'entourent dans un rayon de cent kilomètres, ce n'est pas rien. Et je ne vois pas d'où ça peut venir. Tu as une idée ?

— Une altération spatiale. Ça pourrait être naturel. (J'y réfléchis à deux fois. Une altération de l'Espace me semblait possible. Et je ne voyais pas d'autre alternative. Mais je me lançai tout de même.) Une attaque ?

Adèle ria. Elle ria chaudement. Je compris que ce que j'avais dit était plutôt stupide. Je ne connaissais pas de faction capable d'une telle attaque, ni d’arme capable d’affliger de tels dégâts.

— C'est une station de recherche ! remarqua Adèle.

Elle a raison. Ils ont certainement fait une erreur de manipulation, ou travaillé sur un quelconque dispositif de distorsion spatiale, ou peut-être menaient-ils des recherches sur l'hyperespace.

— Lieutenant ?

— Excusez-moi, Milady. Je me renseignais auprès du central. Il semblerait qu’aucun vaisseau n’ait quitté la zone. Les communications furent perdues au moment où… (Le Lieutenant semblait chercher ses mots.) Cette chose… s’est produite.

— Lieutenant Astakhova, appelai-je sans réellement savoir quoi faire.

— Oui, Milady ?

— Patrouillez et scannez la zone autour de ce vide. Il pourrait y avoir des débris qui nous renseigneraient sur ce qui s’est passé.

L’Officier obtempéra et son vaisseau s’approcha de la zone de l’anomalie. Moi, ma destination était toute décidée. Un regard à Adèle la fit comprendre mes intentions. Elle programma le pilote automatique pour qu'il rejoigne le centre de l’anomalie.

— Lieutenant, appelais-je encore, n’y pénétrez sous aucun prétexte. Vous entendez : aucun prétexte !

— À vos ordres, Milady.

Adèle avait mis à jour les cartes de navigation. Le centre de la zone correspondait exactement au point de libération Fata/Penrose, un point situé là où les forces de gravité de la planète Fata et de son plus gros satellite, Penrose, s’annulent. La station était, jadis, en orbite autour de ce point, à une petite distance de vingt kilomètres.

Le Lady Ree s’approcha et mon cœur commença à accélérer. Je pensai à Adèle et j’eus peur qu’elle ne puisse supporter un autre choque. Je fermai les yeux.

Adèle, tu sais comment fermer ton esprit à toute chose.

Je me dirigeai vers le centre du vaisseau en attendant sa confirmation mentale.

Fais-le, verrouille tout jusqu’à ce que je vienne te libérer.

Je sentis une vague de joie me traverser, j’en reconnu sa confiance. Les yeux fermés, je regardais vers sa direction et son aura paru moins grise.

Le vaisseau s’approchait et mes yeux restèrent fermés. Debout dans la petite soute située au centre du Lady, les bras tendus en avant, j’accueillais chaque parcelle de l’espace que nous parcourions. Je sentis l’esprit d’Adèle refermé sur lui-même et me préparai au choc.

Quelque chose traversait la coque du navire, elle pénétra par le cockpit et se dirigeait vers moi.

Je le vis.

Une faille envoyant une lumière vacillante ; une fissure surenroulée sur elle-même, formant un nœud d’à peine un mètre de diamètre. J’approchai mes mains ouvertes pour l’entourer et la sentir dans toutes ses dimensions. Des vagues d’énergie sourdaient de certains endroits et se dissipaient presque immédiatement.

Je ne sentais rien d’anormal aux alentours, mais penser à y toucher faisait vibrer mon esprit d’effroi. Ma main approcha de la brèche et fut happé à l’intérieur, j’usai de toute ma force pour contenir mon esprit qui semblait se décrocher de mon corps pour s’enfoncer dans un abîme spatial.

Ma vision se brouilla. Je me retrouvai alors dans un long tunnel éclairé par des filaments bleus vibrants qui pendaient de toute part vers le centre. Ils semblaient être les constituants-même des parois. Mes jambes s’enfonçaient dans la matière qui me parut organique, les fibres se muaient pour les entourer et les retenir.

Je fis un pas en arrière. Il me sembla ressentir une présence ; une signature énergétique différente de tout ce que j’avais croisé jusque-là ; telle une écharde dans la peau de mon esprit. Elle approchait, derrière moi. Ma respiration accéléra et j’envoyai de l’énergie dans la paume de ma main, la concentrai en boule ; prête à agir.

Aucune colère n’en émanait.

Je devais me retourner.

En un instant, je sentis toute son animosité cachée et me retournai violement pour frapper à hauteur de poitrine ; la boule dans ma main fendit l’air et déchira de la matière organique dans un hurlement strident. La chose bourdonna, criant de douleur alors que ma main traversait son abdomen.

J’aperçu sa stature, beaucoup plus haute que moi, menue et déchirée.

Surprise, frayeur, colère. Son aura se chargea d’ombres avant de s’éteindre.

Tout son corps se changea en filaments bleus avant d’atteindre le sol. Les cordes se tortillèrent et furent absorbées par le sol.

Une main me tint l’épaule droite et me serra vigoureusement. J’avais usé des réserves d’énergie que j’avais réussi à accumuler dans mon vaisseau et su que je ne pourrais riposter, ni absorber une attaque. La main me tira d’un coup fort et sec en arrière. Mes pieds décollèrent du sol et je tombais sur le dos avec la personne qui m’avait tirée.

Elle avait amortit ma chute et ma vision m’offrit l’image de la fissure qui planait à un mètre du sol dans la soute du Lady.

Adèle.

— Rien de cassé ? demanda-t-elle, le souffle coupé.

Je la regardai alors : ses longs cheveux, mouillés de sueur, collaient à son cou. Ses yeux étaient exorbités et son teint était devenu plus pale, presque bleuté.

Aras…

La pensée de la peau bleue, presque transparente de mon maître me fit rougir. La situation en était drôle et je réussis à esquisser un sourire douloureux. Je n’avais plus de force pour me redresser, j’étais juste allongée sur le sol, à côté de la technicienne.

Adèle me regarda. Ses lèvres étaient desséchées, comme si elle avait été longtemps fiévreuse.

— Partons d’ici, dit-elle difficilement.

Une voix venait du cockpit du Lady Ree, mais je n’arrivais pas à la comprendre. Quelques secondes passèrent avant qu’Adèle ne réussisse à se lever ; elle m’aida à me mettre sur pieds et nous marchâmes, titubant, vers le cockpit. Je m’effondrai sur le siège de pilote et elle se laissa choir sur mon lit.

Je pus alors entendre Lieutenant qui m’appelait :

— Milady ? Lieutenant Astakhova au Lady Ree… Milady, vous m’entendez ?

— Je vous entends, répondis-je lentement. Parlez, Lieutenant.

— Je m’étais inquiétée, Milady. Mais vous m’aviez donné l’ordre de ne pas m’approcher.

— Vous avez bien fait, dis-je simplement.

Partons d’ici, me demanda Adèle par la pensée.

J’allais le…

Je n’eus pas le temps de finir ma pensée que les scopes avaient détecté une forte signature thermique en provenance de la haute atmosphère de Fata. Un point orange vif s’ajouta sur les scopes.

— Encore !

Je poussai la molette des gaz à son maximum, tirai sur le manche et mis cap dessus. Le navire de police d’Astakhova semblait vouloir faire de même mais ma vitesse me permit de le dépasser avant qu’elle ne fasse un demi-tour.

Nous n’avions pas encore d’image précise du navire, mais il était facile de comprendre qu’il dérivait dangereusement dans la plus haute atmosphère de la géante gazeuse. Sa vitesse augmentait et la chaleur qu’il dégageait aussi.

— Il va exploser ! cria le Lieutenant. Vaisseau non identifié, vous me recevez ?

— La signature énergétique se précise, me dit Adèle qui se tenait debout derrière moi. Une corvette.

La corvette n’avait pas de boucliers et sa coque se faisait maltraiter par les petits astéroïdes de l’anneau intérieur. Sa chaleur était si forte que la carlingue brillait d’une vive lumière orange.

— Nous devons les remorquer, dis-je à Adèle. Ou au pire les aborder et voir s’il y a des survivants.

— Trente secondes, dit-elle.

Trente secondes. Si le Lady Ree ne rattrape pas ce navire dans trente secondes, il sera trop tard.

Adèle vint au-dessus de mon épaule tapoter sur la console de bord. Elle dévia l’énergie des systèmes vitaux vers les propulseurs. Nous ne pouvions pas nous permettre de réduire la charge accordée aux boucliers, ni aux répulseurs, mais elle savait ce que j’étais et elle l’avait été elle aussi autrefois, nous pouvions survivre ; sans air.

Les moteurs grondèrent et toute la coque trembla. La vitesse augmenta encore.

Quinze secondes.

Le vaisseau n’était plus qu’à une trentaine de kilomètres.

— Il y a une combi de sortie dans la soute !

Adèle courut. Je tirai sur le manche pour préparer un arrimage. Je voyais enfin la corvette : le vaisseau était en vrille et des étincelles partaient de toute sa coque.

Dix secondes. Je dois le stabiliser.

Je fermai les yeux et me concentrai. Les tonneaux qu’effectuait la corvette parurent exécutés au ralenti. La coque était abîmée en plusieurs endroits. J’activai les systèmes d’armement, visai une zone qui me parut solide et tirai. Une salve de plasma s’éloigna du Lady et percuta la coque de la corvette dans un éclat de métal et de feu. J’activai le pilote automatique.

Cinq secondes. Plus que quelques petits mètres !

Elle avait ralenti et ça devait suffire. Le Lady devait tenir. L’ordinateur de bord se chargeait de positionner le vaisseau pour un arrimage, malgré le mouvement rotatif.

J’entendis le bruit de l’anneau d’arrimage qui s’attachait, désengageai le pilote automatique et mis plein gaz. La coque du Lady fut parcourue d’une vibration quand les moteurs poussèrent sur la masse de la corvette.

— Ça va lâcher ! cria Adèle. J’y vais !

L’anneau d’arrimage se brisa et le Lady fut propulsée à une vitesse fulgurante loin de la corvette.

— J’y vais ! cria-t-elle encore.

Abasourdie, je me levai de mon siège et couru vers l’arrière du vaisseau. Elle était allongée sur le sol dans la combinaison spatiale, inconsciente. Adèle !

Je frissonnai, déverrouillai son casque et posai une main sur son front. Le Lady s’éloignait du vaisseau et il n’y avait plus moyen de l’aider. L’esprit d’Adèle, lui, n’était plus là. Je tentai de la rejoindre.


Adèle regarda autour d’elle. Les coursives étaient éclairées d’une lumière rouge et tamisée. À l’entrée de la cabine de pilotage, une jeune femme œuvrait sur une console murale, une main tenant fortement un harnais de sécurité. L’habitacle était éclairé par alternances grâce à la lumière bleue de Fata. Le navire tournait lentement sur lui-même.

Trois personnes étaient attachées par des ceintures aux sièges des deux côtés de la cabine. De violentes vagues de douleur émanaient de l’une d’elles. Au bout de la salle : deux sièges. Deux entités, un homme et une femme ; adolescents.

— Altération de la matrice subatomique de la coque…

Le garçon s’était exprimé sans aucune conviction. La peur perlait de son corps.

À côté de lui, la jeune fille restait impassible et réfléchissait. Son aura luisait d’un blanc éclatant et tout dans la pièce baignait dedans. Adèle s’arrêta un moment, contemplative, heureuse d’avoir rencontré un tel esprit.

Elle s’approcha d’elle et envoya sa main toucher son visage, caresser sa joue ; Adèle savoura le contact et toute l’énergie qui s’en dégageait. Alors elle s’adressa à elle :

— C’est le genre d’anomalies que l’on retrouve sur les vaisseaux qui approchent des singularités gravitationnelles. Efface les verrous de sécurité ; vas-y doucement. Laisse-toi aller, je te guiderai.

Elles pénétrèrent dans l’avionique, trouvèrent et enlevèrent chaque verrou mis en place par le système de diagnostic. Celui-ci avait mis en panne la corvette après avoir découvert une avarie dans la coque ; quelque chose en avait modifié les composants atomiques. Seuls les navires militaires étaient préparés à ce genre d’erreurs.

Les générateurs grondèrent lentement alors que les accumulateurs commençaient à se charger. Adèle posa un baiser sur le front de la jeune fille, qui rougit instantanément.

À côté d’elle, le garçon mit plein gaz et tira sur le manche.

À très bientôt, Coralie.


J’ouvris les yeux ; Adèle souriait. Elle était toujours allongée, encore plus épuisé et en sueur.

— J’ai réussi.

Ses lèvres saignèrent tant elles étaient desséchées. Reste là. Je lui pris une bouteille d’eau de la réserve, l’aidai à se redresser et la fis boire.

— Je sais encore le faire, dit-elle entre deux gorgées.

Elle se fit moins présente.

— Merci, petite Shengzhi, murmura-t-elle avant de s’évanouir.

Je l’adossai à la paroi et partis rejoindre le cockpit. Je repris contrôle du Lady Ree et demandai au Lieutenant de fixer un point de passage dans la ceinture d’astéroïdes intérieure du système pour que nous nous y retrouvions. La corvette, elle, avait décroché très vite de l’attraction de la planète et ses boucliers furent des plus utiles pour baisser la température de sa coque.

J’ouvris un canal de communication avec le vaisseau et ralentis pour qu’ils me rattrapent et se mettent en formation avec moi.

— Cassandre à… vaisseau non identifié, vous me recevez ?

L’image d’une salle de pilotage apparut. Un garçon et une fille étaient assis sur les sièges de pilotage, quatre autres personnes se tenaient debout derrière eux. Ils avaient les visages mouillés de sueur et l’air effrayé.

— Ici le Capitaine du…

Le garçon s’arrêta de parler et regarda derrière lui. Il passa une main et se gratta le crâne.

— En fait, on n’a pas encore baptisé ce petit coucou, c’est son voyage inaugural.

On peut dire qu’il a été mouvementé, leur voyage inaugural.

— Mettez-vous en formation avec moi. Vous étiez dans la station de recherche ?

Je sentis un courant de tristesse émaner de chaque membre d’équipage. Quelque chose s’était passé et ils en savaient beaucoup. La jeune fille en chapeau blanc expliqua tranquillement :

— Nous étions en route pour la station quand un message de détresse est arrivé. Quelques instants plus tard, alors que nous étions en vue de la station, une vague a ébranlé le vaisseau et il s’est mis en panne. Nous avons vu la station et tout ce qui était autour disparaître en se distordant puis en se faisant happer vers le point Lagrange.

Le Capitaine continua :

— Nous avons dérivé à travers les astéroïdes, la coque a tenu bon, mais nous avons failli y passer dans l’atmosphère. C’était chaud.

Il avait dit ses derniers mots dans un élan humoristique, mais ça n’avait pas réussi à décrisper les visages de ses camarades. La jeune co-pilote, elle, restait impassible derrière le rideau de dentelle pendant des contours de son chapeau. Quelque chose d’autre s’était passé.

— Que veniez-vous faire dans une station de recherche avec un vaisseau non identifié ?

Je sentis la colère monter chez un membre de l’équipage. Cette colère était portée par un torrent de douleur. Quelque chose lui avait causé une peine immense mais je ne pouvais pas me centrer dessus, ni aller voir ; l’anneau d’arrimage avait cassé lors de ma tentative de remorquage.

— Je suis sûre qu’ils avaient de bonnes raisons, dit Adèle en arrivant derrière moi.

Elle avait délaissé son scaphandre.

— Et ils ont un enregistrement des événements.

Ils parurent étonnés. Le pilote étouffa un « comment ? ». Je regardai le radar : un petit objet suivait la corvette de près, certainement une sonde. Adèle a dû la remarquer lors de sa petite virée dans leur vaisseau. J’avais vu la vidéo qu’il émettait quand j’étais dans leur vaisseau, avait-elle finit par me dire par la pensée.

Arrivés à la ceinture d’astéroïdes intérieure, je contactai le vaisseau d’un ton dur et professionnel :

— Je vous envoie mes accréditations, Capitaine. Veuillez me transférer les données récoltées par le drone, et assurez-vous de n’en garder aucune partie. Strictement aucune !

Le Capitaine étouffa une complainte mais se résigna bien vite. J’orientai la communication vers le navire de Police, m’assurant que les gamins entendaient.

— Lieutenant Astakhova, attribuez un IFF diplomatique à nos rescapés. Aussi, ils ont besoin de trouver un nom à leur vaisseau ; laissez-leur le temps d’en choisir un. Une fois arrivés à Marénia, arrimez-vous à un complexe d’agrément ; un endroit où nous pourrons discuter tranquillement et expliquer à nos chers hôtes que l’affaire est du ressort des Aihara et qu’il leur est strictement interdit d’en parler.

Mes mots étaient un premier avertissement. Je dois vite en référer au Tianyuan, et leur expliquer ce que j’ai vu.

— Données reçues. Merci, les petits. Reposez-vous, vous en avez besoin. Envoyez-nous les coordonnées d’un coin tranquille où on peut siroter une bière sans attirer l’attention.

Nous aussi, nous avons besoin de repos.

— Cassandre.

Adèle m’avait appelée par mon prénom. Ça m’avait semblé étrange et au même temps réconfortant. J’enclenchai le pilote automatique pour qu’il nous mène vers le point de passe qu’ils avaient envoyé et coupai les communications. Je me levai de mon siège et m’assis à côté d’Adèle, sur le lit.

Qu’as-tu vu, Cassandre ? demanda-t-elle par la pensée.

Je la regardai, bée. Moi-même, je n’en étais pas très sûre. Elle m’avait sans doute sauvé la vie en m’extirpant de ce couloir où je m’étais retrouvé. Mais où étais-ce ? Et qu’était cette chose que j’ai… détruite ? Alors je ne répondis pas. Quelques secondes passèrent ; elle comprit que mes intentions n’étaient pas de lui cacher la réalité, et je sentis qu’elle respectait mon mutisme.

Elle rompit le silence :

— Tu vois, me dit-elle. Au moins, là, nous avons une piste.

Elle dessina un sourire en coin avant d'aller rejoindre la soute. Je m'allongeai sur le lit et entrepris de méditer. Mon voyage prenait un tournant et s'éloignait du trajet prévu.

Un pan entier de l'Espace avait disparu devant moi. Ça me rendait un tantinet curieuse de savoir ce qu'avaient vu les survivants. Et cette entité que j’ai détruite…

Si cela s'éternise, j'appellerais quelqu'un pour qu'il s'occupe de l'affaire. Et je pourrais continuer ma mission et aller chercher Aurore. Ou aller chercher Aras.

Mon Aras…




Entrée sixième

Nous avions quitté Hélène dans la soirée. Après deux jours de sommeil, je n'allais tout de même pas me permettre de perdre une autre nuit. Adèle, par contre, s'est endormie, assise sur ma couche. Elle avait l'air épuisée mais rassurée.

Quelques heures de voyage suffirent pour atteindre la sortie d'Ereden et prendre la porte de saut menant à Marénia.

Marénia est un système calme et sans histoire. Ce qui n'a pas toujours été le cas, loin de là. Au Tianyuan, on nous avait enseigné qu'il avait été le terrain de la première bataille notable entre la Marine et les Pirates. Avant qu'ils ne s'en prennent à Marénia, le gouvernement resta laxiste concernant leurs mouvements. Mais après cette bataille, la Marine a chassé et pourchassé les pirates jusqu'à leurs derniers retranchements sur Végas avant de les y écraser.

— J'en ai raté des choses, dis-donc !

Adèle s'était réveillée. Elle se tenait derrière moi et regardais le système Marénia. Elle se pencha et, appuyant sur une série de touches sur le tableau de bord, fit apparaître la carte stellaire. Elle y choisit une planète et enclencha la navigation automatique. Étonnée, je la regardai pour comprendre.

— Je t'avais bien dit que j'allais prendre des vacances. Et pendant qu'on y est, faire du tourisme.

Elle me tapota l'épaule, ce qui eut pour effet de libérer une autre décharge énergétique dans mon corps. Mon bras gauche partit sur le côté, tirant le manche dans sa course. Le vaisseau, mu par l'ordinateur de bord, ne broncha pas et continuait sa course rectiligne vers une planète lointaine, proche de l'étoile principale.

Adèle s'excusa de m'avoir touchée et me lança encore un de ses sourires étriqués.

— Ne t'inquiète pas, ça ne prendra pas de temps. Et je suis sûre que tu ne seras pas déçue par le paysage.

Non. En effet, je n'avais pas été déçue. Aurum, la planète la plus proche du soleil et qui s'était révélée être notre destination, brillait de mille éclats flavescents. Elle paraissait parsemée de lanternes à l'éclat vacillant. Une boule dorée resplendissant dans un fond bariolé de nuages de gaz et de poussière. L'étoile, proche, s'y reflétait entièrement. C'en était éblouissant et fabuleux.

— Aurum, dit Adèle. Le plus grand gisement d'or brute de l'Espace Connu. Un joyau. Une perle de toute beauté. Tu vois ! (Elle me donna une tape sur le casque.) Je t'avais dit que ça valait le détour ! Ah, tiens, on a de la compagnie.

Deux vaisseaux de la Police s'étaient approchés pendant que nous nous délections de la splendeur d'Aurum.

Freelancer Sierra Unit Romeo Unit. Vous êtes dans une zone protégée, annonça une voix féminine. Veuillez mettre en panne et annoncer vos intentions.

Bravo Echo Seven Bravo, ici Cassandre au bord du Lady Ree. Je vous envoie mes accréditations. Transfert. Terminé.

— Ah… (La femme en uniforme de la Police me salua.) Je vous voyais immobile éloignée de la station. Alors j'ai décidé de venir voir. Un problème, Milady ?

— Non, ça ira, Officier. Nous faisions juste une pause pour contempler la planète.

— Elle est classée merveille naturelle par le Gouvernement, vous savez. Mais les touristes n'y sont pas acceptés… (La femme, d'une quarantaine d'années, parut gênée par sa remarque.) Bien sûr, je ne parle pas pour vous, Milady.

— Ce n'est rien, Officier. Nous nous en allons, de toute façon.

— Mes salutations, Milady. Je vous souhaite un agréable voyage.

Je relançai les systèmes de navigation et en repris le contrôle. Adèle regardait encore vers la planète quand je fis volte-face. Le navire de la police volait vers une station en orbite éloignée de la planète.

Nous allions continuer notre chemin jusqu'à l'accélérateur vers Vahala, quand les comms furent saturées d'appels de détresse. Au début, je n'en avais rien senti, mais quand je le fis, ce fut la sensation la plus violente et la plus affligeante qu'il m'avait été donné de connaître jusque-là. Adèle parut tout aussi paniquée. Ses yeux exorbités me regardaient avec un effroi sans cesse renouvelé.

Qu'est-ce que…

Je me mis en alerte et m'ouvrit sur l'espace pour discerner l'origine des lames de fond qui ne cessaient de se renouveler. Mon vaisseau me parut à quelques distances de moi. Sa surface noire miroitait la splendeur d'Aurum et les couleurs vives qui ornaient la voûte. Mais l'heure n'était plus aux contemplations, ni à l'émerveillement. Quelque chose d'énorme faisait vibrer la trame-même de l'Espace. La coque du Lady Ree devint translucide. Je m'y voyais, assise sur mon siège. Je voyais Adèle debout derrière moi, discernais son aura grise. Je m'éloignai de ce spectacle et observai le système dans son ensemble : une étoile, trois planète. Aurum. Marénia. Et une géante gazeuse entourée d'anneaux de poussière.

Le système semblait chanceler. Il le fit encore et j'en ressentis à nouveau une forte douleur. Ça le reprit quand un pan entier de l'Espace semblait en être énucléé. Épuisée, je regagnai mon corps pour m'effondrer dans mon siège.

Quand je repris connaissance, Adèle était à terre. Je vins sur elle, la trouvai inconsciente. Je l'allongeai sur ma couche et entrepris de la sonder, mais j'étais trop faible et j'avais usé de trop d'énergie pour observer le système de loin. Je saisi le matériel médical, mis les gantelets et scannai son corps. Rien.

Nous devrions enquêter et savoir ce qui s'est passé. J'ai ressenti beaucoup de douleurs et je ne m'étonnerais pas à découvrir de lourds dégâts suite à ce phénomène.


Je vérifiai les systèmes de vol. Le vaisseau s'était stabilité quand j'eus lâché le manche. Il s'était mis en panne sans raison. Des diagnostics étaient en cours. Je repris position et me résignai à ce que notre séjour dans le système s'éternise.

Les messages de détresse sont tous éteints. Les comms ne sont plus saturées.

Je détectai le navire de police qui nous avait abordées et entrepris de le suivre.

Bravo Echo Seven Bravo, ici le Lady Ree. Savez-vous ce qui s'est passé dans ce système ?

— Pas vraiment, Milady. Il semblerait qu'une station orbitale ait disparu des radars, Milady. Aux abords de Fata. Je m'y rends à l'instant pour voir.

— Je me mets en formation avec vous, Officier…

— Lieutenant Astakhova. (Elle salua d'un strict salut militaire.) À votre service.

— Envoyez ce message, ainsi que mes accréditations, à tous les vaisseaux du système, de quel qu’affiliation qu’ils soient : Interdiction stricte de sortir de la ceinture intérieure.

— Milady ? balbutia l’officier.

— Recontactez-moi quand nous serons en vue de Fata, Lieutenant Astakhova. En attendant, j'ai quelques petites choses à régler de mon côté.

Le Lady Ree se mit en formation serrée avec le vaisseau de Police. Je soulevai mes jambes et les repliai pour me mettre en position du lotus. Je fermai les yeux et entrepris de récupérer mes forces et de me calmer.

J'aurai besoin d'être fraîche à mon arrivée là-bas. Il est de mon devoir d'enquêter.

— Tant pis ! Aras attendra.

— Qui !

La voix d'Adèle me fit sursauter.

— Rien, dis-je en la regardant, puis je tournai mon siège pour lui faire face.

— Si, si. Je t'ai bien entendue prononcer un nom, là.

— Je réfléchissais à haute voix.

Soupçonneuse, elle parut y repenser plus d'une fois.

— Écoute, petite. Nous avons encore un bout de chemin à faire avant d'atteindre Fata à cette vitesse de corvette de Police. Alors il est peut-être temps de parler, tu ne trouves pas ?

Adèle prenait un air convaincant. Du moins était-elle convaincue de ce qu'elle disait. Moi, je ne tenais pas vraiment à discuter de ça sur le moment. Vu qu'elle y tient !

— Aras.

Je le prononçai dans un soupir étranglé. Ses yeux s'écarquillèrent.

— Tu es Aihara ? me décidai-je à renchérir.

Un voile sombre tomba sur son visage, ses traits se détendirent et ses lèvres tremblèrent. Ses yeux perdirent leur éclat. Elle baissa la tête et son visage se retrouva dans l'ombre. Elle prit une profonde inspiration puis sembla sourire, cette fois de façon relâchée.

— Tu aurais tout aussi pu me parler de lui depuis le début. Je t'aurai aidée et tu m'aurais évité de penser à mon frère. (Elle se reprit, chercha ses mots et poursuivit.) Je pense que je te dois quelques explications, petite Shengzhi. Que sais-tu des Esrii ?

Je m'étonnai qu'elle prononce ce mot. Elle en savait beaucoup. Qu'elle ne soit pas Aihara m'était difficile à croire. Elle avait subi le même traitement que moi quelques instants auparavant et s'était retrouvée inconsciente. Tous les étranges phénomènes qui arrivent lorsque nous nous frôlons. Sa façon de refuser d'être ramenée au Temple, bien que ça n'ait pas été mon but. Et cet incident à la cantina.

La musique… The Blue Light.

Une lumière bleue éclaira l'habitacle du vaisseau. La planète Fata approchait lentement et commençait à envahir la verrière de sa couleur céruléenne.

— Pas grand-chose, Adèle. Je sais qu'ils gardent la Paix dans l'Espace au même titre que nous, Aihara. Je sais qu'ils partagent leur âme avec une entité pandimensionnelle du nom d'Animater. (Elle parut frémir à mes paroles. Je m'arrêtai donc un instant puis repris.) Je sais que leurs méthodes sont souvent différentes des nôtres.

— Oui. (Adèle hocha la tête, résignée.) J'étais Aihara avant d'être Esrii. Et j'ai été Esrii avant qu'Aras ne m'en délivre.

Cette information me choqua. Personne ne devenait Esrii après avoir été Aihara. Et à ma connaissance, aucun Esrii n'a jamais rejoint le Temple.

— Il t'a…

— Oui, me coupa-t-elle. Aras m'a délivré de cette saloperie qu'ils m'ont mise dans la tête. Alors s'il y a une entité que je suis prête à aider aveuglément, c'est bien lui.

Mon Maître l'aurait délivrée ? Pourquoi ? Et pourquoi a-t-elle rejoint les Esrii.

Le vaisseau recevait un appel. Un bip vint des comms.

— Pourquoi as-tu quitté les Aihara pour rejoindre les Esrii ?

Il reçut l'appel entrant.

— Milady. Nous arrivons en vue des anneaux de Fata. La station de recherche dont je vous avais parlée est…

— Eh bien. Nous avons autre chose à faire. (L'Officier de Police ne parlait plus.) Tu l'as dit toi-même : Aras attendra.

Quelque chose avait coupé court le discours du lieutenant Astakhova. Pour sûr, il y avait de quoi en avoir le souffle coupé. Quand je me tournai pour reprendre les commandes du vaisseau, je le remarquai. Un trou dans les anneaux entourant la planète. Un trou de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre. C'était simple. Il y avait les anneaux, fins, parallèles, blonds et rayonnants à la lumière bleue de la planète gazeuse. Et d'un autre côté, dans ces mêmes anneaux, il y avait un vide.

— Lieutenant Astakhova.

— Oui, Milady. Je m'excuse, mais la station…

— A disparu. J'ai vu, Lieutenant. Y a-t-il des survivants ?

— Un moment, Milady.

Je me tournai vers Adèle.

— J'ai dit des vacances ? Ironisa-t-elle. Tu pourrais demander du renfort si les choses tournent mal ? Je ne veux pas t'inquiéter plus que ça, mais une station qui disparaît avec tous les astéroïdes et la poussière qui l'entourent dans un rayon de cent kilomètres, ce n'est pas rien. Et je ne vois pas d'où ça peut venir. Tu as une idée ?

— Une altération spatiale. Ça pourrait être naturel. (J'y réfléchis à deux fois. Une altération de l'Espace me semblait possible. Et je ne voyais pas d'autre alternative. Mais je me lançai tout de même.) Une attaque ?

Adèle ria. Elle ria chaudement. Je compris que ce que j'avais dit était plutôt stupide. Je ne connaissais pas de faction capable d'une telle attaque, ni d’arme capable d’affliger de tels dégâts.

— C'est une station de recherche ! remarqua Adèle.

Elle a raison. Ils ont certainement fait une erreur de manipulation, ou travaillé sur un quelconque dispositif de distorsion spatiale, ou peut-être menaient-ils des recherches sur l'hyperespace.

— Lieutenant ?

— Excusez-moi, Milady. Je me renseignais auprès du central. Il semblerait qu’aucun vaisseau n’ait quitté la zone. Les communications furent perdues au moment où… (Le Lieutenant semblait chercher ses mots.) Cette chose… s’est produite.

— Lieutenant Astakhova, appelai-je sans réellement savoir quoi faire.

— Oui, Milady ?

— Patrouillez et scannez la zone autour de ce vide. Il pourrait y avoir des débris qui nous renseigneraient sur ce qui s’est passé.

L’Officier obtempéra et son vaisseau s’approcha de la zone de l’anomalie. Moi, ma destination était toute décidée. Un regard à Adèle la fit comprendre mes intentions. Elle programma le pilote automatique pour qu'il rejoigne le centre de l’anomalie.

— Lieutenant, appelais-je encore, n’y pénétrez sous aucun prétexte. Vous entendez : aucun prétexte !

— À vos ordres, Milady.

Adèle avait mis à jour les cartes de navigation. Le centre de la zone correspondait exactement au point de libération Fata/Penrose, un point situé là où les forces de gravité de la planète Fata et de son plus gros satellite, Penrose, s’annulent. La station était, jadis, en orbite autour de ce point, à une petite distance de vingt kilomètres.

Le Lady Ree s’approcha et mon cœur commença à accélérer. Je pensai à Adèle et j’eus peur qu’elle ne puisse supporter un autre choque. Je fermai les yeux.

Adèle, tu sais comment fermer ton esprit à toute chose.

Je me dirigeai vers le centre du vaisseau en attendant sa confirmation mentale.

Fais-le, verrouille tout jusqu’à ce que je vienne te libérer.

Je sentis une vague de joie me traverser, j’en reconnu sa confiance. Les yeux fermés, je regardais vers sa direction et son aura paru moins grise.

Le vaisseau s’approchait et mes yeux restèrent fermés. Debout dans la petite soute située au centre du Lady, les bras tendus en avant, j’accueillais chaque parcelle de l’espace que nous parcourions. Je sentis l’esprit d’Adèle refermé sur lui-même et me préparai au choc.

Quelque chose traversait la coque du navire, elle pénétra par le cockpit et se dirigeait vers moi.

Je le vis.

Une faille envoyant une lumière vacillante ; une fissure surenroulée sur elle-même, formant un nœud d’à peine un mètre de diamètre. J’approchai mes mains ouvertes pour l’entourer et la sentir dans toutes ses dimensions. Des vagues d’énergie sourdaient de certains endroits et se dissipaient presque immédiatement.

Je ne sentais rien d’anormal aux alentours, mais penser à y toucher faisait vibrer mon esprit d’effroi. Ma main approcha de la brèche et fut happé à l’intérieur, j’usai de toute ma force pour contenir mon esprit qui semblait se décrocher de mon corps pour s’enfoncer dans un abîme spatial.

Ma vision se brouilla. Je me retrouvai alors dans un long tunnel éclairé par des filaments bleus vibrants qui pendaient de toute part vers le centre. Ils semblaient être les constituants-même des parois. Mes jambes s’enfonçaient dans la matière qui me parut organique, les fibres se muaient pour les entourer et les retenir.

Je fis un pas en arrière. Il me sembla ressentir une présence ; une signature énergétique différente de tout ce que j’avais croisé jusque-là ; telle une écharde dans la peau de mon esprit. Elle approchait, derrière moi. Ma respiration accéléra et j’envoyai de l’énergie dans la paume de ma main, la concentrai en boule ; prête à agir.

Aucune colère n’en émanait.

Je devais me retourner.

En un instant, je sentis toute son animosité cachée et me retournai violement pour frapper à hauteur de poitrine ; la boule dans ma main fendit l’air et déchira de la matière organique dans un hurlement strident. La chose bourdonna, criant de douleur alors que ma main traversait son abdomen.

J’aperçu sa stature, beaucoup plus haute que moi, menue et déchirée.

Surprise, frayeur, colère. Son aura se chargea d’ombres avant de s’éteindre.

Tout son corps se changea en filaments bleus avant d’atteindre le sol. Les cordes se tortillèrent et furent absorbées par le sol.

Une main me tint l’épaule droite et me serra vigoureusement. J’avais usé des réserves d’énergie que j’avais réussi à accumuler dans mon vaisseau et su que je ne pourrais riposter, ni absorber une attaque. La main me tira d’un coup fort et sec en arrière. Mes pieds décollèrent du sol et je tombais sur le dos avec la personne qui m’avait tirée.

Elle avait amortit ma chute et ma vision m’offrit l’image de la fissure qui planait à un mètre du sol dans la soute du Lady.

Adèle.

— Rien de cassé ? demanda-t-elle, le souffle coupé.

Je la regardai alors : ses longs cheveux, mouillés de sueur, collaient à son cou. Ses yeux étaient exorbités et son teint était devenu plus pale, presque bleuté.

Aras…

La pensée de la peau bleue, presque transparente de mon maître me fit rougir. La situation en était drôle et je réussis à esquisser un sourire douloureux. Je n’avais plus de force pour me redresser, j’étais juste allongée sur le sol, à côté de la technicienne.

Adèle me regarda. Ses lèvres étaient desséchées, comme si elle avait été longtemps fiévreuse.

— Partons d’ici, dit-elle difficilement.

Une voix venait du cockpit du Lady Ree, mais je n’arrivais pas à la comprendre. Quelques secondes passèrent avant qu’Adèle ne réussisse à se lever ; elle m’aida à me mettre sur pieds et nous marchâmes, titubant, vers le cockpit. Je m’effondrai sur le siège de pilote et elle se laissa choir sur mon lit.

Je pus alors entendre Lieutenant qui m’appelait :

— Milady ? Lieutenant Astakhova au Lady Ree… Milady, vous m’entendez ?

— Je vous entends, répondis-je lentement. Parlez, Lieutenant.

— Je m’étais inquiétée, Milady. Mais vous m’aviez donné l’ordre de ne pas m’approcher.

— Vous avez bien fait, dis-je simplement.

Partons d’ici, me demanda Adèle par la pensée.

J’allais le…

Je n’eus pas le temps de finir ma pensée que les scopes avaient détecté une forte signature thermique en provenance de la haute atmosphère de Fata. Un point orange vif s’ajouta sur les scopes.

— Encore !

Je poussai la molette des gaz à son maximum, tirai sur le manche et mis cap dessus. Le navire de police d’Astakhova semblait vouloir faire de même mais ma vitesse me permit de le dépasser avant qu’elle ne fasse un demi-tour.

Nous n’avions pas encore d’image précise du navire, mais il était facile de comprendre qu’il dérivait dangereusement dans la plus haute atmosphère de la géante gazeuse. Sa vitesse augmentait et la chaleur qu’il dégageait aussi.

— Il va exploser ! cria le Lieutenant. Vaisseau non identifié, vous me recevez ?

— La signature énergétique se précise, me dit Adèle qui se tenait debout derrière moi. Une corvette.

La corvette n’avait pas de boucliers et sa coque se faisait maltraiter par les petits astéroïdes de l’anneau intérieur. Sa chaleur était si forte que la carlingue brillait d’une vive lumière orange.

— Nous devons les remorquer, dis-je à Adèle. Ou au pire les aborder et voir s’il y a des survivants.

— Trente secondes, dit-elle.

Trente secondes. Si le Lady Ree ne rattrape pas ce navire dans trente secondes, il sera trop tard.

Adèle vint au-dessus de mon épaule tapoter sur la console de bord. Elle dévia l’énergie des systèmes vitaux vers les propulseurs. Nous ne pouvions pas nous permettre de réduire la charge accordée aux boucliers, ni aux répulseurs, mais elle savait ce que j’étais et elle l’avait été elle aussi autrefois, nous pouvions survivre ; sans air.

Les moteurs grondèrent et toute la coque trembla. La vitesse augmenta encore.

Quinze secondes.

Le vaisseau n’était plus qu’à une trentaine de kilomètres.

— Il y a une combi de sortie dans la soute !

Adèle courut. Je tirai sur le manche pour préparer un arrimage. Je voyais enfin la corvette : le vaisseau était en vrille et des étincelles partaient de toute sa coque.

Dix secondes. Je dois le stabiliser.

Je fermai les yeux et me concentrai. Les tonneaux qu’effectuait la corvette parurent exécutés au ralenti. La coque était abîmée en plusieurs endroits. J’activai les systèmes d’armement, visai une zone qui me parut solide et tirai. Une salve de plasma s’éloigna du Lady et percuta la coque de la corvette dans un éclat de métal et de feu. J’activai le pilote automatique.

Cinq secondes. Plus que quelques petits mètres !

Elle avait ralenti et ça devait suffire. Le Lady devait tenir. L’ordinateur de bord se chargeait de positionner le vaisseau pour un arrimage, malgré le mouvement rotatif.

J’entendis le bruit de l’anneau d’arrimage qui s’attachait, désengageai le pilote automatique et mis plein gaz. La coque du Lady fut parcourue d’une vibration quand les moteurs poussèrent sur la masse de la corvette.

— Ça va lâcher ! cria Adèle. J’y vais !

L’anneau d’arrimage se brisa et le Lady fut propulsée à une vitesse fulgurante loin de la corvette.

— J’y vais ! cria-t-elle encore.

Abasourdie, je me levai de mon siège et couru vers l’arrière du vaisseau. Elle était allongée sur le sol dans la combinaison spatiale, inconsciente. Adèle !

Je frissonnai, déverrouillai son casque et posai une main sur son front. Le Lady s’éloignait du vaisseau et il n’y avait plus moyen de l’aider. L’esprit d’Adèle, lui, n’était plus là. Je tentai de la rejoindre.


Adèle regarda autour d’elle. Les coursives étaient éclairées d’une lumière rouge et tamisée. À l’entrée de la cabine de pilotage, une jeune femme œuvrait sur une console murale, une main tenant fortement un harnais de sécurité. L’habitacle était éclairé par alternances grâce à la lumière bleue de Fata. Le navire tournait lentement sur lui-même.

Trois personnes étaient attachées par des ceintures aux sièges des deux côtés de la cabine. De violentes vagues de douleur émanaient de l’une d’elles. Au bout de la salle : deux sièges. Deux entités, un homme et une femme ; adolescents.

— Altération de la matrice subatomique de la coque…

Le garçon s’était exprimé sans aucune conviction. La peur perlait de son corps.

À côté de lui, la jeune fille restait impassible et réfléchissait. Son aura luisait d’un blanc éclatant et tout dans la pièce baignait dedans. Adèle s’arrêta un moment, contemplative, heureuse d’avoir rencontré un tel esprit.

Elle s’approcha d’elle et envoya sa main toucher son visage, caresser sa joue ; Adèle savoura le contact et toute l’énergie qui s’en dégageait. Alors elle s’adressa à elle :

— C’est le genre d’anomalies que l’on retrouve sur les vaisseaux qui approchent des singularités gravitationnelles. Efface les verrous de sécurité ; vas-y doucement. Laisse-toi aller, je te guiderai.

Elles pénétrèrent dans l’avionique, trouvèrent et enlevèrent chaque verrou mis en place par le système de diagnostic. Celui-ci avait mis en panne la corvette après avoir découvert une avarie dans la coque ; quelque chose en avait modifié les composants atomiques. Seuls les navires militaires étaient préparés à ce genre d’erreurs.

Les générateurs grondèrent lentement alors que les accumulateurs commençaient à se charger. Adèle posa un baiser sur le front de la jeune fille, qui rougit instantanément.

À côté d’elle, le garçon mit plein gaz et tira sur le manche.

À très bientôt, Coralie.


J’ouvris les yeux ; Adèle souriait. Elle était toujours allongée, encore plus épuisé et en sueur.

— J’ai réussi.

Ses lèvres saignèrent tant elles étaient desséchées. Reste là. Je lui pris une bouteille d’eau de la réserve, l’aidai à se redresser et la fis boire.

— Je sais encore le faire, dit-elle entre deux gorgées.

Elle se fit moins présente.

— Merci, petite Shengzhi, murmura-t-elle avant de s’évanouir.

Je l’adossai à la paroi et partis rejoindre le cockpit. Je repris contrôle du Lady Ree et demandai au Lieutenant de fixer un point de passage dans la ceinture d’astéroïdes intérieure du système pour que nous nous y retrouvions. La corvette, elle, avait décroché très vite de l’attraction de la planète et ses boucliers furent des plus utiles pour baisser la température de sa coque.

J’ouvris un canal de communication avec le vaisseau et ralentis pour qu’ils me rattrapent et se mettent en formation avec moi.

— Cassandre à… vaisseau non identifié, vous me recevez ?

L’image d’une salle de pilotage apparut. Un garçon et une fille étaient assis sur les sièges de pilotage, quatre autres personnes se tenaient debout derrière eux. Ils avaient les visages mouillés de sueur et l’air effrayé.

— Ici le Capitaine du…

Le garçon s’arrêta de parler et regarda derrière lui. Il passa une main et se gratta le crâne.

— En fait, on n’a pas encore baptisé ce petit coucou, c’est son voyage inaugural.

On peut dire qu’il a été mouvementé, leur voyage inaugural.

— Mettez-vous en formation avec moi. Vous étiez dans la station de recherche ?

Je sentis un courant de tristesse émaner de chaque membre d’équipage. Quelque chose s’était passé et ils en savaient beaucoup. La jeune fille en chapeau blanc expliqua tranquillement :

— Nous étions en route pour la station quand un message de détresse est arrivé. Quelques instants plus tard, alors que nous étions en vue de la station, une vague a ébranlé le vaisseau et il s’est mis en panne. Nous avons vu la station et tout ce qui était autour disparaître en se distordant puis en se faisant happer vers le point Lagrange.

Le Capitaine continua :

— Nous avons dérivé à travers les astéroïdes, la coque a tenu bon, mais nous avons failli y passer dans l’atmosphère. C’était chaud.

Il avait dit ses derniers mots dans un élan humoristique, mais ça n’avait pas réussi à décrisper les visages de ses camarades. La jeune co-pilote, elle, restait impassible derrière le rideau de dentelle pendant des contours de son chapeau. Quelque chose d’autre s’était passé.

— Que veniez-vous faire dans une station de recherche avec un vaisseau non identifié ?

Je sentis la colère monter chez un membre de l’équipage. Cette colère était portée par un torrent de douleur. Quelque chose lui avait causé une peine immense mais je ne pouvais pas me centrer dessus, ni aller voir ; l’anneau d’arrimage avait cassé lors de ma tentative de remorquage.

— Je suis sûre qu’ils avaient de bonnes raisons, dit Adèle en arrivant derrière moi.

Elle avait délaissé son scaphandre.

— Et ils ont un enregistrement des événements.

Ils parurent étonnés. Le pilote étouffa un « comment ? ». Je regardai le radar : un petit objet suivait la corvette de près, certainement une sonde. Adèle a dû la remarquer lors de sa petite virée dans leur vaisseau. J’avais vu la vidéo qu’il émettait quand j’étais dans leur vaisseau, avait-elle finit par me dire par la pensée.

Arrivés à la ceinture d’astéroïdes intérieure, je contactai le vaisseau d’un ton dur et professionnel :

— Je vous envoie mes accréditations, Capitaine. Veuillez me transférer les données récoltées par le drone, et assurez-vous de n’en garder aucune partie. Strictement aucune !

Le Capitaine étouffa une complainte mais se résigna bien vite. J’orientai la communication vers le navire de Police, m’assurant que les gamins entendaient.

— Lieutenant Astakhova, attribuez un IFF diplomatique à nos rescapés. Aussi, ils ont besoin de trouver un nom à leur vaisseau ; laissez-leur le temps d’en choisir un. Une fois arrivés à Marénia, arrimez-vous à un complexe d’agrément ; un endroit où nous pourrons discuter tranquillement et expliquer à nos chers hôtes que l’affaire est du ressort des Aihara et qu’il leur est strictement interdit d’en parler.

Mes mots étaient un premier avertissement. Je dois vite en référer au Tianyuan, et leur expliquer ce que j’ai vu.

— Données reçues. Merci, les petits. Reposez-vous, vous en avez besoin. Envoyez-nous les coordonnées d’un coin tranquille où on peut siroter une bière sans attirer l’attention.

Nous aussi, nous avons besoin de repos.

— Cassandre.

Adèle m’avait appelée par mon prénom. Ça m’avait semblé étrange et au même temps réconfortant. J’enclenchai le pilote automatique pour qu’il nous mène vers le point de passe qu’ils avaient envoyé et coupai les communications. Je me levai de mon siège et m’assis à côté d’Adèle, sur le lit.

Qu’as-tu vu, Cassandre ? demanda-t-elle par la pensée.

Je la regardai, bée. Moi-même, je n’en étais pas très sûre. Elle m’avait sans doute sauvé la vie en m’extirpant de ce couloir où je m’étais retrouvé. Mais où étais-ce ? Et qu’était cette chose que j’ai… détruite ? Alors je ne répondis pas. Quelques secondes passèrent ; elle comprit que mes intentions n’étaient pas de lui cacher la réalité, et je sentis qu’elle respectait mon mutisme.

Elle rompit le silence :

— Tu vois, me dit-elle. Au moins, là, nous avons une piste.

Elle dessina un sourire en coin avant d'aller rejoindre la soute. Je m'allongeai sur le lit et entrepris de méditer. Mon voyage prenait un tournant et s'éloignait du trajet prévu.

Un pan entier de l'Espace avait disparu devant moi. Ça me rendait un tantinet curieuse de savoir ce qu'avaient vu les survivants. Et cette entité que j’ai détruite…

Si cela s'éternise, j'appellerais quelqu'un pour qu'il s'occupe de l'affaire. Et je pourrais continuer ma mission et aller chercher Aurore. Ou aller chercher Aras.

Mon Aras…
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