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Seules à la maison
11/07/2018
* * *
« Alors c’est bien compris ma puce, énonça encore Madame Hawkins d’une voix douce mais ferme, tu ne te couches pas plus tard que neuf heures et demie et tu seras très sage et très gentille avec Ashley, hein ?
– Oui Maman. » Répondit timidement l’enfant.
Annie lui tournait le dos mais Ashley n’avait aucun mal à imaginer que la petite était au bord des larmes. Ce devait être la première fois où elle parcourrait en famille le quartier pour Halloween, passant de maison en maison comme le voulait la tradition. Malheureusement, un déplacement imprévu de son père sur la côte Ouest et la garde que devait assurer sa mère cette nuit aux urgences de St John’s avaient contrarié ce souhait. Ne pouvant emmener sa fille avec elle, Madame Hawkins avait donc fait appel à Ashley. Cette dernière ne regrettait qu’à moitié de ne pas pouvoir faire la fête avec ses amis : elle avait besoin de l’argent proposé et une soirée où elle ne serait pas obligée d’assister au spectacle affligeant des plaisanteries débiles de Billy, c’était toujours bon à prendre, non ?
Et pour atténuer le dépit d’Annie, la jeune étudiante avait préparé une mini soirée d’Halloween dans les règles : non content de s’être grimée en sorcière, elle avait amené une surprise avec elle.
La voiture de Madame Hawkins avait à peine disparu au coin de la rue qu’Ashley fit rentrer Annie et l’emmena dans le jardin derrière la maison. Là elle s’appuya sur son balai de sorcière et toisa de son regard la petite.
« Friandises ou tour de magie, jeune fille ? Questionna-t-elle.
– Des friandises ! » Lui répondit-on aussitôt.
Et Ashley d’ouvrir sa besace, révélant suffisamment de bonbons pour faire sauter de joie la petite.
* * *
La nuit venait de tomber et Ashley avait décrété le couvre-feu. C’était trop tôt aux dires d’Annie mais elles s’étaient tout de même bien amusé toutes les deux et l’enfant tombait visiblement de sommeil.
De retour dans le salon, l’étudiante se mit à zapper sur la TV des Hawkins, espérant trouver un programme intéressant. Malheureusement pour elle, la soirée d’Halloween poussait les chaînes à effectuer un concours de celle qui rediffuserait le film le plus connu. Pas question de revoir une énième classe de lycéens se faire massacrer par le premier tueur masqué venu, se dit-elle. Dépitée, elle éteignit le poste. Elle voulut consulter ses messages mais son smartphone était en train de charger dans le couloir.
Alors qu’Ashley pesait le pour et le contre entre chercher de quoi lire ou réviser ses cours, un bruit venant de l’extérieur la fit se lever.
Elle sursauta car un zombie se cognait contre la baie vitrée. Surmontant sa surprise initiale elle s’approcha pour l’examiner. Un excellent maquillage, estima-t-elle en jugeant l’apparence de décomposition générale, les yeux vitreux, la démarche raide… Pendant qu’elle se demandait s’il lui restait encore assez de bonbons après la razzia effectuée par Annie, un autre zombie fit irruption au-dehors. Puis un troisième. Et un quatrième.
D’abord impressionnée par le jeu d’« acteur » et les déguisements de ces gens, elle sentit petit à petit une boule se former au creux de son estomac quand elle remarqua le bras à moitié arraché du troisième et ce sang à moitié coagulé tout autour de diverses plaies qui… Qui suintait ?
« Écoutez, vos déguisements sont très bien mais ce n’est pas un épisode de Walking Dead ici. Alors, si vous ne voulez pas de bonbons, voulez-vous passer à la maison suivante, s’il vous plaît ? »
Pas de réponse. Et les quatre zombies continuaient de vouloir traverser la baie vitrée rien qu’en s’y cognant. Bam. Bam. Un zombie poussa un râle. Bam. Un autre râle. Ashley ne savait plus quoi dire ou faire et serra machinalement les poings pour éviter à ses mains de trembler. Les râles se firent beaucoup plus distincts. Le sang de la jeune femme se glaça alors : la porte de derrière ! Elle n’avait fait que la repousser quand elles étaient rentrées du jardin !
Elle bondit, espérant empêcher l’inévitable mais c’était déjà trop tard : deux morts vivants avaient fait irruption dans la maison. Ils barraient l’accès à la cuisine et, surtout, au téléphone fixe et à son portable qui se rechargeait tranquillement au milieu du couloir.
« Bon, cette plaisanterie a assez duré comme ça ! Allez-vous-en immédiatement ! Allez ! »
Les seules réponses qu’elle obtenu furent d’autres râles, accompagnés des chocs des autres zombies contre la baie vitrée.
Il lui fallait quelque chose pour se défendre… Mais les couteaux étaient dans la cuisine et… Une forme familière appuyée contre le mur attira son attention : son balai de sorcière ! Vite, elle l’attrapa et s’en servit comme d’une lance pour repousser le zombie de tête.
Elle avait mal calculé son coup et le toucha dans le creux du bras gauche. L’avant bras se détacha sous le choc et tomba au sol dans un bruit mat. Le zombie continua d’avancer de son pas raide, ignorant le sang noir qui dégouttait sur le sol.
Cette fois Ashley paniqua pour de bon. Un cri strident retentit à ce moment là. Le bruit avait réveillé Annie qui était venu voir ce qui se passait du haut de l’escalier. Et elle était plantée là-haut, terrorisée.
« Retourne dans ta chambre, Annie ! » Ordonna Ashley. La petite fila sans demander son reste et l’étudiante la suivit précipitamment, manquant de se prendre les pieds dans les plis de sa robe et perdant son chapeau pointu au passage.
À l’étage, elle chercha des yeux une arme plus solide que ce ridicule manche à balai ou de quoi constituer un obstacle. Mais les rares meubles étaient trop lourds pour qu’elle arrive à les déplacer seule. De plus, les chambres n’étaient pas un endroit propice au stockage d’armes, encore plus avec un enfant curieux à la maison.
Désespérée, Ashley courut jusqu’à la chambre d’Annie et claqua la porte. Elle poussa le coffre à jouets contre mais ne se fit guère d’illusions sur la durée de vie de sa barricade improvisée. Elle ordonna à Annie de se cacher dans le placard mural et de ne pas faire de bruit quoiqu’il arrive. Une fois la fille cachée, Ashley agrippa fermement le manche de son balai, bien décidée à tenter un homerun avec la tête du premier zombie qui pointerait le bout de son nez.
Les râles se firent de plus en plus forts et, au bout d’une attente qu’elle crut interminable, on se mit à cogner sur la porte. Puis, quelque chose qu’on n’aurait jamais cru possible se produisit : la poignée tourna et le poids combiné des créatures n’eut aucun mal à déplacer le coffre à jouets. Quand son sinistre frottement contre la moquette s’interrompit, Ashley se rua en avant, prête à tout.
« Non Ash, c’est moi ! Billy ! » Cria une voix devant-elle.
Stupéfaite, elle s’arrêta dans son élan et dévisagea le zombie qui lui adressait la parole. Son maquillage le rendait méconnaissable mais c’était bien la voix de Billy. Les autres derrière faisaient de gros efforts pour ne pas éclater de rire. Ashley écoutait à peine, médusée, tandis que Billy lui expliquait l’origine des maquillages, le truc du faux bras arraché, leur envie de lui faire une bonne blague…
Recroquevillée dans le placard, Annie ne comprenait pas vraiment ce qui se passait quand retentit le bruit de la gifle la plus cinglante qu’elle ait jamais entendue.