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 [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]

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Hiivsha
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Notsil
Candy
Notsil


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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeVen 19 Juil - 23:31

Bon j'avais lu y'a quelques jours mais sans laisser de petit com faute de temps ^^

Très mignon l'intégration des loups et le flash-back... reste à voir où tout ça va nous amener :)

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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeSam 20 Juil - 11:07

Lu aussi.

Je trouvais too much que les loups viennent protéger Isil, comme ça, sans raison. Heureusement, le flash-back vient à point pour donner de la crédibilité à cet événement. Wink 

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Si le retard était une religion, j'en serais le pape...
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Hiivsha

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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeMar 23 Juil - 21:49

C'est avec une journée de retard que je poste la suite de mon histoire. Wink

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9 - La meute

Les semaines passèrent et Isil reprit des forces sous l’œil vigilant de Louve et de son compagnon qui la suivaient presque partout. On put ainsi voir dans la montagne, ce curieux équipage d’une jeune fille et d’un couple de loups, passant d’une cime sur une autre, traversant les vastes forêts ou les étendues herbeuses des alpages, à la recherche de gibier ou simplement pour le plaisir de gambader dans les espaces solitaires et sauvages des monts du pays des Quatre Vallées.

Isil n’était plus jamais redescendue dans le bas pays et ses villages en ruines, et tout laissait à penser qu’elle avait occulté dans ses pensées l’existence même des lieux du drame de l’année passée.

Son habileté à l’arc faisait la joie de Louve et rendait perplexe son mâle, car il n’avait presque plus l’occasion d’haleter derrière un animal pour l’attraper et le tuer sachant que d’une seule flèche, la jeune fille pouvait le faire à une distance impressionnante pour quelqu’un de son gabarit, et avec une précision diabolique. Alors, de temps en temps, il s’octroyait une promenade en solitaire pour traquer une proie, laissant les deux femelles jouer ensemble à se rouler dans l’herbe fleurie des prairies ou à se cacher dans les bois et les ravins.

Isil s’était fabriquée des habits de peaux qu’elle avait préparées puis tannées à l’aide d’extraits d’écorce de chêne et assouplies afin de pouvoir les coudre ensemble grâce à de fines lianes de cuir. Ses nouveaux vêtements s’étaient révélés plus solides que les tuniques entassées par Elamir quelques mois plus tôt et lui donnait définitivement l’aspect d’une sauvageonne.

La meute de loups était installée plus haut dans la forêt et pour les remercier, elle leur portait souvent de gros quartier de bonne viande fraîchement dépecée, mais ne pouvait pas approcher à plus d’une certaine distance de la grotte qui semblait leur servir de quartier général et devant laquelle on apercevait de loin une grande pierre oblongue, dressée vers le ciel à l’instar d’un menhir. En effet, certains loups paraissaient avoir plus de mal que d’autres à l’accepter et se méfiaient de cette intruse, malgré son évidente complicité avec deux des leurs. Dès qu’elle approchait de trop près, il y en avait toujours quatre ou cinq pour montrer des dents en grognant et elle n’avait jamais insisté, pour éviter de mettre ses deux compagnons dans l’embarras de devoir choisir un camp.

Un soir vers la fin du printemps, alors qu’elle contemplait, allongée sur une roche, les innombrables étoiles briller dans un ciel étrangement pur, Louve vint à elle en jappant de la façon qui convient à un loup lorsqu’il veut dire quelque chose dans son langage. La lune était pleine et illuminait la contrée de cette lumière si particulière, qui renforce les ombres et projette une lueur blafarde sur les objets. Un loup hurla au loin.
« Tu veux me dire quelque chose mais je ne comprends pas, c’est ça ? demanda la jeune fille à la femelle qui sautillait tout autour d’elle, tout en se mettant assise. »

Louve continua son manège et vint la tirer par le bas de sa tunique de peau.
« Eh, arrête, tu vas tout déchirer comme ça… c’est pas vraiment solide et ça n’est pas encore à l’épreuve des loups ! »

Isil riait en repoussant l’animal qui revenait joyeusement à la charge.
« Mais enfin, arrête je te dis, tu vas finir par me déshabiller ! Bon, bon, ça va, je te suis… Qu’est-ce qu’il y a donc de si important que tu veux me montrer ? »

Louve s’éloigna, s’arrêta, constata que la jeune fille ne venait pas assez vite pour elle et revint en arrière pour la tirer, la pousser, tournant toujours autour d’elle.
« Oui, oui, je te suis… doucement ! »

Elle grimpa la forêt à sa suite, prenant le chemin qui menait à la meute. Dans la pénombre des hauts arbres elle distingua un grand nombre de silhouettes qui se détachaient dans la nuit et formaient un cercle devant la grotte, autour de la pierre dressée. Ils devaient bien être une trentaine et curieusement ils paraissaient attendre un événement.
« Eh bien, dit Isil, quel est donc ce rassemblement ? Pourquoi m’amènes-tu ici ? »

Pour toute réponse Louve aboya. Elles étaient arrivées au bord du cercle que formaient les loups quand deux grands mâles vinrent se poster devant la jeune fille en grondant. Celle-ci s’arrêta et leva ses mains, ne comprenant pas leur attitude.
« Holà, du calme ! Moi je ne demande rien, hein ? Si vous ne voulez pas de moi, c’est pas grave, je repars dans mon coin ! »

Louve la tirait toujours par les peaux dont elle était vêtue.
« Mais enfin, arrête… tu vas me faire tomber… tu veux quoi ? »

Elle regarda les deux loups puis la louve qui s’agitait toujours autour d’elle et parut soudainement comprendre ce qu’on attendait d’elle. Elle s’accroupit alors et se mit à quatre pattes. Les loups cessèrent de grogner et s’écartèrent. Louve se frotta à elle et fit quelque pas en avant, se retournant comme pour inviter Isil à la suivre. Visiblement, pensa la jeune fille, ils voulaient qu’elle soit à leur hauteur ! Debout elle les dominait ; à genoux, les plus grands la dominaient à elle.

Elle avança ainsi, au milieu de la meute toujours rassemblée en cercle, accompagnée par-ci par-là de petits jappements bavards, et suivant Louve qui s’arrêta à quelques mètres de la pierre dressée. On entendit alors une sorte de grondement sourd en provenance de la grotte lorsqu’un grand animal gris fauve en sortit pour s’avancer vers les deux femelles. Il paraissait immense, mesurait bien un mètre au garrot et ne devait pas être loin du quintal. Un vrai monstre ! Isil frissonna. La meute se tut. Le loup s’approcha de Louve et commença avec elle un bien étrange ballet. Il la poussa de la tête, elle s’écarta puis elle fit de même, et ainsi de suite, comme si chacun des deux voulait renverser l’autre. De temps en temps, Louve poussait un léger jappement et revenait à la charge jusqu’à ce que le mâle se dresse et parvienne à la renverser sur l’herbe. Il la saisit alors à la gorge et l’immobilisa sur le dos, les pattes en l’air, toute haletante de cet espèce de combat qui tenait plus d’une danse que d’un affrontement réel.

Il la maintint comme ça quelques instants puis la lâcha et, levant la tête, il poussant un très long hurlement qui se répercuta mélodieusement dans toute la vallée.

Louve s’était maintenant couchée sur le flanc, la queue battant l’air de la nuit et le grand mâle faisait face à la jeune fille toujours à quatre pattes, légèrement inquiète de la suite. Il s’avança et la flaira en décrivant un cercle tout autour d’elle. Puis subitement il la poussa du museau, manquant de la faire rouler sur le côté.
« Hey ! Qu’est-ce qui te prend ? l’interpella Isil »

Il se mit à gronder et elle sentit que l’heure n’était pas aux paroles. De nouveau il la bouscula un peu plus fort. Isil résista et le repoussa du plat de la main. Il décrivit un demi cercle et recommença plus vigoureusement. Elle sentit toute sa masse contre elle et roula à terre, le visage dans l’herbe. Elle se remit en position et lui fit face en crachant les brindilles qu’elle avait dans la bouche, attendant le prochain assaut.

Le manège durant de longues minutes. Isil le repoussait, il revenait à la charge. Le jeu semblait plaire au loup mais un peu moins à la jeune fille qui soufflait, fatiguée par sa position inconfortable et lassée d’être percutée par cette montagne de muscles qui lui endolorissait les flancs, les cuisses et les bras. Enfin, le loup se posta devant elle et se dressa pour lui passer ses pattes avant sur les épaules. Elle le saisit autour du corps, luttant quelques instants avant de se laisser renverser sur le dos. L’animal s’allongea de tout son poids sur elle, pattes sur les épaules et lui saisit la gorge dans sa gueule. En signe de soumission Isil, le cœur battant, étendit les bras en croix et ne bougea plus, respirant avec peine sous le poids du mâle. Elle sentait les crocs puissants contre son cou et son souffle tiède contre sa joue. S’il l’avait voulu, il l’aurait égorgée d’un seul geste et les secondes qui suivirent mirent à dure épreuve les nerfs de la jeune fille.

Comme il l’avait fait juste auparavant, le chef de meute resta ainsi un long moment pour bien manifester à tous sa domination et, tandis que la meute rompait le cercle pour s’approcher d’eux, il redressa la tête et poussa un long hurlement similaire au premier. Tous les loups l’imitèrent et offrirent à la forêt un concert mélodieux impressionnant.

Le mâle se releva enfin et Isil put respirer de nouveau.
« Ouf, dit-elle, ce que t’es lourd toi ! »

Elle tendit la main vers lui. L’animal se laissa caresser la tête.
« Bon, ben, t’es content de m’avoir vaincue ? Je suppose que ça veut dire que je suis acceptée par la meute ? Sympa ça… plein de nouveaux amis… Isil la Louve des Quatre Vallées ! ajouta-t-elle avant d’imiter leur hurlement. »

Les loups aboyèrent et glapirent sans qu’elle puisse définir s’ils se moquaient d’elle ou au contraire l’acclamaient. Pour finir, le chef de meute se retira dans la grotte suivi de quelques mâles.

Cette nuit-là, la jeune fille la passa au sein de la meute, jouant avec les plus jeunes jusqu’à ce qu’au petit matin, elle s’endorme épuisée de fatigue au milieu d’eux.

……………………………………………….
Suite à ce qu’Isil avait considéré à juste titre comme son intégration à la meute, elle put librement se déplacer sans restriction en son sein, debout, sans que plus aucun loup ne grogne à son approche. Ses nombreuses visites étant toujours accompagnées d’un grand quartier de viande à déguster, ils finirent par lui faire la fête à chaque occasion.

Les mois passèrent ainsi. Comme un écureuil, elle anticipa la saison froide en accumulant des réserves de bois à brûler dans sa grotte, des fruits secs et des racines de toutes sortes sous le regard interrogateur de son amie à quatre pattes. Le temps venait à elle sans qu’elle y pense, et toutes les choses du passé semblaient avoir quitté son esprit. Souvent on l’entendait jouer de la flûte au bord d’un torrent ou au milieu d’un champ bordant la grande forêt, toujours entourée de loups, principalement de jeunes adultes qui subissaient manifestement son charme.

Un après-midi de septembre, alors qu’elle descendait une ravine pour suivre la piste d’un daim, l’arc à la main, elle entendit des bruits de sabots qui résonnaient dans le silence et se tapit contre de petits rochers. Discrètement pour ne pas être vue elle releva la tête et aperçut une dizaine de cavaliers armés de boucliers, d’épées à une ou deux mains et de lourdes haches. Elle fut frappée de constater qu’ils portaient tous de longs cheveux roux et une grande barbe de la même couleur. De quel clan étaient-ils ? Elle n’en savait rien, mais on lui avait déjà parlé de ces groupes de pillards qui sillonnaient les routes, cherchant quelques rapines faciles dans les fermes isolées. Généralement, après avoir tué les fermiers et violé les femmes, ils prenaient tout ce qui avait de la valeur et mettaient le feu aux habitations et aux granges.

Les guerriers s’arrêtèrent dans la clairière sur laquelle débouchait la ravine et mirent pied à terre. Des yeux, la jeune fille chercha une cachette qui la dissimulerait mieux que ces rochers au regard des pillards. Il n’y en avait point, sauf à remonter toute la pente raide de l’éboulis. Le cœur battant elle s’aplatit de son mieux en priant pour que la troupe reparte au plus vite. Las, il semblait bien que les hommes avaient choisi cet endroit pour faire une halte prolongée, car ils désanglèrent leurs montures en posant leurs effets sur le sol. Quelques-uns s’éparpillèrent, peut-être pour chercher du bois à brûler, ce qui laissait à supposer que la halte envisagée pourrait bien durer toute la nuit. Elle en perdit une partie de vue, tandis que les autres s’allongeaient à même le sol, fourbus et harassés par leur voyage. Ils parlaient une langue qu’Isil ne connaissait pas.

La jeune fille compta les flèches de son carquois : il n’y en avait que sept et à supposer qu’elle ne rate aucun de ses tirs, cela ne suffirait pas pour les tuer tous. Devait-elle profiter de leur division pour engager le combat ? Il était impensable qu’elle puisse les surprendre les uns après les autres. Un arc est une arme silencieuse, mais le bruit caractéristique d’une flèche sifflant dans l’air et s’enfonçant dans la chair était audible à plusieurs mètres. Au mieux, profitant de leur hésitation elle pouvait, avec sa rapidité coutumière, en abattre trois ou quatre.

Elle ne savait que trop ce qui l’attendait si elle se faisait prendre. Ils n’auraient aucune pitié pour elle et lui feraient endurer d’atroces souffrances avant de la tuer. Elle hésita et décida de remonter silencieusement la ravine.

Avec des gestes soigneusement étudiés, elle commença à se déplacer au milieu de l’éboulis, prenant bien garde de ne déplacer aucune pierre qui pourrait trahir sa présence. Ce faisant, elle tournait le dos aux hommes et avait donc bien du mal à anticiper toute surprise de ce côté-là. Se retournant fréquemment, elle continuait son escalade lorsqu’elle sentit tout en haut de la ravine un mouvement qui la fit se figer. Levant les yeux, elle aperçut un jeune loup de la meute qui l’avait repérée et jappait en sa direction en agitant joyeusement sa queue.

La jeune fille lui fit signe de partir en parlant tout bas.
« Psst ! Va-t-en, file ! Tu vas me faire repérer ! »

L’animal la regarda et aboya de nouveau. Elle regarda vers la clairière. L’un des hommes s’était levé et se dirigeait l’air curieux vers le bas de l’éboulis. Isil s’enfonça le plus possible dans l’ombre et se mit sur le dos en cala ses pieds sur un rocher et engagea une flèche. Le pillard s’était arrêté tout en bas et scrutait la ravine en protégeant ses yeux de l’éclat du soleil à l’aide de ses mains. La jeune fille banda son arc lentement. Soudain l’homme se mit à crier quelque chose en pointant son doigt dans sa direction.
« Et merde ! pensa l’archère en soupirant. »

Elle lâcha la flèche qui siffla et s’enfonça dans le corps de l’inconnu avec un bruit mat. L’homme ne s’était pas encore effondré qu’elle engageait déjà une autre flèche. Des pillards arrivèrent en courant vers l’éboulis. Elle tira de nouveau avec bonheur. Les autres se plaquèrent contre les rochers en s’interpellant. Isil regarda vers le haut et recommença l’escalade rapidement. Profitant de ce qu’elle leur tournait le dos, quatre guerriers se lancèrent à sa poursuite. Jugeant qu’elle n’arriverait pas au sommet de la ravine assez promptement, elle se retourna de nouveau, banda son arc et abattit celui qui était le plus près d’elle. Une petite hache s’écrasa à quelques centimètres d’elle en rebondissant sur les pierres. Elle tira une nouvelle fois mais l’homme se plaqua au dernier moment dans un repli de la roche et la flèche le manqua. Les agresseurs firent plusieurs bonds en avant. Elle lâcha encore une flèche qui atteignit son but. Ils hésitèrent. Elle en profita pour reprendre sa remontée le cœur battant à tout rompre.

Isil était presque en haut quand elle sentit que ses poursuivants étaient vraiment tout prêt d’elle. Pivotant, debout sur une roche elle tira et pensa :
« Plus qu’un ! »

Elle engagea sa dernière flèche et banda son arc de toutes ses forces. L’homme qui la poursuivait s’était arrêté et rebroussait chemin à toutes jambes. La partie semblait gagnée. C’est en se retournant pour achever son ascension qu’elle reçut un violent coup de pied au visage. Sur le moment, elle crut que sa mâchoire explosait. Puis elle sentit une poigne puissante la saisir par les cheveux et la hisser jusqu’en haut de l’éboulis, en lui arrachant des larmes de douleur. Elle tomba au sol et sentit qu’on lui arrachait son arc des mains. Elle saisit alors sa dague mais reçut un grand coup de pied dans les côtes, qui lui coupa la respiration. Un autre coup de pied projeta sa dague au loin. Cherchant douloureusement de l’air pour emplir ses poumons, elle se redressa légèrement et aperçut quatre hommes, certainement ceux qui étaient partis ramasser du bois. Ils l’avaient prise à revers lorsque la bataille s’était engagée. L’un deux la frappa de nouveau au visage d’un revers de main. Du sang coula de son nez tandis qu’un voile rouge obscurcissait sa vision. Comme elle tentait de se relever, elle reçut un autre coup de poing dans l’abdomen qui la priva d’oxygène et tomba sur ses genoux. Un des pillards attrapa les longs cheveux en brandissant un couteau dans l’autre main et tira brutalement sa tête en arrière pour lui dégager la gorge en lui disant quelque chose. Les trois autres se mirent à rire en la regardant. Elle se sentit perdue.

Ce fut à ce moment-là que la meute attaqua. Ils surgirent des sous-bois aussi silencieusement que la mort noire et se ruèrent sur les quatre hommes avec des rugissements de fauves. L’attaque fut si soudaine et si bien coordonnée qu’ils n’eurent pas le temps de se préparer. Le combat fut violent et bref. Ils roulèrent sur le sol en agitant en vain leurs armes, frappant l’air à l’aveuglette. Isil avait roulé sur le sol avec celui qui l’avait attrapée par les cheveux, profitant de sa surprise pour lui saisir le poignet qui tenait le couteau, et engageant avec lui un corps à corps inégal. La jeune fille parvint à lui faire lâcher son arme, mais l’homme, bien plus puissant, la saisit à la gorge de ses deux mains et commença à l’étrangler sans qu’elle puisse parvenir à lui faire relâcher son étreinte. En râlant, elle tendit le bras pour tenter désespérément d’attraper à son tour le couteau, mais l’homme qui avait vu le danger l’en empêchait. Louve vint alors à son secours et sauta sur le bras du pillard, pendant qu’Isil suffoquant se saisissait enfin de la lame et roulait sur elle-même pour se libérer de l’étreinte de son ennemi. Le guerrier se retourna vers l’animal qu’il frappa sur le museau pour parvenir à desserrer son emprise. Louve lâcha prise. Il se releva et dégaina son épée pour la frapper. Mais Isil se jeta sur lui par derrière avant que l’épée ne s’abaisse, le couteau en main en le renversant. Il tombèrent tous les deux sur le dos, lui sur elle, et la lame qu’elle tenait s’enfonça jusqu’à la garde dans les côtes de l’homme.

L’attaque était finie. On entendit hennir un cheval. C’était le dernier pillard, celui qui avait fait demi-tour dans la ravine, qui prenait la fuite. Isil repoussa le cadavre de l’homme pour se redresser en se tenant la gorge avant de se précipiter soudain sur son arc en ramassant sa dernière flèche. Puis elle courut comme une gazelle sur le plateau rocheux qui dominait la clairière et le chemin, jusqu’à ce qu’elle aperçut l’homme et la monture. Bandant son arc au maximum elle visa soigneusement, arrêtant sa respiration.
« Mitra, pria-t-elle en son for intérieur. »

La flèche partit en sifflant dans une longue courbe gracieuse et se ficha dans le dos du cavalier qui tomba, blessé, bientôt rejoint par plusieurs loups qui achevèrent le travail.

Le silence retomba sur la forêt.

Le visage tuméfié, Isil revint vers la meute et s’agenouilla parmi eux en prodiguant force caresses en guise de remerciements.
« Merci… merci infiniment, mes amis… vous m’avez encore sauvé la vie ! »

Un peu plus haut sur une roche, le grand loup gris la regarda comme pour lui dire :
« Tu es une louve de ma meute et celle-ci veille sur chacun de ses membres. Quand on s’attaque à un loup, c’est à la meute toute entière qu’on s’attaque. »

Puis il battit le rappel de ses troupes en poussant son puissant hurlement.


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Dernière édition par Hiivsha le Dim 4 Aoû - 23:25, édité 2 fois
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Hiivsha

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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 29 Juil - 19:28

Ce sont les vacances... mais je persévère quand même avec cette suite ! Wink

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10 - La chute

Le principal souci d’Isil était que les dix pillards ne soient que l’avant-garde d’une plus grande troupe. Pour cette raison, elle avait soigneusement caché les corps à un endroit difficile d’accès afin qu’on ne les retrouva pas puis elle avait libéré les chevaux de leur harnachement avant de les laisser partir à l’aventure.

Mais l’automne passa et plus rien de fâcheux n’advint.

L’hiver fut doux et plaisant malgré les quelques neiges qui tombèrent et habillèrent la forêt d’un manteau d’hermine feutré et silencieux. Isil passait son temps entre sa grotte et celle de la meute lorsque le froid se faisait trop intense. Blottie au milieu des loups, baignée de leur chaleur animale, elle ne pouvait avoir froid et, en échange, elle les ravitailla en chassant régulièrement pour eux.

Le dégel vint gonfler les torrents qui dévalaient des montagnes, raviver les couleurs des prairies de fleurs multicolores et se réveiller la faune. Ce fut avec le printemps que le corps du jeune loup fut découvert.

Lorsque Isil vit arriver Louve toute haletante, elle comprit de suite à ses gesticulations, qu’une chose grave était arrivée et qu’elle voulait qu’on l’accompagne quelque part. La jeune fille ajusta sa dague, saisit arc et carquois puis sortit de sa grotte en la suivant. Son compagnon accourut derrière elles.

Louve traversa une partie de la forêt vers l’ouest puis sauta de rochers en rochers jusqu’à un grand torrent qui se déversait depuis les plus hautes montagnes du nord-ouest. Un peu plus loin elle distingua quelques loups rassemblés autour d’une masse sombre. Elle accourut et put apercevoir le pelage presque noir d’un jeune loup adulte étendu raide mort dans l’herbe rase. Les animaux s’écartèrent à son arrivée et, s’accroupissant auprès du cadavre, elle put constater que son cou avait été désarticulé par une force à l’évidence surhumaine et que son pelage était ensanglanté, lacéré d’entailles aussi profondes que celles d’une lame, mais parallèles entre elles.
« Plutôt des griffes qu’une lame, pensa tout haut la jeune fille qui s’était relevée. »

Elle regarda vers les hauteurs, entre les grands arbres mais n’aperçut rien d’anormal. Les traces laissées dans la terre humide évoquaient celles d’un grand animal, sans doute un ours et, si on en croyait la taille des empreintes, un ours de fort grande taille. Pour avoir laissé là sa victime sans la dévorer, on pouvait également penser à un prédateur capable de tuer pour le plaisir.

Quelques jours plus tard, la même scène se reproduisit et Isil découvrit un nouveau carnage de trois jeunes adultes un peu plus vers les hauteurs de l’ouest, celles qui dominent l’Aquilonie supérieure. C’était assez incroyable de penser qu’une bête sauvage ait pu venir à bout de trois loups en pleine forme, jeunes et rapides, sans laisser elle-même quelques traces de sang. Isil se prit à douter qu’il pouvait s’agir d’un ours.

La meute parut inquiète. Les animaux se déplaçaient moins et plutôt en groupes constitués et encadrés par des grands loups, ceux qui paraissaient servir de garde rapprochée au chef de meute.

Les semaines s’écoulèrent puis un matin, un nouveau drame fut découvert. Malgré les précautions prises, deux louves avaient été égorgées dans la forêt avec plusieurs louveteaux. C’était un spectacle horrible. Il n’y avait pas de sens à ce massacre et l’envie de se nourrir n’était pas en cause. Le prédateur semblait mener une guerre contre la meute, comme s’il avait établi un territoire à défendre, dans lequel pénétraient les loups lorsqu’ils s’approchaient de l’ouest du pays.

Evidemment, Isil ne pouvant pas communiquer avec ces derniers, il lui était impossible de mettre au point un plan avec eux.

Un jour, une partie de la meute partit en chasse sans qu’Isil en soit informée. Elle l’avait découvert en montant les voir dans leur tanière, en constatant l’absence des mâles les plus forts et de quelques grandes louves. Elle en fut attristée mais caressa l’espoir que l’expédition servirait à débusquer et tuer la « bête ».

Ce ne fut pas le cas. Quelques jours plus tard, les loups revinrent, la queue et les oreilles basses, certains boitant, beaucoup manquant. L’expédition avait, semblait-il, tournée à la déroute. Ils avaient visiblement trouvé plus rusé et plus fort qu’eux tous réunis.

Les choses ne pouvaient en rester là, et un matin, Isil décida que c’était à son tour d’essayer de dénouer la situation. S’il y avait un monstre à affronter, c’était à ses flèches qu’il fallait faire appel. Elle s’équipa donc en conséquence, prit sa dague et son épée, puis arc en main, elle partit vers l’ouest flanquée de Louve et de son compagnon qui lui filèrent tout naturellement le train. Elle marcha toute la journée, gravissant les pentes ardues et les forêts de l’ouest du pays sans rien trouver. Toujours entourée de ses deux amis, elle bivouaqua au bord d’un torrent et reprit son périple dès l’aube. Elle était pratiquement arrivée à l’extrémité ouest du pays des Quatre Vallées qui se terminait par d’impressionnantes falaises surplombant l’Aquilonie supérieure.

Le soleil était à son zénith quand ils trouvèrent les restes de l’expédition de la meute dans une vaste clairière rocailleuse. Une demi-douzaine de cadavres gisaient étendus çà et là, déjà mis à mal par quelques rapaces et autres carnassiers de la forêt. Isil observa les alentours silencieusement tandis que Louve et son compagnon s’éloignaient à la recherche d’une piste.

Quelques traces la conduisirent sur un aplat rocheux qui surplombait une gorge profonde au fond de laquelle coulait paisiblement une rivière d’un vert émeraude qui arrivait des montagnes du nord. Un peu plus au sud, le versant opposé de la gorge s’abaissait rapidement pour déboucher sur une immense plaine aquilonienne, boisée et vallonnée, qui s’étendait à perte de vue vers le sud-ouest. La rivière longeait le pied des hautes falaises des Quatre Vallées et devenait au loin, vers le sud, un peu plus tumultueuse.

Isil se délecta longuement de ce panorama grandiose qui lui offrait une vue magnifique sur l’Aquilonie, pays qu’elle ne connaissait pas mais qui lui parut bien accueillant avec ses verts paysages. Elle commençait à se demander si elle ne devrait pas quitter les Quatre Vallées pour rejoindre une vraie civilisation, tout en ne se sentant pas encore prête à franchir le pas. Elle n’avait jamais vécue qu’entre les puissantes montagnes qui protégeaient son pays et s’aventurer ainsi, dans des territoires inconnus, au milieu d’une population dont elle ne savait que très peu de choses, l’effrayait. Ses rares informations sur l’Aquilonie ou la Cimmérie, c’était grâce aux marchants et autres colporteurs de passage qu’elle les avait obtenues.

Toute perdue dans ses pensées, elle ne vit pas l’ombre gigantesque qui arrivait derrière elle, entre les grands arbres à une centaine de mètres. C’était un ours énorme, tel qu’elle n’en avait jamais vu dans le pays. Il devait avoisiner dressé sur ses pattes arrière, les trois mètres de haut et peser pas loin d’une tonne, et son pelage brun avait d’étranges reflets flamboyants. Il était immobile, la regardant fixement de ses petits yeux noirs, comme s’il cherchait à identifier sa proie pour évaluer le danger qu’elle représentait. La jeune fille avait fini par sentir sa présence et s’était retournée lentement, restant à son tour sans bouger, comme pétrifiée par une vision d’horreur. Très lentement, elle prit son arc dans la main gauche  et se saisit d’une flèche dont elle plaça l’empennage sur la corde. Comme l’animal ne réagissait pas, elle leva l’arc vers lui et prit la visée tout en bandant son arme au maximum de ses forces.

La suite se passa très vite. L’ours chargea et la flèche partit à sa rencontre s’enfonçant à la base du cou avec un bruit sourd. L’animal ne ralentit même pas sa course. Soudain, un loup surgit devant lui, les babines retroussées, les crocs menaçant en grognant et en aboyant furieusement. C’était le compagnon de Louve qui venait de s’interposer. Le plantigrade stoppa sa course tandis qu’Isil, gênée par la présence du loup, essayait de prendre une visée sûre afin de ne pas risquer le toucher. Le monstre se dressa devant l’ennemi qui parut soudain minuscule devant lui, et poussa un fort rugissement. Le loup s’aplatit pour se préparer au combat et Isil décocha sa flèche qui frappa l’ours en pleine poitrine. Le compagnon de Louve lui sauta à la gorge mais dans les secondes qui suivirent, il fut projeté avec une force incroyable contre un gros tronc avec une telle violence qu’il demeura à terre en gémissant, à moitié assommé. L’ours poussa de nouveau un long rugissement de fureur et se remit à charger comme si de rien n’était. Isil tira une troisième fois et le frappa de nouveau en haut de la poitrine sans le ralentir. Il n’était plus qu’à quelques mètres d’elle lorsque Louve surgissant à son tour des bois, se propulsa sur son dos pour lui enfoncer ses crocs dans le cou. Isil tira encore sans parvenir à stopper l’énorme masse qui lui fondait dessus. Elle jeta son arc et sortit son épée du fourreau tandis que le fauve se dressait de nouveau sur ses pattes arrière en secouant violemment son corps pour tenter de se débarrasser de la louve. Il effectua un bond en avant et Isil recula en frappant d’estoc. La longue lame pénétra le poitrail de l’animal jusqu’à la garde mais cela ne l’arrêta pas pour autant et, emporté par son élan, il heurta Isil tout en basculant dans le vide avec elle ainsi que la louve qui se trouvait toujours agrippée sur son dos. Dans un réflexe instinctif, Isil s’accrocha à la fourrure de l’animal de toutes ses forces tandis qu’elle se sentait tomber.

Tout d’abord elle vit le ciel au-dessus de sa tête cependant que son estomac remontait en elle. Puis l’ours se tordit convulsivement et la jeune fille se retrouva au-dessus pour voir arriver le fond de la gorge à toute vitesse. La chute lui parut durer une éternité. Enfin, dans une immense gerbe d’eau, tous trois plongèrent dans la rivière. Le choc fut terrible mais Isil, protégée par la masse de l’ours qui se tenait entre elle et la surface, fut engloutie sans ressentir de trop le choc qui aurait pu lui être mortel vu la hauteur depuis laquelle ils étaient tombés.

Elle lâcha prise en s’enfonçant de plusieurs mètres dans l’eau sombre et se débattit vigoureusement pour revenir à la surface avant que ses poumons n’explosent. La tête hors de l’eau, Isil regarda autour d’elle, levant les yeux vers les hautes falaises lisses qui l’encadraient. Il n’y avait aucune solution pour sortir de la rivière à cet endroit-là et elle se mit à nager, portée par le courant, en frissonnant car l’eau qui descendait des montagnes était encore très froide. Un peu plus loin elle distingua la tête de Louve qui s’efforçait comme elle de nager pour rester à la surface. Rassurée de la savoir vivante, elle força pour tenter de se rapprocher d’elle alors que le courant commençait à s’accélérer en parvenant à la sortie des gorges.

La rivière devenait tumultueuse et grondait à présent entre les rocs contre lesquels elle jaillissait en hautes gerbes d’écume blanche. Sur la droite, côté aquilonien, les falaises s’abaissaient rapidement et cédèrent bientôt la place à des rives rocailleuses parsemées de plages de graviers bordant une forêt clairsemée aux sous-bois moussus et d’un vert intense. La jeune fille s’efforçait tant bien que mal de contrôler sa trajectoire soufflant et avalant de l’eau, emportée par des remous de plus en plus violents qui la projetaient parfois contre les rochers. Elle toussait, crachait, tout en se débattant pour ne pas être aspirée par le fond, prenant bien soin de protéger sa tête qui heurta pourtant plusieurs fois le saillant des roches submergées.

Elle parvint enfin à la sortie des rapides et la rivière se calma en s’étalant dans la plaine. A gauche, au pied des puissantes falaises du pays des Quatre Vallées, son lit était profond et le courant rapide, mais vers la droite, l’eau était beaucoup plus calme. À bout de forces, le visage ensanglanté par une entaille au niveau de l’arcade sourcilière, elle réussit à revenir vers la rive ouest du torrent et rampa jusqu’à une plage de galets sur laquelle elle s’effondra, exténuée et transie de froid. La jeune fille resta là, allongée dans une semi-inconscience, la tête douloureuse, cependant que le soleil au plus haut dans le ciel azur la réchauffait de ses rayons. Un gémissement accompagné d’un souffle chaud la tira de sa torpeur et elle ouvrit les yeux pour constater que Louve aussi avait réussi à se sortir de la rivière. Elle lui passa les bras autour du cou pour l’embrasser.
« Tu es vivante ! Oh, que je suis heureuse ! Mais qu’est-ce que tu as ? »

L’animal boitait et gémissait. Un filet de sang coulait à la commissure de ses babines pendant qu’il la regardait avec des yeux de chien battu.
« Tu es blessée ? lui demanda Isil. »

Elle l’examina pour s’apercevoir que la patte avant gauche devait être fracturée et la louve semblait également souffrir d’une commotion au niveau du flanc droit, laissant présager une ou plusieurs côtes cassées.
« Ça va aller, mon amie, ça va aller, je vais te soigner. Allonge-toi, je vais chercher de quoi immobiliser ta patte ! »

La louve obtempéra en gémissant. Au même instant, du haut des falaises du pays des Quatre Vallées, un loup se mit à hurler à la mort.
« C’est ton pauvre compagnon qui nous cherche ! Je ne sais pas comment on va pouvoir aller le retrouver… ces falaises sont infranchissables et le nord du pays ne doit pas être sûr en se rapprochant du Vanaheim… On devrait essayer de contourner les montagnes par le sud pour trouver l’entrée des Quatre Vallées… On en a sans doute pour plusieurs jours, peut-être même pour plusieurs semaines… »

Louve aboya comme pour montrer son accord puis gémit de nouveau.
« Oui, dans ton état, ça va pas être facile… il va falloir d’abord que tu guérisses un peu avant de se mettre en route. »

Isil se releva et regarda la plaine forestière d’un air dubitatif.
« Sans mon arc, ça va pas être facile de tuer du gibier… »

Elle s’éloigna à la recherche de bois et de lianes ou de tiges à tresser pour constituer une attelle. Remontant la berge sur quelques centaines de mètres, elle aperçut dans l’eau, coincé entre les rochers, une masse sombre et s’approcha pour identifier le cadavre monstrueux de l’ours. Pénétrant dans l’eau en grelottant, elle parvint à sa hauteur en espérant retrouver l’épée toujours enfoncée dans la poitrine de l’animal, mais ne put que constater qu’elle n’était plus là. Sans doute avait-elle coulé au moment de l’impact qui avait suivi la chute. Déçue, elle regagna la rive. Il ne lui restait plus que sa dague pour chasser et se défendre… c’était bien peu.

Revenue près de Louve qui haletait, couchée sur les galets de la rive, elle confectionna une attelle de fortune avec laquelle elle immobilisa sa patte cassée.
« Voilà, comme ça tu devrais pouvoir marcher un peu… On va s’enfoncer dans cette forêt pour voir si on peut trouver de quoi nous nourrir ainsi qu’un abri sûr. »

L’animal jappa doucement en se mettant debout et, en clopinant, se mit en route derrière la jeune fille.


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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeSam 3 Aoû - 12:52

Salut Hiivsha,

J'ai lu jusqu'au chapitre7 j'aime bien le texte et l'histoire j'ai eu malgré tout beaucoup de commentaires à faire, bien plus que ce que je croyais de prime abord. Tu vas avoir beaucoup de travail de correction si tu t'y investis.

Dès que je branche mon portable à internet, je t'envoie le document en pièce jointe via SWU puisque ce n'est pas possible ici. Je copierai les quelques chapitres qui me manques à cette occasion pour continuer la lecture lorsque j'aurai le temps.
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeDim 4 Aoû - 22:20

Je suis curieux de voir tout ça. Zou ! Vers ma liste de lectures.

Je vais le prendre en EPUB :)

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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeDim 4 Aoû - 22:59

Ayé lu.

Moi j'ai surtout vu dans ton chapitre 9 cette petite coquille " En signe de rémission Isil, le cœur battant, étendit les bras en croix" -> donc pour moi c'est une confusion rémission / soumission.

J'ai bien aimé la scène où elle se fait vraiment "adopter" par la meute, et hâte comment elles vont retrouver leur foyer.

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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeDim 4 Aoû - 23:23

Jahus a écrit:
Je suis curieux de voir tout ça. Zou ! Vers ma liste de lectures.

Je vais le prendre en EPUB :)

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Tu peux télécharger EPUB et PDF sur mon site Wink
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeDim 4 Aoû - 23:26

Notsil a écrit:

Moi j'ai surtout vu dans ton chapitre 9 cette petite coquille " En signe de rémission Isil, le cœur battant, étendit les bras en croix" -> donc pour moi c'est une confusion rémission / soumission.

Enooorme coquille ! [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 613211 Elle est belle celle-là ! Vite que je corrige ! Embarassed 
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 5 Aoû - 9:35

C'est lundi... et le lundi c'est... la suite des aventures de la petite archère ! cheers 

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[Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Ladqv1_couv1_ss
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11 - Hiivsha

« Encore un chapardage, s’écria la grosse Bertanna en agitant son couteau à dépecer. Ah, si je tenais le lascar qui nous a fait cela, je lui trancherais les deux oreilles ! »

Observant avec méfiance les larges cercles désordonnés que la pointe de l’instrument tranchant décrivait dans les airs, Hiivsha se recula instinctivement pour éviter de se faire éborgner par les gestes plus qu’inconséquents et dangereux de la cuisinière.
« Du calme, vous allez finir par tuer quelqu’un, Bertanna ! Et je vous signale que je ne suis nullement votre ennemi… Inutile donc d’essayer de m’embrocher ! »

La grosse femme rougit un peu.
« Pardonnez, monsieur Hiivsha… mais avouer que se faire voler un beau poulet bien rôti alors que j’étais juste sortie chercher de l’eau, y’a de quoi vous mettre en pétard !!! Et c’est pas la première fois ces temps-ci ! Qu’est-ce que je vais vous faire à manger moi, maintenant ?
– Quelques œufs vous suffiront pour préparer une merveilleuse omelette comme vous en avez le secret… si toutefois, le voleur a daigné vous laisser quelques œufs !
– Ah, ne plaisantez pas avec ça, monsieur Hiivsha, ne plaisantez pas ! Si je le tenais celui-là… répéta-t-elle en retournant dans sa cuisine. »

L’homme éclata de rire puis sortit sur le pas de la porte pour regarder vers la lisière de la forêt distante d’environ deux cents mètres. Quel pouvait donc être ce drôle d’oiseau qui depuis une semaine venait chaparder dans le jardin potager ou même la maison, dès qu’il avait le dos tourné ?

Jusqu’alors, il avait connu les brigands qui hésitaient désormais à venir se frotter à sa puissante magie, quelques renards chapardeurs de poules, deux ou trois chiens errants… mais personne qui prenait le risque de se faire prendre pour un bout de viande, trois ou quatre légumes ou même une couverture miteuse qui séchait dans la remise… Il avait de plus la réputation de ne jamais refuser un repas voire un lit au voyageur en mal de gîte ou une pièce d’or à un mendiant… du coup, il était perplexe. Oui, quel drôle d’oiseau était-ce donc ?

Il en avait parlé au village, distant d’un bon kilomètre de sa ferme, mais personne d’autre ne pouvait se plaindre de pareil désagrément… à croire que le voleur avait élu domicile dans la forêt non loin de chez lui ! Car, vu les traces de pas qu’il avait relevées, il s’agissait bien d’un animal à deux jambes, bien humain… peut-être un enfant compte tenu de la taille des empreintes.

Bertanna continuait à grommeler en cassant des œufs dans une poêle en fonte.
« J’espère bien que vous allez faire quelque chose pour attraper ce voleur, tonitruait-elle en levant les yeux au ciel comme pour appeler toutes les foudres de l’enfer sur la tête du criminel.
– N’y comptez pas trop, madame Bertanna, lui cria Hiivsha depuis l’extérieur du chalet de bois… et ne vous inquiétez pas de trop, je suis certain qu’il n’est pas dangereux et que votre vie n’est pas menacée ! Laissez faire, nous ne sommes pas à un poulet prêt ! Et je suis bien sûr qu’un jour ou l’autre nous saurons à qui nous avons à faire sans même courir ! »

La cuisinière grommela de plus belle.
« Pas à un poulet prêt ? On voit bien que ce n’est pas vous qui les préparez, avec une bonne farce aux herbes du jardin et aux champignons… Ah, ça vous fait rire ? Eh bien, la farce ce n’est pas vous qui vous en régalerez ! »
L’homme sourit en sortant une longue pipe de sa veste de cuir retourné et l’alluma en tirant de délicieuses bouffées parfumées. Ce n’est pas l’envie qu’il avait d’aller à la pêche au voleur de la forêt, mais quelque chose lui disait qu’il fallait attendre et laisser le temps faire son œuvre.

……………………………………..

Cela faisait une dizaine de jours qu’elles avaient dû s’arrêter dans la forêt parce que la patte de Louve ne guérissait pas et que son état général se détériorait sans qu’Isil ne sache quoi faire. Le gibier ne se laissait pas attraper et hormis quelques racines, cela faisait un bout de temps qu’elle n’avait rien mangé de solide.

La forêt était immense et paraissait ne jamais devoir finir. Pourtant après quatre pénibles jours de marche depuis leur chute dans le torrent, elles arrivèrent au sommet d’une petite colline du haut de laquelle on pouvait apercevoir au loin un village. En bas de ce promontoire, les arbres s’espaçaient pour laisser la place à de vastes prairies puis à des champs cultivés. À deux cents mètres environ de l’orée, il y avait un grand chalet en bois, isolé, dont la cheminée fumait, gage de présence humaine. Le tour de maison très bien entretenu arborait plantes délicates et fleurs multicolores, et à l’arrière, une écurie laissait entrevoir quelques chevaux. Sur la droite se trouvaient un beau jardin potager bien alléchant pour qui avait le ventre creux et un poulailler dans lequel caquetaient quelques poules. Enfin, un enclos enfermait un peu plus loin quelques brebis, une douzaine de vaches et quatre ou cinq cochons. La petite ferme dégageait une réelle impression de paix et de tranquillité.

Dans la journée, deux ou trois hommes s’occupaient des bêtes et du potager ainsi que deux femmes qui s’affairaient à traire les vaches et à soigner les fleurs. Mais lorsque le soir tombait, toutes ces personnes rentraient au village et seul un homme restait, souvent vêtu d’une longue tunique bleu sombre. Il s’asseyait souvent dans un grand fauteuil à bascule en fumant la pipe et en buvant de grandes chopes de ce qui devait être de la bière. L’une des deux femmes partait plus tard que les autres… elle était grande et forte et on pouvait entendre sa grosse voix tonitruer fréquemment après les autres employés de la maison.

Isil avait faim et sans doute Louve également, bien qu’elle ne manifesta aucunement son désir de manger, ce qui n’était pas bon signe. Faim et froid car les nuits étaient fraîches et la chaleur de l’animal ne suffisait pas à la réchauffer.

Aussi décida-t-elle de tenter sa chance à la tombée de la nuit et, furtivement, elle sortit de la forêt, la dague à la main, en courant à demi courbée, prête à se jeter à terre à la moindre alerte. Il n’y avait aucun bruit hormis celui des grillons qui chantaient et Isil eût tôt fait d’arriver à la maison dont une pièce était illuminée. Elle monta les deux marches qui donnaient sur le perron et passa sa tête dans l’encadrement d’une fenêtre pour observer l’homme, tout occupé à transvaser des liquides colorés dans des fioles dont certaines étaient placées sur des petites flammes qui s’échappaient de récipients en cuivre. Il était habillé d’une longue robe sombre nouée à la taille par une ceinture de cuir noir, aux manches larges et tombantes. Qui était donc cet homme et que préparait-il dans cette solitude ?

Sur le côté de la maison, une autre fenêtre était entrouverte et l’odeur qui en émanait, indiquait que c’était celle de la cuisine. Isil se hissa sur la pointe des pieds et regarda à l’intérieur. Sur une table, pas très loin, il y avait un morceau de pain et un bout de viande séchée. Elle se hissa sur le rebord de la fenêtre et du bout de sa dague attrapa la nourriture puis sauta sans attendre en direction d’une remise dans laquelle se trouvait une couverture étendue sur un fil, en train de sécher. Quelques secondes plus tard, elle filait à toutes jambes en direction de la forêt. Cette nuit, elle n’aurait pas froid et Louve aurait de la viande à avaler… le pain serait pour elle.

……………………………………..

Ce soir-là, l’air était doux et Hiivsha se prélassait en lisant un traité sur l’art d’animer les créatures mortes. Les mages qui orientaient leurs pouvoirs dans la nécromancie le mettaient mal à l’aise, mais lorsqu’on veut comprendre, il faut apprendre pour connaître. Il méditait les difficiles passages du livre réservé aux initiés de la magie lorsqu’il lui sembla entendre un bruit provenant du potager. La nuit était profonde et la lune cachée par des nuages qui couraient dans le ciel. Posant son ouvrage, il fit le tour de la maison par derrière, invisible dans l’obscurité et s’approcha du jardin suffisamment pour voir la frêle silhouette qui déterrait quelques légumes, accroupie, en lui tournant le dos. Il lui aurait été facile de rejoindre le manant pour le rosser ou le livrer aux autorités du village, qui lui auraient infligé un sévère châtiment, mais il n’en fit rien. La lune perça quelques secondes entre les nuages et le magicien discerna très nettement avec surprise, une longue et blonde chevelure qui ne pouvait appartenir qu’à une femme. La silhouette se releva. Il nota combien ses vêtements semblaient déchirés, en haillon, ne cachant pratiquement plus rien d’un corps visiblement svelte et élancé, et laissaient entrevoir des formes et des courbures qui trahissaient une troublante et juvénile beauté. Il resta sidéré qu’une telle jeune fille vive dans la forêt en se demandant bien quel secret elle pouvait cacher, et si elle était seule.

La silhouette repartit en sautant la clôture avec la grâce et l’agilité d’une panthère pour disparaître dans le noir. L’homme n’en était toujours pas revenu d’une pareille apparition et il resta un long moment en se demandant ce qu’il se devait de faire.

Le lendemain, à la nuit tombée, il déposa à quelques mètres de l’endroit de la forêt où il l’avait vue disparaître, une grosse miche de pain, un rôti encore fumant, et quelques pommes de terres cuites ainsi qu’un morceau de bon fromage de brebis puis s’en retourna. Il s’installa dans son fauteuil pour fumer la pipe sur le perron de sa maison sans se cacher, une pinte de bière sur une petite table. Les yeux mi-clos, il observait la forêt et, comme il s’y attendait, au bout d’une heure, la jeune fille apparut, telle une nymphe sortant du bois pour se saisir des offrandes déposées sur un linge blanc. Elle se tenait droite devant la nourriture et le dévisageait de loin, immobile. L’homme lui fit un petit geste amical de la main sans bouger de son fauteuil, comme pour ne pas l’effrayer. Puis, la silhouette se saisit du drap et de tout ce qui était posé dessus avant de disparaître dans le bois, comme un animal craintif. Hiivsha soupira et exhala une longue bouffée de fumée en saisissant sa bière.

Le manège se répéta plusieurs jours d’affilés, et le magicien rapprochait chaque fois un peu plus, la nourriture de la maison. La jeune sauvage suivait le mouvement toujours sur ses gardes, sans rien dire, une dague scintillante sous la lune dans la main droite, ce qu’il ne considéra pas comme un geste menaçant mais plutôt comme des griffes sorties en prévision d’un acte de défense. Lorsqu’elle fut à portée de voix, il se décida à lui parler, tout doucement, comme on parle à un animal qu’on tente d’apprivoiser.
« Bonjour, dit-il. Je m’appelle Hiivsha et vous ? Vous avez un nom ? »

Seul le silence lui répondit. La jeune fille leva ses grands yeux bleus vers lui et entrouvrit la bouche comme pour articuler quelque chose qui ne parvint pas à dépasser la barrière de ses lèvres tremblantes. Elle ramassa la nourriture. Hiivsha continua.
« La forêt n’est pas vraiment la place idéale pour une jeune fille, même si je ne doute pas que vous avez d’excellentes raisons d’y demeurer… Pourquoi n’accepteriez-vous pas mon hospitalité, vous seriez libre d’y aller quand bon vous semblerait et dans des conditions bien plus confortables… vous n’avez rien à craindre de moi, je vous le garantis et… »

Il montra du doigt la lame qu’elle serrait dans son poing.
« … vous pourrez garder votre arme si cela vous rassure. »

Il crut voir poindre une larme au coin de son œil. Elle était vraiment très jeune et fort jolie malgré son visage noirci par la poussière… Il soupira en songeant qu’il devait avoir presque deux fois son âge et que depuis la mort de sa femme, il y avait de cela déjà cinq ans, aucune frimousse aussi adorable n’avait plus jamais enchanté les murs tristes de la maison.

Puis, comme chaque soir, elle lui tourna le dos et s’enfuit en courant tandis qu’Hiivsha attrapait sa bière.

Mais ce soir-là, comme il se préparait à éteindre ses réchauds et à ranger ses éprouvettes sur les rayonnages de son laboratoire, il entendit un long hurlement de loup rompre le silence de la nuit. Une plainte douloureuse empreinte d’une infinie tristesse qui s’éteignit tout doucement comme une chandelle qui a fini de brûler tandis qu’un autre cri déchirait l’espace. C’était un grand cri de désespoir qui s’élevait d’une âme blessée à mort, pas vraiment un hurlement de loup bien que lui ressemblant, mais celui d’un être humain atteint au plus profond de lui-même, qui lançait sa souffrance à la face du monde. Hiivsha ne put s’empêcher de retenir un frisson en pensant qu’il n’y avait aux alentours qu’une seule personne qui pouvait l’avoir lancé.

Alors il attrapa une longue cape noire qui était suspendue à une tête de rhinocéros et la noua autour de son cou, puis il se saisit d’un grand bâton noueux couvert de hiéroglyphes et surmonté d’une étrange pierre bleutée et sortit en direction de la forêt. Il traversa le champ à grands pas et parvint à la lisière des grands arbres. La nuit était très sombre et les nuages noirs couraient très bas dans le ciel à une vitesse prodigieuse. Il marmonna quelques mots et, de la pierre bleue jaillit une douce lumière qui trancha les ténèbres.

Il marcha un long moment, guidé par son instinct, dans les sous-bois encombrés de branches mortes et de buissons touffus, tendant l’oreille pour repérer quelques instants plus tard, des échos de plaintes étouffées et de sanglots, qui semblaient provenir du haut d’une petite colline entourée d’épaisses fougères et de ronces infranchissables. Ne pouvant se permettre de chercher longuement un passage, il leva son bâton en marmonnant une phrase dans un langage incompréhensible et devant lui, les ronces se racornirent et se desséchèrent en libérant un étroit chemin de passage dans lequel il s’engagea. Les pleurs devenaient plus audibles, et il sut qu’il touchait au but. Sans se cacher, il arriva au sommet de la colline sur laquelle reposaient de grosses pierres qui formaient un drôle de cercle, au centre duquel il découvrit l’étonnant spectacle d’une jeune fille à genoux, serrant fortement dans ses bras la tête d’un grand loup gris, qui semblait dormir contre sa poitrine. Le magicien comprit de suite que le loup était mort et que de cette tragédie, était né ce cri de désespoir qui lui avait glacé le sang, ce qui tendait à prouver une surprenante intimité entre l’inconnue et l’animal. Sans dire un mot, Hiivsha se rapprocha un peu puis s’accroupit sous le regard hostile de la fille qui se saisit de sa dague.

Levant une main en signe d’apaisement, il lui dit tout doucement.
« Je ne te veux pas de mal, je t’en prie, laisse-moi t’aider. »

Les yeux bleus s’adoucirent tandis que d’une voix tremblante et hésitante elle lui répondait.
« Je… je m… m’appelle Isil. »

Le magicien sourit gentiment.
« Bien, voici que je peux t’appeler à présent par ton nom, Isil… Un bien joli nom qui ne vient pas d’Aquilonie. »

Elle secoua la tête.
« Je… viens du pays… des… Quatre Vallées. »

Hiivsha fronça les sourcils. Ce nom lui disait vaguement quelque chose, une rumeur colportée par des marchands sur une peuplade qui vivait dans un endroit reculé des monts frontaliers renfermés sur eux-mêmes depuis des générations. Il n’avait jamais été certain de la véracité de ces dires et voilà que cette jeune fille prétendait être de ce peuple… C’était fort intéressant ! Il n’en eut que plus envie de faire sa connaissance. Il désigna l’animal mort de la main.
« C’est ton loup ? »

Isil baissa les yeux vers la tête immobile en murmurant.
« C’était mon… amie… elle s’appelait… Louve. Je lui dois la vie, à elle et à sa meute…
– Il y a d’autres loups avec toi ?
– Non… ils sont restés dans les Quatre Vallées… »

Hiivsha hocha la tête.
« D’accord… je suis sûr que tu as plein de choses intéressantes à me raconter… Cela fait bien longtemps que je n’ai pas eu d’invitée aussi intéressante que toi. Tu accepterais mon hospitalité ? »

La jeune fille le regarda froidement en levant da dague dans sa direction d’un geste menaçant.
« Non, dit-elle durement. Allez-vous en ! Je n’ai pas besoin de vous ! »

Puis plus bas.
« Je n’ai pas besoin d’un homme. »

Il pensa que le moment n’était pas encore venu. Sous son aspect vulnérable, il sentait en elle une réelle crainte de lui parce qu’il était un homme, sans toutefois comprendre pourquoi. Pourtant, la jeune fille avait besoin d’une aide qu’il ne renonçait pas à lui prodiguer ne serait-ce que pour en apprendre plus sur le pays d’où elle disait venir. Il se releva et recula avec un geste d’apaisement.
« D’accord… d’accord… Il n’y a pas de problème. Je vais te laisser. Mais sache que tu peux venir me voir quand tu voudras, le jour ou la nuit… Pour parler ou pour partager le repas avec moi, tu seras la bienvenue et je te promets que jamais, tu m’entends, jamais je ne te ferai du mal… sur ma vie, je te le promets. »

Avant de lui tourner le dos il ajouta.
« Avec ta permission, je reviendrai au petit matin pour t’apporter de quoi creuser un trou pour Louve… ça évitera qu’elle serve de proie aux autres animaux de la forêt… d’accord ? »

La jeune fille fit oui imperceptiblement de la tête.
« Bon, je te laisse tranquille avec ton amie. Je pleure avec toi sa mort. »

Il se retourna et disparut dans la nuit.


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Dernière édition par Hiivsha le Lun 12 Aoû - 23:31, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 5 Aoû - 14:27

Eh bien moi, sur le site, j'ai découvert Les aventures d'une jeune Jedi et je veux les lire Wink

Merci !
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Hiivsha

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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 5 Aoû - 17:29

Je tiens à signaler qu'en ce qui concerne "l'archère des Quatre Vallées", la version complète en ligne n'est corrigée qu'à la hauteur des posts sur ce forum-ci. Le fait de poster les chapitres m'oblige à tout relire et à les corriger minutieusement les uns après les autres au fil des posts Wink Il y a donc dans les chapitres non postés plus de coquilles qu'il n'y en aura après relecture et post ici. Wink
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Minos
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 5 Aoû - 21:40

Mon dieu, et moi je prends du retard, comme d'hab, fidèle à mon avatar ! Je me mets à jour demain^^

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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeVen 9 Aoû - 11:37

Chapitre 9

Citation :
La meute de loups était installée plus haut dans la forêt et pour les remercier, elle leur portait souvent de gros quartier de bonne viande fraîchement dépecée
C'est "quartiers".

Citation :
Debout elle les dominait ; à genoux, les plus grands la dominaient à elle.
Ce ne serait pas plutôt "dominaient, elle" ? Ce "à" est bizarre, je trouve.

Citation :
Ce fut à ce moment-là que la meute attaqua. Ils surgirent des sous-bois
Ce "ils" ne renvoie à rien^^

Sur le fond, j'aime bien ce chapitre, où il est bien montré comme Isil et les loups sont sur leur territoire, qu'ils en sont les maîtres.

Chapitre 10


Citation :
Pour cette raison, elle avait soigneusement caché les corps à un endroit difficile d’accès afin qu’on ne les retrouva pas
retrouvât

Citation :
Le dégel vint gonfler les torrents qui dévalaient des montagnes, raviver les couleurs des prairies de fleurs multicolores et se réveiller la faune.
La partie en italique a une faille logique dans le reste de la phrase.

Citation :
A gauche, au pied des puissantes falaises du pays des Quatre Vallées, son lit était profond et le courant rapide, mais vers la droite, l’eau était beaucoup plus calme. À bout de forces,
Accentuation du premier "À".

Sur le fond : toujours chouette. Ce que j'aime dans cette histoire, c'est sa logique, les choses sont posées, l'histoire évolue, tranquillement, scène après scène. Y'a un bon dosage dans la narration.

Chapitre 11

Déjà, j'adore le titre. Espèce de mégalo ! Comme si moi j'avais écrit un roman nommé "Minos" ! Razz 

Citation :
Laissez faire, nous ne sommes pas à un poulet prêt !
C'est "près", je pense.

Citation :
Il nota combien ses vêtements semblaient déchirés, en haillon
J'ai toujours vu ce terme employé au pluriel.

Citation :
Il traversa le champ à grands pas et parvint à la lisière des grands arbres
Répétition malheureuse.

Citation :
La nuit était très sombre et les nuages noirs couraient très bas
Idem.

Citation :
Ce nom lui disait vaguement quelque chose, une rumeur colportée par des marchands sur une peuplade qui vivait dans un endroit reculé des monts frontaliers renfermés sur eux-mêmes depuis des générations.
Souci de concordance.

Nouveau chapitre très intéressant, qui marque un tournant dans l'histoire. Toujours aussi plaisant à lire. Wink

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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 12 Aoû - 23:25

Bien vu toutes ces fautes résiduelles... décidément, dur, dur, de toutes les trouver !!! [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 109324 
Merci infiniment !
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 12 Aoû - 23:26

C'est lundi... et j'ai failli manquer la suite !!! Sleep 

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12 - Le repas

Le lendemain matin, le magicien était retourné sur la colline pour déposer à quelques mètres de la jeune fille une pelle et une robe bleu pâle ainsi qu’une cape fourrée et une paire de solides chaussures qui appartenaient à son épouse.
« J’ai conservé les affaires de ma femme Aloïse, dit-il comme pour s’excuser. Elle était sensiblement de la même taille que toi… j’en ai plein d’autres à la maison et tout ce qui était à elle sera pour toi si tu le désires, tu n’as qu’à venir choisir. »

Disant cela, il observait Isil qui était toujours prostrée, comme si elle n’avait pas bougée de toute la nuit. Il se devait de respecter sa douleur et ne tenta pas de s’approcher plus, espérant qu’elle réagirait au plus vite.
« Je t’attendrai ce soir, demain… chaque jour s’il le faut, mais je t’en prie, ne reste pas seule dans cette forêt. »

Lorsqu’il fut repartit, Isil reposa doucement la tête de Louve sur le sol, comme émergeant d’un mauvais rêve. Puis elle prit la pelle et creusa un grand trou bien profond dans lequel elle ensevelit son amie en déposant au dessus de grandes pierres pour empêcher les animaux de creuser le sol à cet endroit-là.

C’était une belle journée et le soleil brillait très fort. Elle marcha jusqu’à la rivière qui courait calmement dans la plaine puis se dévêtit et entra dans l’eau claire pour se laver.

………………………………………………

« Mais pourquoi mettez-vous toutes ces fleurs dans cette maison ? Vous voulez la transformer en jardin ? Ça ne vous suffit donc pas toutes celles qui sont dehors ? »

Hiivsha tira sur sa pipe un sourire mystérieux sur ses lèvres.
« Bertanna, il se pourrait que sous peu, nous ayons une invitée dont je vous demanderai de prendre le plus grand soin. »

La cuisinière ouvrit de grands yeux remplis de la plus vive curiosité.
« Ah ? Et puis-je savoir qui ?
– Un pauvre petit animal blessé et craintif, qui a peur des hommes. »

Bertanna s’exclama.
« Un animal ? Vous n’allez pas installer un animal dans cette maison ? Il y en a bien assez dehors à s’occuper. Oh je vois, monsieur a sans doute trouvé une de ces chiennes errantes qui parcourent les routes en semant leur progéniture à tout va ! Et c’est une chienne que vous voulez recueillir ? »

Le magicien la regarda sévèrement puis se mit à rire.
« Une chienne ? Non pas vraiment, Bertanna, et je vous déconseille de l’appeler ainsi… ce serait éminemment impoli à son égard. Je dirais plutôt une sirène, une nymphe des bois, une apparition féerique…
– Une femme ? tonitrua la cuisinière.
– Une jeune fille, rectifia Hiivsha, une merveilleuse et adorable créature perdue dans la forêt et accompagnée d’une louve…
– Une louve ? Ah non, pas de ça ici !
– … qui vient malheureusement de la quitter…
– Elle est partie ? Dieu soit loué !
– Elle est morte, Bertanna, pour une raison que j’ignore encore… cette fille semblait vraiment très liée à ce loup… et maintenant elle est toute seule…
– Alors vous voulez la recueillir ? Une mendiante passe par là et parce qu’elle a de jolis yeux… parce que je suppose qu’elle a de beaux yeux, naturellement ?
– Naturellement, murmura le magicien pensif, les plus jolis yeux bleus que je n’avais encore jamais croisés… avec un visage d’ange… »

La grosse femme s’exclama en haussant les épaules.
« Ah ! Voilà bien les hommes, à tourner en bourrique pour une pouliche bien roulée… parce que j’imagine que le reste est également au dessus de tout soupçon ? ajouta-t-elle en faisant un geste significatif autour de sa forte poitrine.
– Oh, largement au-dessus ! se moqua le magicien.
– Comment cela ? Vous ne l’avez tout de même pas déshabillée pour le vérifier ?
– Nul besoin de cela, Bertanna… ses haillons ne cachent guère grand-chose de son corps… elle se promènerait nue dans la forêt que cela reviendrait quasiment au même… »

La cuisinière leva les mains au ciel tandis que l’homme reprenait.
« D’ailleurs, je lui ai offert des vêtements d’Aloïse pour qu’elle soit plus décente pour venir… si elle vient.
– Comment cela si elle vient ?
– Elle semble craindre la compagnie des hommes…
– Des hommes ?
– Oui Bertanna, vous savez cet animal prédateur qui se déplace sur ses deux jambes, qui tue sans raison et sème le mal et la désolation autour de lui… »

La femme devint un instant plus grave.
« Oh, moquez-vous de moi, monsieur… et puis d’abord, pourquoi voudriez-vous que cette… demoiselle ait peur de l’homme ?
– Je ne sais pas… peut-être qu’on lui a fait du mal… à dire vrai, j’en suis convaincu… cette jeune fille a certainement beaucoup souffert pour en arriver à préférer la compagnie des loups plutôt que celle des hommes. »

Il y eut un moment de silence et Bertanna en profita pour tourner la sauce qui mijotait dans une petite marmite en dégageant une odeur alléchante. Au fond d’elle-même, elle était bien contente que le magicien s’intéresse enfin à une personne de l’autre sexe, car depuis que son épouse l’avait quitté, elle ne se rappelait pas l’avoir vu ne serait-ce que regarder une autre femme, et en parler encore moins.

Un ouvrier frappa doucement à la porte.
« On a terminé monsieur, nous rentrons chez nous.
– Merci Fradan, bonne soirée à vous tous !
– Merci, m’sieur, répondit l’homme en saluant de la main. A demain ! »

Le soleil déclinait sur la grande plaine et Hiivsha se demandait à présent si la jeune fille viendrait. Il se tourna vers la cuisinière.
« Avant de partir, je vous demanderai de préparer une chambre pour elle… au cas où, on ne sait jamais…
– Vous voulez que je reste pour la nuit ? Si vous pensez que cette enfant a peur des hommes, elle sera peut-être plus rassurée par la présence d’une femme… et puis, un homme veuf, seul avec une jeune fille… ça ne se fait pas trop non ? »

Le magicien sourit avec indulgence.
« Celle-ci est de taille à se défendre, à mordre et à griffer, et bien d’avantage si j’en juge à la jolie dague dont elle ne se sépare jamais.
– Comme vous voulez… mais si demain on vous découvre égorgé, ne vous en étonnez pas… ce n’est pas pour elle que je crains, je sais bien que monsieur est un homme bon et respectable… en fait, c’est pour  vous ! »

Il rit de bon coeur.
« Vous êtes bien bonne, Bertanna… si, si… vous êtes une vraie mère poule pour moi ! »

La grosse femme haussa les épaules et monta à l’étage préparer la chambre d’amis un bouquet de fleurs à la main.

L’astre du jour avait glissé derrière les branches touffues des grands arbres, plongeant dans leur ombre épaisse la maison et son jardin, lorsque Hiivsha aperçu la silhouette d’Isil sortant lentement du bois. Il eut un pincement au cœur en la voyant s’approcher dans la robe bleue et la cape qui avaient appartenu à Aloïse, et un flot de souvenirs le submergea un instant. Il sortit sur le perron pour l’accueillir. Elle marchait très lentement, d’un pas hésitant, comme prête à se retourner et s’enfuir d’où elle venait. Elle faisait penser à une biche, longuement apprivoisée, qui s’approche de la main qui la nourrit mais qui, au moindre bruit, disparaît dans les taillis.

Hiivsha retint son souffle. Ainsi vêtue et visiblement lavée - la propreté de son visage et de ses bras en attestait - elle était émouvante de fraîcheur et de beauté… l’innocence à l’état pur. Comme si elle ressentait son trouble, Isil s’arrêta et hésita. L’homme lui fit signe de continuer.
« Pardonne-moi de te dévisager ainsi… tu m’as fait penser à mon épouse… Mais ne reste pas dehors, entre je t’en prie, ma maison est tienne, tu y es désormais chez toi aussi longtemps que tu le souhaiteras. »

Il s’écarta pour la laisser entrer et fit un geste pour la débarrasser de sa cape, ce qui provoqua un sursaut instinctif de la jeune fille. Aussitôt, il fit un pas en arrière.
« Excuse-moi, je ne voulais pas t’effrayer… »

Isil plongea son regard dans le sien.
« Je ne veux pas qu’on me touche ! dit-elle vivement en baissant les yeux.
– Non, non… je me proposais juste de te débarrasser de ta cape pour l’accrocher ici… pour que tu sois à l’aise pour… bavarder… manger ensemble… ce que tu voudras… »

La jeune fille regardait tout autour d’elle la pièce décorée avec soin d’étranges bibelots qui lui étaient inconnus et qui devaient provenir de contrées lointaines. Elle caressa les bouquets de fleurs en plongeant son nez dedans ce qui déclencha le premier sourire qu’il pouvait lire sur son visage.
« Isil… c’est ça ? Isil… tu as faim ? Veux-tu que nous passions à table ? »

Elle fit oui de la tête et le suivit tandis qu’il passait dans la pièce d’à côté où une table avait été dressée avec soin par Bertanna. Elle n’avait pas lésiné sur la nourriture, alternant légumes du potager et viandes séchées et rôties, qu’elle avait richement disposés avant de partir à regret.
« Vous ne voulez vraiment pas que je reste, avait-elle lancé une dernière fois avant de partir.
– Non merci, Bertanna… je pense que ce sera déjà très dur de lui redonner le goût de parler si je suis seul… votre présence risquerait de compliquer la situation.
– Bon, bon… alors je m’en vais… mais j’aurais bien voulu la voir, avait-elle fini par avouer.
– Je m’en doute, avait alors répliqué le magicien en riant, mais avec un peu de chance, vous la verrez demain. »

Hiivsha donna l’exemple et s’assit en lui désignant une chaise en face de lui.
« Je t’en prie… sers-toi… tiens prend de ce bon vin… »

Il lui servit un liquide parfumé et joliment coloré dans une coupe sculptée dans de l’ivoire, finement décorée d’une fresque de scène de chasse à un étrange animal gigantesque qu’elle contempla longuement.
« C’est un oliphant, expliqua-t-il… un puissant animal qui vit dans les contrée de l’extrême sud d’Hyboria… c’est… impressionnant, même pour un guerrier ! »
Isil le regarda toujours sans dire un mot et porta la coupe à ses lèvres pour boire. Elle avait oublié le goût et la saveur du vin et elle ferma les yeux comme pour mieux se concentrer sur les sensations qui l’envahissaient.
« C’est bon ? Nous le faisons ici, au village… un peu plus loin dans la plaine… sers-toi, mange… »

Il la regardait avec bonheur goûter de chaque plat disposé devant elle et la resservit en vin. Il en oubliait presque de manger lui-même, complètement sous le charme du tendre spectacle que la mystérieuse jeune fille de la forêt lui offrait.

Tout doucement, Isil sentit ses joues se réchauffer au fur et à mesure qu’elles prenaient une légère coloration rosée qui rehaussait finement son teint de peau. Elle n’en pouvait plus de redécouvrir ces saveurs oubliées depuis tant de mois, ces goûts sucrés, ces sensations salées, ces odeurs de viandes cuites, alors qu’elle avait fini au contact des loups par la manger crue sans même s’en apercevoir. Le paradis ne lui aurait pas semblé plus doux ni plus accueillant et l’homme qui se tenait en face d’elle paraissait tellement ému en la regardant, qu’elle en était à son tour toute troublée et reconnaissante à la fois. Elle sentait en son for intérieur qu’elle n’avait rien à craindre de lui… il paraissait fort mais bon et aiguisait sa curiosité. Elle baissa les yeux et murmura.
« Merci. »

Hiivsha protesta gentiment.
« Merci ? De quoi par Mitra ? De partager avec toi un repas ? Mais c’est l’essence même de l’hospitalité aquilonienne que de le proposer au voyageur… Pourrais-je me regarder dans un miroir demain si je t’avais laissée errer seule et désemparée dans cette forêt ? Je te demande juste d’accepter de rester le temps que tu te remettes de ce que tu as vécu… que j’ignore, mais qui me semble t’avoir fait souffrir. Fais moi confiance.
– Pourquoi ? demanda-t-elle doucement les yeux toujours baissés.
– Que veux-tu dire ?
– Pourquoi devrais-je vous faire confiance, vous… un homme ?
– Ecoute, soupira-t-il, les hommes c’est comme les animaux… il y en a de bons, de doux, et il y a des fauves, des monstres… si tu as rencontré des humains de la seconde catégorie, je comprends ta méfiance… mais crois moi, on gagne beaucoup à faire confiance dans la vie. »

Elle releva ses grands yeux bleus vers lui.
« Qu’ai-je à y gagner ?
– En ce qui me concerne, je dépose ma vie à tes pieds s’il le faut… et je m’en veux de n’avoir pas obtenu ta confiance plus vite, car si j’avais su que ta louve était malade ou blessée, j’aurais pu la guérir. »

Il nota une petite larme qui perla du coin d’un œil pour glisser sur sa joue.
« La confiance, c’est tout dans la vie. Si tu n’apprends pas à la donner aux personnes qui en valent la peine, tu finiras par n’accepter aucune main tendue et tu resteras seule toute ta vie. »

Elle lui tendit sa coupe vide pour qu’il la remplisse et, la tenant au creux de ses deux mains, les coudes posés sur la table, elle la but très lentement. La chaleur de l’alcool lui faisait du bien et la détendait. Le magicien reprit.
« Il y a une chambre à l’étage… ma gouvernante t’a préparé un bon lit… il y a longtemps que tu n’as pas couché dans un lit ? »

Elle fit oui de la tête en soupirant.
« Cette chambre est pour toi. Tu y resteras autant de temps que tu le souhaiteras. Comme je te l’ai dit, ma femme est morte, il y a cinq ans, tuée par des brigands de passage un jour où je n’étais pas là… »

Ses yeux brillèrent d’un étrange éclat.
« La vengeance ne permet pas de vivre non plus, dit-il très doucement… »

Il continua d’une voix redevenue neutre.
« En tout cas je vis seul depuis bien longtemps… un peu de compagnie ne devrait pas me faire de mal, qu’en penses-tu ?
– Je n’ai nulle part où aller ; alors pourquoi pas rester ici, répondit-elle d’une toute petite voix.
– Parfait ! Il arbora un grand sourire. Considère-toi comme dans ta propre maison, à compter de cet instant, et ce, pour aussi longtemps que tu le souhaiteras ! »

La jeune fille commençait à battre des paupières. Hiivsha se leva.
« Je crois que ta fatigue cumulée à l’effet du vin ne font pas bon ménage. Il est temps pour toi d’aller te reposer et de dormir. Viens. »

Il tendit sa main vers son bras pour l’aider à se relever de sa chaise mais elle eut de nouveau un geste instinctif de recul. Il n’insista pas, monta l’escalier pour lui montrer le chemin et ouvrir une porte donnant sur une chambre que Bertanna avait pris soin de joliment décorer. Isil entra en regardant tout autour d’elle, comme une enfant qui s’émerveille d’un endroit féerique. Le magicien sourit de bonheur à cause de l’expression béate de son visage.
« Il y a des vêtements pour la nuit et pour demain dans l’armoire, de l’eau et des linges pour te laver dans la petite pièce à droite… je te souhaite de passer une bonne nuit. »

Isil ne répondit rien mais le regarda avec gratitude les yeux embués. Il sortit et referma doucement la porte pour aller fumer une pipe en faisant quelques pas dans la nuit. En passant sous la fenêtre entrouverte de la chambre d’ami, il perçut quelques sanglots qui lui remuèrent le cœur. La vie réservait décidément bien des surprises. Les destinées des êtres humains se croisaient et tissaient des fils dont il aurait bien voulu connaître le devenir. Mais le futur était toujours en mouvement et aucun de ses maîtres n’avait jamais réussi à en percer le secret.

En regagnant sa chambre, il marqua une courte pause devant la porte de la jeune fille mais il n’entendit plus aucun bruit et en conclut qu’elle s’était endormie. Il allait pouvoir en faire autant.


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Dernière édition par Hiivsha le Lun 7 Oct - 23:13, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 19 Aoû - 19:19

C'est lundi... voici donc la suite !!! :)

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[Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Ladqv1_couv1_ss
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13 - Le pari


Le lendemain matin, Isil se réveilla fort tard après une nuit extraordinairement douillette passée dans des draps de lin fin brodés. Cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas ressenti cette sensation de bien-être. Le soleil inondait sa chambre d’une chaude lumière et la fenêtre ouverte laissait entrer les pépiements des oiseaux et le beuglement des vaches que l’on trayait.

Elle s’étira, se lava, revêtit une ample et courte tunique blanche croisée par devant et passa une ceinture qu’elle serra autour de sa taille. Tout en se coiffant à l’aide d’une brosse dorée en poils de sanglier, elle se contempla longuement dans un grand miroir fixé sur l’un des battants de l’armoire en souriant. Cela faisait fort longtemps qu’elle n’avait pas eu l’occasion de le faire. Il lui sembla renaître à la vie.

Sortant de la chambre, elle descendit d’un pas léger l’escalier. La grande pièce d’entrée était toujours aussi fleurie et toutes les boiseries savamment entretenues et vernies reluisaient dans la clarté du jour donnant à l’ensemble un aspect campagnard mais cossu. Dans la cuisine quelqu’un fredonnait. Elle risqua une tête.

Une grosse femme préparait le repas en s’affairant autour des casseroles en cuivre et d’une marmite posée sur le feu. Des légumes découpés trônaient sur une table tandis qu’un poulet attendait d’être placé dans le four.
« Bonjour, murmura Isil un peu intimidée. »

La cuisinière se retourna vivement.
« Oh, par exemple, Mademoiselle Isil, enfin, vous voilà ! Je me demandais si vous existiez autrement que dans l’imagination de monsieur. Venez, venez mon enfant, approchez que je vous vois mieux… Oh, par Mitra, ce que vous êtes jolie ! Et ces cheveux ! C’est de l’or que vous avez sur la tête, ma parole… regardez-moi comme ils sont longs, soyeux et bouclés… Par tous les dieux, vous êtes encore plus belle que tout ce que j’avais pu imaginer en écoutant monsieur me parler de vous ! »

Elle prit la jeune fille par les épaules en la faisant pivoter sur elle-même.
« Tournez vous que je vous vois mieux… Eh bien, eh bien ! Quelle magnifique taille fine que vous avez là ! J’en suis toute jalouse. »

Bertanna posa sans malice les mains sur sa poitrine.
«  Et ces beaux seins bien fermes… Je voudrais retrouver ma jeunesse pour les avoir comme ça moi aussi ! »

Elle éclata de rire en voyant que le visage de l’invitée s’empourprait.
« N’ayez pas honte de votre beauté mon enfant ! Soyez-en fière, montrez-là ! dit-elle en écartant un peu le décolleté de la tunique. Que tous ces hommes tombent à genoux devant votre grâce, c’est bien tout ce qu’ils méritent ! Ah, si j’étais comme vous, croyez-m’en bien que j’en profiterais… Aïe, aïe, aïe… vous allez faire un malheur au village, je vous assure… et j’en connais plus d’une qui vont vous envier ! Allez, venez que je vous présente à tout le monde ici, dit-elle en la prenant par la main et en la traînant derrière elle. »

Elles sortirent de la maison. Dans l’écurie il y avait deux hommes qui restèrent bouche bée en les voyant arriver… dès qu’ils aperçurent la jeune fille, ils ôtèrent leur chapeau et s’inclinèrent tandis que Bertanna faisait les présentations.
« Tragor, dit-elle en désignant un homme d’une cinquantaine d’année aux larges moustaches et au visage buriné, notre métayer et son aide, Gencar. »

Le second, un jeune homme de l’âge d’Isil s’inclina de nouveau sans pouvoir détacher son regard des yeux bleus de la jeune fille. Il avait le visage sympathique bien qu’un peu maigre, pensa-t-elle.

Elle n’eut pas le temps d’en penser plus que déjà la cuisinière l’entraînait vers l’étable où une femme procédait à la traite des vaches.
« Martha, regarde un peu la déesse que monsieur a trouvée dans la forêt ! Je te présente mademoiselle Isil ! »

La fermière se leva et fit une révérence maladroite en rajustant le foulard qu’elle avait sur sa tête.
« Enchantée, dit-elle.
– Moi aussi, répliqua timidement la jeune fille. »

Et hop, voilà Bertanna repartie avec elle ! Elle lui fit ainsi effectuer le tour de la propriété pour la présenter à un jardinier nommé Hor’Lorf et un homme occupé à redresser un fer à cheval sur un étau à coups de marteau, non loin de là.
« C’est le forgeron du village, s’écria la cuisinière, Adamar… admirez ses muscles d’acier ! »

L’homme grand et fort, d’une trentaine d’années, était torse nu et exposait son torse puissant ruisselant de sueur. Il se redressa fièrement et toisa la jeune fille avec un petit sourire de connaisseur.
« Vous êtes venu ravir la première place à la plus belle des femmes de notre modeste village, mademoiselle. Soyez la bienvenue à Orandia ! dit-il d’une belle voix masculine en la déshabillant du regard sans aucune retenue. »

Isil fit une révérence en souriant à son tour.
« Je vous remercie, répondit-elle simplement.
– J’espère que nous aurons l’immense plaisir de vous y voir bientôt… dès ce soir, ajouta-t-il en regardant Bertanna malicieusement, tout Orandia sera au courant de votre présence chez notre magicien, et je parie que plus d’un… et plus d’une, voudra faire votre connaissance ! »

Le forgeron émit un petit rire qu’Isil ne sut comment interpréter. Bertanna l’entraîna encore une fois.
« Bon, nous avons fait le tour… allons, retournons aux fourneaux, ma sauce va finir par cramer ! »

Le jardinier s’approcha d’Adamar et siffla doucement.
« Par Crom, en voilà une qui va faire plus d’un envieux ! Ma foi, je l’emmènerais bien faire un tour dans les bois cette mignonne et pas pour chercher des champignons !
– Sûr, répliqua le forgeron. Le magicien est trop vieux pour elle, il lui faut un homme en pleine forme qui puisse la faire décoller…
– Quelqu’un comme toi, je suppose, ricana Hor’Lorf.
– Parfaitement l’ami ! Je sens déjà sa peau douce contre la mienne… mon vieux, crois-moi, rien ne vaut une jeunette pour te redonner tes vingt ans ! Ça a les seins fermes comme des fruits mûrs à point et les fesses tendues comme des tambours… Quelle croupe ma parole ! Ah mon cher, quand tu enfonces ton braquemart là-dedans, je te promets que la grotte n’est point trop évasée par l’usage et les ans !
– Et tu parles en connaissance de cause, je suppose ?
– Absolument… quand j’ai fait campagne contre les Vanirs aux côtés du roi Conan, je peux te dire que les bordeaux ont reçu mes visites plus d’une fois ! Et j’ai toujours choisi des petites jeunes bien fraîches… c’est plus cher, mais crois-moi, ça vaut la dépense. Et cette fille-là, j’en suis sûr, c’est de l’or !
– Arrête-toi ! Tu vas me donner envie !
– Eh bien, saute sur ta femme ce soir en rentrant !
– Mouais… mais c’est pas pareil ! »

Ils éclatèrent de rire, grassement en se tapant sur les épaules.

Pendant ce temps-là, les deux femmes étaient retournées à la cuisine où elles retrouvèrent Hiivsha qui tournait la sauce.
« Désertion de poste, Bertanna, en quoi vais-je vous transformer pour vous punir ? Bonjour Isil, bien dormi ? Vous êtes resplendissante… mais j’ai comme l’impression que vous allez saturer à force de compliments. A ce que je vois, Bertanna vous a exhibée tout autour de la propriété ?
– Exhibée, monsieur Hiivsha ! Certes non, protesta la cuisinière… je l’ai juste présentée à tout le monde. Il fallait bien qu’ils fassent sa connaissance…
– Et ça ne pouvait effectivement pas attendre, gronda amicalement le magicien qui riait sous cape. Vous êtes une commère Bertanna...
– Oh, s’indigna la grosse femme, une commère ?
– … doublée d’une pipelette ! Eh oui, il faut bien vous le dire, vous ne vous en rendez même pas compte. Evitez de rendre sourde cette pauvre enfant et ne laissez plus attacher la sauce… ça lui donne un goût ! »

Il fit un clin d’œil à Isil qui lui rendit un sourire et sortit tout heureux de voir le changement de physionomie de son visage par rapport à la veille.

……………………………………………

Les semaines s’écoulèrent tranquillement. Orandia était un grand village de plusieurs centaines d’habitants et très vite, avec sa gentillesse toute naturelle et sa spontanéité, Isil devint la coqueluche de ces dames, l’inspiratrice des maris, l’amie des filles de son âge et… la convoitise des célibataires, jeunes ou vieux… ainsi d’ailleurs  que de quelques hommes mariés!

Pour toutes ces raisons, Hiivsha la retenait de son mieux dans la propriété sans qu’elle ne s’en plaigne aucunement. Elle ne donnait pas l’impression de rechercher la proximité des gens et se satisfaisait des nombreux livres dont disposait la bibliothèque du magicien ainsi que de sa compagnie lorsqu’il ne s’enfermait pas dans son laboratoire.

Hiivsha était un ancien guerrier, un templier noir, qui avait abandonné le métier des armes pour vivre auprès de son épouse Aloïse. Après la mort brutale de celle-ci, il avait sillonné les contrées les plus reculées d’Hyboria, approfondissant son art déjà consommé de la magie auprès des meilleurs maîtres en la matière, et ses pouvoirs s’étaient considérablement renforcés. Puis il était revenu vivre dans son chalet, vestige des souvenirs anciens, et s’était plongé dans l’art d’élaborer des potions.
« La magie, expliquait-il à Isil en tirant de longues bouffées de sa pipe, est présente toute autour de nous. Nous baignons en elle mais seuls ceux qui la sentent et parviennent à l’apprivoiser, peuvent l’utiliser. Elle permet de modeler la matière d’une façon différente et d’accélérer parfois le cours du temps sur les organismes vivants. Il faut entrer dans une symbiose parfaite avec elle pour l’invoquer. Seule une foi très profonde dans son existence permet cette symbiose. Cette foi se cultive et de développe dans le silence et l’isolement. La méditation est un exercice essentiel pour un magicien et la haine une entrave. »

Progressivement, la jeune fille avait ouvert sa confiance à cet homme qui lui paraissait si sage et qui n’élevait presque jamais la voix. Il émanait de lui une grande force de caractère doublée d’une sérénité à toute épreuve. Sa présence était tout à la fois reposante et rassurante.

Il avait réussi à lui faire raconter sa vie, les Quatre Vallées, son périple parmi les loups… elle avait même évoqué à demi-mots ce que les Vanirs de Ragnard lui avaient fait subir… et cela avait suffi au magicien pour comprendre l’abîme de souffrance qu’elle portait au plus profond d’elle-même. Il pouvait lire dans son âme comme dans un livre ouvert lorsqu’il la regardait au fond de ses grands yeux azur et ce qu’il y voyait ne lui plaisait pas. Mais comment combattre le volcan de haine qui grondait en elle et comment éteindre le feu de la vengeance qui dévorait cette âme partie si loin de ce cœur de chair et de sang ? Il pressentait la suite qui attendait celle qu’il affectionnait déjà beaucoup, et cela lui faisait peur, car il ne savait pas comment changer ce qu’il voyait.

Isil se chargeait de nombreuses tâches ménagères avec une humeur joyeuse toujours égale et son sourire illuminait les journées du chalet et de ses travailleurs et en tout premier lieu, celles de Bertanna qui l’avait définitivement adoptée.
Profitant de l’aide du menuisier et du forgeron du village, elle entreprit de se fabriquer un nouvel arc et de nouvelles flèches. Il y avait quelques hommes qui prétendaient tous mieux tirer à l’arc les uns que les autres et ils la regardaient avec curiosité et un certain sarcasme, façonner un arc qu’ils jugeaient bien trop grand pour elle. Ils s’étonnèrent de sa manière de tresser des boyaux d’animaux pour l’encorder et prétendirent que ce n’était pas ainsi qu’il fallait procéder. Le forgeron lui-même détenait le record de précision à cent mètres et avait parié avec ses amis qu’Isil ne pourrait jamais faire mieux que lui. De fil en aiguille, la bière aidant, il avait été incité un soir à la taverne, à lancer un défi à la jeune fille et le lendemain, sous le regard amusé de ses amis, il avait maladroitement amené la conversation sur le sujet tout en ranimant sa forge.
« Isil, avait-il dit, j’ai parié que tu ne vises pas mieux que moi avec cet arc… qu’en penses-tu ? »

La jeune fille avait souri en regardant les autres qui écoutaient discrètement.
« J’en pense que tu as probablement raison. »

Dépit à la ronde, le forgeron se sentit décontenancé.
« Tu ne souhaites pas relever le défi ?
– Je ne vois pas mon intérêt là-dedans… libre à vous de parier sur ce que je sais faire ou pas… libre à moi de le montrer ou pas… »

Un murmure parcourut la petite assistance. Le forgeron insista.
« Dis-moi ce que tu veux si tu gagnes, et je m’engage à te le donner ! »

Isil tordit sa bouche en une moue tout en réfléchissant activement.
« Et si je perds ? Tu sais que je n’ai rien à te donner. Cet arc te sera payé par Hiivsha. »

Le murmure de l’entourage se transforma en petits ricanements. L’un deux s’exclama.
« Notre forgeron est célibataire… une nuit avec toi ne devrait pas être pour lui déplaire Isil !
– C’est sûr, enchaîna un autre, d’ailleurs, moi aussi je relèverais bien le défi pour la même récompense…
– Oui mais toi, t’es marié, lui rétorqua le premier au milieu des rires, alors, ta récompense, tu vas voir que c’est ta femme qui va te la donner !
– Et à grand coup de poêle ! dit un troisième. »

Les rires fusèrent. Isil regarda le forgeron droit dans les yeux.
« C’est ça que tu veux si tu gagnes ? Que je te donne une nuit ? »

Les yeux de l’homme étincelèrent à cette seule pensée et il passa sa langue sur ses lèvres desséchées.
« C’est sûr que ça m’irait…
– Oui, et à toi aussi ça ira, Isil, reprit l’homme qui avait lancé cette idée, tu verras, notre forgeron est un véritable étalon… tu ne t’ennuieras pas avec lui !
– Ce que je veux si je gagne, murmura la jeune fille les lèvres pincées… une nuit si je perds… qu’est-ce que cela m’importe en fait… au point où j’en suis… Soit, reprit-elle à haute voix, mais à la stricte condition que Hiivsha ne sache rien de ce pari… sinon, je laisse tomber. »

Un nouveau murmure, puis quelqu’un repris sur un ton de comploteur.
« C’est d’accord, Isil, Hiivsha n’en saura rien… d’ailleurs, il vaut mieux qu’il n’en sache rien… il serait capable de nous transformer en crapauds pour t’en empêcher ! »

Le petit cercle éclata de rire.
« Soit, dit Isil. J’accepte. »

Satisfaction générale. Le forgeron demanda.
« Et si tu gagnes, que voudras-tu ?
– Je veux la meilleure épée que tu puisses forger dans ton métal le plus solide. »
Les hommes sifflèrent doucement.
« Houlà, dit l’un, ça rigole pas… Isil serait donc une guerrière ? Tu sais donc manier l’épée ?
– Je me défends très honorablement, surtout quand il faut tuer mon ennemi… »

Silence dans l’assemblée étonnée par la froideur de son propos.
« … mais je suis bien meilleure à l’arc, acheva-t-elle. »

Le forgeron se gratta la tête tandis qu’un de ses amis lui lançait.
« Dis donc, Adamar… tout compte fait, tu l’as peut-être pas encore dans ton lit la petite, hein ? »

Ils éclatèrent joyeusement de rire lorsqu’une femme passa par là.
« Eh vous, les hommes, qu’est-ce que vous complotez tous autour de notre Isil… vous ne pouvez donc pas lui lâcher la tresse ?
– On ne complote rien, protesta le mari de la passante, elle nous racontait juste ses aventures dans la forêt.
– Eh bien, quand elle aura fini, tu pourras rentrer à la maison… y’a toujours le toit à réparer, fainéant ! »

Et sous les quolibets, l’homme battit en retraite en adressant un clin d’œil complice à Isil.

Il fut décidé que le défi aurait lieu le lendemain dans un pré à l’opposé du village, au centre duquel trônait un chêne séculaire dont les glands avaient parait-il des propriétés curatives quasi-magiques. Le petit groupe entourant Isil se faufila discrètement par des sentiers détournés pour échapper aux regards, à commencer par celui de leur épouse respective. Les plaisanteries allaient bon train, pas toujours de bon goût mais au fond pas méchantes et Isil n’en avait cure. Elle savait désormais ce que valaient les hommes et ce qu’ils pensaient des femmes, se disant qu’au moins les animaux suivaient leur instinct sans prétendre à l’intelligence.

Arrivé à une centaine de mètres du chêne, on alla placer sur le tronc une petite cible ronde de la taille d’une grosse pomme au centre de laquelle était dessiné un petit rond noir d’un centimètre de diamètre. Il fallait avoir de bons yeux pour apercevoir la cible, mais pour parvenir à discerner son centre, un regard d’aigle s’avérait indispensable ! Quant à la toucher avec un arc, cela nécessitait une adresse, que seul Adamar dans tout le village possédait. Plus que de l’adresse même, c’était un sens inné du tir à l’arc qu’on se devait de posséder pour réussir cette prouesse !
« Le duel se fera en trois points gagnants… expliqua Gondull, le menuisier. C’est simple, vous tirez chacun une flèche. Le plus proche du point noir marque un point. Si une flèche ne se fiche pas, ou ne reste pas fichée dans le tronc à l’issu de chaque tour de tir, elle ne sera pas comptabilisée. Le premier à arriver à trois points gagne le duel. Si Isil gagne, Adamar lui forgera son épée et on veillera à ce que cela soit une vraie belle épée… si elle perd, elle devra passer toute une nuit avec lui en acceptant à l’avance toutes ses fantaisies ! »

Il y eut quelques ricanements évocateurs. Chacun fantasmait à qui mieux mieux à cette idée-là. Le menuisier reprit en regardant la jeune fille.
« Nous sommes tombés d’accord pour te laisser choisir de commencer ou pas… Vous alternerez par la suite à chaque fois.
– Je laisse à Adamar le soin d’ouvrir les hostilités, répondit simplement Isil. »

Tous se placèrent de part et d’autre d’une ligne imaginaire  reliant les tireurs au chêne, en s’écartant suffisamment pour ne pas risquer de prendre une flèche perdue.

Adamar prit une grande inspiration, banda son arc et tira. La flèche se ficha sur le bord de la cible. Il fit un clin d’œil à Isil tandis qu’elle l’imitait. Sa flèche rasa le tronc et se perdit dans le pré.
« Pas très précis ton arc, se moqua Adamar. Un point pour moi. »

Isil ne répondit rien et se contenta de procéder à quelques réglages sur son arc en tendant un peu plus la corde tandis que le menuisier enlevait la première flèche du tronc. Puis elle engagea une autre flèche et tira. Le trait se ficha dans le tronc à quelques centimètres de la cible.
« Tu te rapproches, ricana le forgeron… dépêche-toi de faire mieux si te ne veux pas avoir à te dévêtir devant moi ! »

Il tira et sa flèche se figea dans la cible.
« Et de deux ! »

Gondull enleva les flèches et Adamar tira une nouvelle fois sensiblement au même endroit. Isil lâcha à son tour un nouveau trait qui se ficha aussi dans la cible. Difficile d’où ils se tenaient de dire laquelle était la plus près.
« Tu es à moi Isil, s’exclama Adamar avec gourmandise. Ma belle, je te promets une nuit mémorable ! »

Le menuisier mesura les distances et montra la flèche de la jeune fille en levant la main.
« Tu chantes trop vite victoire, forgeron ! répliqua-t-elle sèchement. Tu ne me tiens pas encore dans tes bras ! À moi à présent ! »

Bandant son arc elle respira lentement, bloqua sa respiration et tira. La pointe vint se ficher à un centimètre du point central soulevant l’acclamation des spectateurs.

Elle resta silencieuse tandis que le forgeron prenait son tour, dépité. Sa flèche s’enfonça dans l’écorce bien au-dessous de la cible.
« Deux partout, cria Gondull. Dernière flèche ! »

Le forgeron prit son temps, observa les arbres pour vérifier le vent et tira. Un cri jaillit de l’assemblée. Il venait de perforer le point noir au centre exact de la cible. Il jeta son arc en signe de victoire et attrapa Isil par la taille en la faisant virevolter dans les airs.
« J’ai gagné, à moi, tu es à moi ma mignonne ! Viens, n’attendons pas la nuit… Je t’emmène ! »

Isil se débattit vigoureusement.
« Eh, attends, je n’ai même pas tiré ma flèche ! Lâche-moi goujat, pose-moi par terre !
– Bon,  bon, comme tu voudras ma petite chatte… répondit-il en s’exécutant. Inutile de sortir les griffes… j’attendrai donc que ta défaite soit consommée… avant de te consommer toi ! »

Elle se remit en position. Le forgeron caressa ses fesses en lui murmurant à l’oreille.
« Tu peux serres les cuisses autant que tu voudras, ma belle, je saurais bien te les faire écarter le moment venu ! »

Elle le fusilla du regard.
« Enlève tes mains de mon cul, forgeron, ou par Mitra, c’est dans l’œil que je te plante cette flèche ! »

Il n’insista pas et recula d’un pas. Très lentement, elle banda son arc en prenant la visée. Elle ferma les yeux et respira lentement, très lentement. « La magie est présente tout autour de nous mais seuls ceux qui la sentent et parviennent à l’apprivoiser, peuvent l’utiliser », avait dit le magicien. Elle voulait la sentir en elle… Elle tira sans rouvrir les yeux.

De grands cris s’élevèrent alors, tandis que tout le monde se précipitait vers le chêne pour voir le prodige. La flèche d’Isil avait taillée en deux l’empennage de celle d’Adamar pour prendre sa place au centre de la cible et l’avait fait littéralement exploser la projetant à des mètres de l’arbre en deux morceaux symétriques. Le forgeron incrédule se précipita vers l’arbre suivi d’Isil qui fut bientôt portée en triomphe par les spectateurs ravis de ce tour de force.
« Bravo ! criaient-ils, quel prodige… Isil, c’est bien toi la meilleure… Une archère extraordinaire… Elle a gagné… »

Gondull regarda son ami partagé entre l’admiration et la déception d’un rêve qui s’envolait.
« Es-tu d’accord pour déclarer Isil gagnante ? lui demanda-t-il. »

Le forgeron regarda la jeune fille que les autres faisaient sauter en l’air comme un fétu de paille en applaudissant et en riant à gorges déployées.
« Au secours, riait-elle également, posez-moi… vous allez finir par me faire tomber ! »

Ils réfrénèrent un peu leur enthousiasme et la remirent sur ses deux jambes face à son adversaire tout émerveillé. Elle le regarda en refermant sa tunique largement débraillée, au grand dam de ses admirateurs. Adamar lui adressa un large sourire.
« Bravo, je m’incline, dit-il sans arrière-pensée. C’est toi la meilleure ! Tu viens de m’épater, j’avais encore jamais vu un truc comme ça… tu mérites vraiment l’épée que je vais te forger… bien que je regrette le bon temps que nous aurions pu avoir tous les deux. Je t’aurais donné beaucoup de plaisir tu sais… »

Adamar la prit par les épaules et l’embrassa sur les joues sans qu’elle songe à protester tandis qu’elle en profitait pour lui murmurer à l’oreille.
« Je suis désolée pour toi… mais je sais que je ne suis pas encore prête pour cela ! »

La tonalité grave avec laquelle elle venait de lui adresser cette confidence le fit la regarder dans les yeux et il y entrevit passer un nuage sombre. Le forgeron ressentit un petit pincement au cœur en se rendant compte, sans trop savoir pourquoi, que s’il l’avait prise, il lui aurait fait sans nul doute plus de mal que de bien...
« Dorénavant, dit-il, si tu as le moindre problème, tu peux compter sur moi, si tu veux bien m’accepter comme ami ! »

Et tous de reprendre en chœur la même formulation.
« Merci, je vous accepte alors comme mes amis, répondit Isil touchée par leur attitude franche et sincère. Maintenant, allons boire de la bière à la taverne… je me débrouillerai pour payer l’aubergiste d’une façon ou d’une autre !
– Et quoi encore, protesta le menuisier ! Pas question que tu doives quoi que ce soit à ce gros cochon de tavernier, il serait capable d’en profiter et te faire visiter son arrière boutique ! Non, c’était moi l’arbitre… c’est moi qui paye la tournée générale ! »

Et sur les exclamations provoquées par l’idée d’une bonne bière moussante dévalant l’à pic de leur gosier, toute la petite troupe reprit le chemin du village sans plus chercher la discrétion sur son passage.


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Dernière édition par Hiivsha le Lun 7 Oct - 23:14, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeVen 23 Aoû - 21:59

Tout copié depuis le chapitre8 avant lequel j'avais interrompu ma lecture... Pour le moment, j'ai un gros morceau de Mitth à lire... alors je vais très certainement cumuler quelques autres chapitres avant de bétalire la suite de l'archère.
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 7 Oct - 23:12

Bon, les vacances se terminant, il faut que je reprenne tout cela, mon roman SW ainsi que la publication de celui-ci.
Voici donc, s'il y a toujours des lecteurs, la suite de l'Archère ! :)

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14 - La Fête Des Vendanges


« C’est une fort belle épée que tu ramènes là, Isil, observa Hiivsha les sourcils froncés. »

Le jeune fille lui tendit l’arme afin qu’il puisse l’observer. Il la fit tournoyer plusieurs fois à droite et à gauche de son corps d’un poignet agile avant de la caresser longuement d’une main experte. La lame fendit l’air en sifflant.
« Adamar s’est surpassé. Une épée comme cela, vaut une véritable petite fortune pour des gens comme nous… je ne te demande pas comment tu l’as obtenue. »

Il lui rendit l’épée d’un air contrarié. Isil regardait ses pieds comme un enfant en faute.
« C’est un cadeau de sa part, murmura-t-elle.
– Un très beau cadeau en effet. Tu en as de la chance. Ne l’aurais-tu pas plutôt gagnée en te mesurant à l’arc avec lui ? »

Isil frappa du pied par terre en soufflant.
« Pfff… Pourquoi me le demander puisque tu sembles toujours tout savoir sur ce qui se passe ici !
– C’est vrai, je suis au courant de bien des choses… Il suffit d’écouter et d’observer… Un peu de magie peut parfois se montrer également utile pour cela, ajouta-t-il d’un air mystérieux.
– Cette épée, je l’ai gagnée !
– Mais si tu avais perdu ? ronchonna le magicien.
– Eh bien quoi ?
– Tu le sais très bien, Isil. Cherches-tu à te faire plus de mal que tu n’en as déjà eu ?
– Je me moque éperdument de ce qu’on peut me faire maintenant.
– Pourquoi ? dit sévèrement Hiivsha. Quel sens cela a-t-il ? Jusqu’où iras-tu pour te punir de ce dont tu n’es pas responsable ? Jusqu’à ta destruction complète ? »

Elle baissa la tête.
« Qui peut donc s’inquiéter que je me détruise ou pas ? »

Le magicien s’approcha tout près d’elle et la saisit vigoureusement par les épaules.
« Crois-tu que parce que tu as renoncé à aimer ce que tu es, personne d’autre ne peut t’aimer ? Regarde-moi dans les yeux. »

Il lui prit le menton dans une main pour la forcer à relever la tête.
« Ne vois-tu pas que tu comptes pour d’autres personnes ? Pour des gens qui ne veulent pas te voir t’anéantir ? Je sais ce qui se passe au fond de toi ! Je lis la haine qui te consume et ton désir de vengeance qui s’exacerbe chaque jour un peu plus. Tu es partie sur un chemin obscur qui te mènera au néant, facile à descendre mais, ô combien plus difficile à remonter… plus tu t’enfonceras dans ce gouffre, plus il te sera difficile de revenir vers un chemin de clarté et de vérité ! »

Une petite larme coula sur la joue de la jeune fille et elle demanda les lèvres tremblantes.
« Pourquoi te préoccupes-tu de moi ? Il ne faut pas m’aimer, je te détruirai !
– C’est un choix qui m’appartient, et je suis plus solide et plus coriace que tout ce que tu pourras supposer à mon égard. »

Hiivsha lui embrassa le front puis le sourire lui revint.
« Allons, sèche tes larmes… et viens dans le pré me montrer ce que tu sais faire avec cette superbe épée. »

Joignant le geste à la parole, il se rendit devant un placard scellé dans le mur et ouvrit, avec une petite clé qu’il conservait autour de son cou, une épaisse porte d’acier derrière laquelle se trouvait un objet long enveloppé dans un épais tissu noir cerclé de courroies de cuir, qu’il posa sur la table. Ayant défait les liens, il déroula l’ensemble et en extirpa une longue épée à deux mains, forgée dans un acier sombre aux reflets bleu nuit, dotée d’une poignée noire et d’une garde argentée garnie de crocs recourbés.
« Voici, Talmira, l’épée des étoiles, une amie fidèle et quelque peu oubliée ces derniers temps au profit de mon bâton. Allez, suis-moi ! »

Sous les yeux médusés de Bertanna, ils se rendirent au milieu du pré et Hiivsha se mit en garde.
« Vas-y, frappe ! »

Isil obtempéra et tailla de droite puis de gauche. Les épées tintèrent et résonnèrent comme du cristal. Hiivsha parait les coups de son élève avec une apparente désinvolture sans même sourciller.
« Plus haute ta garde jeune fille, avance ton pied… bouge tes hanches en pivotant… méfie-toi de ton adversaire quand il semble dormir… »

Il agrippa avec un crochet de sa garde l’épée d’Isil qui s’envola dans les air pour retomber dans sa main libre. Il croisa les lames et saisit le cou de la jeune fille dans le piège mortel.
« Crac ! Décapitée ! Ne perds jamais la tête dans un combat, car si cela t’arrivait tu n’aurais pas de seconde chance. Tu ne tiens pas ton épée assez fermement et tes attaques sont bien trop prévisibles… tes coups ne sont pas assez variés, je vais t’en apprendre d’autres bien plus efficaces… mais cela va te demander de longues semaines d’entraînement ! Aussi, dorénavant, chaque matin je te donnerai une leçon une heure après le lever du soleil.
– Si tôt ? protesta Isil… mais j’aime me lever tard…
– Ne sais-tu pas que l’avenir appartient à qui se lève de bonne heure ? Aussi, toi, tu te lèveras avec le soleil et tu courras autour de cette prairie pendant une heure… Ensuite, je viendrais pour la leçon.
– Une heure à courir ? Mais pourquoi ?
– Ne prends pas cette mine désespérée ! Un guerrier doit avoir de l’endurance et combattre à bout de souffle. Au bout d’une heure tu entameras ton entraînement avec moi… je serai frais et dispo… Le jour où tu parviendras à me battre dans ces conditions, ta formation sera finie ! »

La jeune fille se laissa tomber sur ses genoux dans l’herbe.
« Mais tu veux ma mort ou quoi ? implora-t-elle…
– Cesse de gémir comme une fille ! Guerrière tu veux être, guerrière je ferai de toi si tu m’obéis sans discuter. Je vais te procurer un bouclier, tu en auras besoin.
– Un bouclier ? Pour apprendre à manier l’épée ?
– Que nenni ! Le bouclier c’est pour courir avec, autour de la prairie pendant une heure… avec ton épée !
– Aaaaahhhhh ! »

Isil se laissa tomber en arrière les bras en croix sous le sourire moqueur du magicien.
« Je suis déjà morte ! marmonna-t-elle en expirant bruyemment. »

……………………………

L’été prenait fin et les arbres se paraient d’or et de feu. Les vendanges des nombreuses vignes qui émaillaient la région d’Orandia se terminaient. Isil avait pris part à cette dure mais sympathique activité comme beaucoup de jeunes gens du village et piétinait comme les autres filles, les grappes assidûment à demi vêtue, sous l’œil admiratif des garçons.

Traditionnellement, la fin des vendanges était marquée par une grande fête courue de tous les environs, autour d’un grand banquet, de jeux divers et variés et qui s’achevait par un bal qui durait jusqu’au matin. Souvent, il arrivait que des couples se fassent – et même se défassent – à cette occasion, propice aux échappées à deux ou plus dans les granges et les bois tous proches. Le vin aidant, l’heure n’était plus à la sagesse et beaucoup de jeunes filles avaient connu leurs premiers émois cette nuit-là, dans les bras de galants ou les étreintes d’hommes plus âgés à l’insu de leurs épouses, parfois avec leur participation. Dans certaines maisons, la nuit se terminait en orgies qui n’étaient pas du goût de tout le monde.

Ces libations ne faisaient pas l’unanimité et les prêtres de Mitra du petit temple construit sur la route du sud, jugeaient sévèrement ce qui, pour eux, n’était que dépravations qui rabaissaient l’homme au rang de l’animal et l’éloignaient des dieux. Certaines personnes qui avaient voyagé, leur objectaient qu’en Stygie, le culte de Seth était copieusement ponctué de telles fêtes où les vierges consacraient à leur dieu la perte de leur virginité, parfois même dans les bras des prêtres et prêtresses des temples. Ces divergences alimentaient de laborieuses discussions et des débats houleux pour peu qu’elles éclatassent après un repas bien arrosé, et faisaient la joie d’orateurs nés en manque de public.

Depuis la mort de sa femme, Hiivsha ne participait plus à cette fête, préférant la quiétude de son chalet au brouhaha du village, aux éclats de voix avinées et à la musique forte et souvent fausse des musiciens d’occasion. Pourtant, cette année-là, il décida d’y accompagner Isil à la grande surprise des villageois qui désespéraient le revoir un jour venir s’amuser au milieu d’eux. Des mauvaises langues prétendirent qu’il ne voulait pas laisser la jeune fille y aller seule de peur qu’elle ne se trouve un amoureux. C’était sans doute en partie vrai, bien que tout le monde connaissait désormais le tempérament d’Isil, ainsi que sa dextérité pour les armes, ce qui dissuadait les hommes trop entreprenants de lui causer des problèmes.

La matinée fut propice aux jeux et Isil gagna la course de sacs mais se retrouva dans la mare couverte de boue en tentant de monter un porc sauvage ce qui lui valut un détour par la rivière pour se laver puis par le chalet pour échanger sa tunique contre une jolie robe rose brodée, courte et échancrée qui lui dénudait tout le dos jusqu’à la taille. Au tir à l’arc, Adamar espérait une revanche qui ne vint pas à son grand désespoir et il ne se risqua pas à défier Isil à l’épée, l’ayant vue s’entraîner avec le magicien de nombreuse fois, ce qui lui avait permis d’évaluer sa grande valeur. Pour lui c’était clair, cette fille était faite pour combattre et non pour rester dans une ferme à élever des enfants. Il n’en demeurait pas moins qu’il espérait pouvoir un jour, sinon la conquérir, du moins la posséder, ne serait-ce qu’une heure… comme bon nombre d’hommes du village d’ailleurs.

Hiivsha avait remporté un jambon au lancer d’anneaux autour des cornes d’un jeune taureau, mais quelques esprits chagrins envisagèrent la possibilité que ses talents de magicien y soient pour quelque chose. Pour le banquet, le magicien considéré comme un notable, s’était retrouvé à la droite du chef du village, un gros bonhomme bien rougeaud dont la bouche pleine de chicots faisait frémir au moindre sourire. D’immenses tables recouvertes de longues nappes blanches avaient été dressées sur la place du village, protégées par de grandes toiles de tentes. Le service était assuré par des femmes mariées qui allaient et venaient, portant plats, pichets de vin, pain, fromages, fruits… aux convives soigneusement alternés filles et garçons, hommes et femmes afin de favoriser les rencontres et disséminer soigneusement les clans. Non loin du magicien, Isil s’était retrouvée entre deux célibataires bien bâtis et plus qu’entreprenants, qu’elle avait un mal fou à garder à distance, notamment sous la table. En face d’elle, Adamar ne perdait pas une occasion pour la faire rire tout en jouant de la jambe contre la sienne.

Le soir tombait et le repas n’en finissait pas de durer lorsque les musiciens commencèrent à faire chauffer leurs instruments à cordes et à vent. Isil ôta pour la troisième fois la main que son voisin de droite avait glissée entre ses cuisses en le foudroyant du regard, tandis qu’il se penchait vers son oreille d’une voix un peu pâteuse.
« J’aime ton regard Isil quand t’es pas contente… pourquoi tu ne me laisses pas te chauffer un peu hein ? Toutes les filles aiment ça… regarde la Navia là-bas comme elle se trémousse sur son banc... C’est le Tomois qui lui fait cet effet-là… paraît qu’il est expert de ses doigts…
– Fais attention, Lasmer, si tu t’avises encore de glisser ta main là où tu sais, je te jure que tu n’auras plus l’occasion de fourrer tes doigts nulle part ! menaça-t-elle en serrant les dents.
– Oh ça va bien ! répondit-il en remettant sa main sur la nappe sous le regard moqueur d’Adamar qui n’en perdait pas une miette. T’es sûre que t’as pas un problème avec les hommes, Isil ?
– Peut-être que notre jolie blonde préfère les caresses des femmes, renchérit Therel, son voisin de gauche.
– Fichez-lui la paix, trancha fermement le forgeron. Vous n’êtes que deux gros lourdauds… et puceaux avec ça !
– Puceaux ? protestèrent-ils presque en chœur… qu’est-ce que tu en sais Adamar ?
– C’est ce que disent toutes les filles d’ici en tout cas… du moins en ce qui concerne Lasmer ! »

Le garçon rougit.
« Te vanterais-tu d’avoir eu les confidences de chaque femme du pays ? »

Adamar se recula sur son banc en bombant le torse.
« Plus que tu ne peux le penser en tout cas mon petit ! ricana-t-il. »

Puis, redevenu sérieux en un instant, il fixa Isil avec insistance.
« Il n’y en a qu’une dont je ne connais pas les pensées… qu’y a-t-il derrière cette façade impénétrable Isil, quel secret portes-tu ? Tu ne nous as jamais vraiment parlé de toi…
– Et je ne vais pas commencer maintenant, souffla-t-elle en soutenant son regard. Tu devras te contenter des secrets de tes pouliches !
– Il n’y a pas besoin de connaître les secrets des filles pour coucher avec, objecta Therel en lorgnant à l’intérieur du décolleté.
– Tu ne comprends rien aux femmes, je te l’ai déjà dit… pas plus en tout cas que ton copain Lasmer, reprit Adamar, vous êtes trop jeunes… ce dont vous avez besoin, tous les deux, c’est d’une bonne prostituée pour vous déniaiser… la prochaine fois qu’on ira à Tarentia, je vous emmènerai avec moi… je connais quelques bonnes adresses ! Isil c’est tout autre chose… j’ai envie de tout connaître d’elle ! Quand me raconteras-tu ta vie ma jolie ? »

Elle soupira l’air las et haussa les épaules sans répondre. Lasmer s’exclama.
« Ah ! Adamar et ses bordels ! Toute une légende ! Sans doute aussi vraie que ses campagnes militaires aux côtés du roi Conan ! »

Un éclair de colère passa dans les yeux du forgeron.
« Il n’y a aucune légende là-dedans… trancha-t-il en élevant la voix et si tu n’étais pas ivre, je te ferai rendre gorge de cela ! Oui j’ai combattu avec Conan, et plusieurs fois, contre les Pictes, les Némédiens et les Vanirs de la Légion Noire !
– Celle qui avait un dragon comme emblème ? coupa Therel.
– L’armée de Ragnard ? demanda un homme plus âgé un peu plus loin. »

Hiivsha, qui était en train de converser avec le chef, dressa subitement l’oreille en fronçant ses sourcils. Du coin de l’œil, il observa Isil qui avait blêmi. Elle demanda à son tour.
« Tu as combattu Ragnard ? Par Mitra ! Quand et où était-ce ? »

Adamar s’interrompit l’air interloqué devant l’expression de visage de la jeune fille. Sans savoir pourquoi, il savait qu’il venait d’entrouvrir une porte dans son passé, et la piste valait peut-être le coup d’être suivie habilement.
« Oh, fit-il avec un geste évasif, c’était avant qu’il ne soit vaincu par Conan.
– Raconte !
– Quel intérêt ? En quoi cela t’intéresse-t-il ? Tu connais ce Ragnard ? »

Isil ouvrit la bouche pour répondre et la referma sans rien dire. Le magicien n’écoutait plus le chef qui lui racontait des histoires parfaitement inintéressantes et se concentrait sur la conversation qui avait lieu un peu plus loin. Les gens commençaient à se lever pour participer à des danses et la nuit était discrètement tombée pendant que les femmes allumaient de grandes torches tout autour de la place.
La jeune fille prit un air faussement détaché.
« Non… c’est juste que… mon père m’en a déjà parlé…
– Ton père, ironisa Adamar… ainsi Isil a un père ? Et où vit-il ?
– Il est mort, il y a quelques temps déjà… aucune importance, parle-moi de ce… Ragnard… »

Adamar la regarda comme un chasseur évalue sa proie. La façon dont elle avait prononcé le nom du chef de guerre vanir semblait trahir bien autre chose qu’un vague souvenir de conte qu’un père raconte à son enfant. Il était certain de détenir quelque chose qui intéressait la jeune fille au plus haut point et il avait bien l’intention d’en profiter et de monnayer ce qu’il savait au prix fort.

Posant ses deux mains à plat sur la table, il lui sourit.
« J’ai envie de danser et je veux que tu danses dans mes bras… tu viens Isil ? »

Sans se préoccuper du regard dépité de Lasmer et de son ami Therel, elle se leva et après avoir effectué le tour de la table, elle suivit Adamar vers l’endroit où les villageois dansaient en riant et en frappant dans leurs mains. De sa table, le magicien, plus préoccupé que jamais, ne les perdait pas des yeux tandis que le chef lui secouait le bras.
« Hé, Hiivsha, vous m’écoutez ? Vous paraissez bien distrait… »

Le regard sombre du magicien se posa sur lui et s’adoucit pour donner le change.
« Oui, oui, répondit-il… je vous écoute Balgoff… vous me disiez que vos pieds vous font souffrir… Eh bien, passez donc à mon chalet un de ces jours, je vous donnerai une potion qui vous soulagera.
– Ah cher ami, que ferions-nous sans vous ? »

Adamar tenait Isil par la taille et la faisait sauter dans ses larges mains en la lançant dans les airs pour qu’elle effectue un tour complet au rythme de la musique enivrante. Les gens criaient et riaient de bon cœur. Les échos de la fête s’échappaient dans la nuit et résonnaient vers les montagnes au-delà desquelles se trouvaient les plaines mortes des Quatres Vallées. Le souffle court, la jeune fille se laissa tomber dans les bras de son cavalier. Par-ci, par-là, des groupes de jeunes gens s’évadaient de la place pour se réfugier dans des coins plus intimes ou dans quelque confortable maison pour s’y adonner à quelques heures de plaisirs en commun.
« Je suis morte, dit-elle le souffle court… ces danses locales sont exténuantes ! »

Le forgeron sentait que son heure était venue. Isil était dans ses bras, le dos frémissant contre son torse et il pouvait respirer délicieusement son odeur en se réjouissant de pouvoir sentir battre son cœur à travers sa poitrine qu’il pressa discrètement de ses mains, sans que la jeune fille ne réagisse. C’était bon signe. Il se risqua à lui embrasser la nuque tout en continuant à lui prodiguer des caresses sous la robe. Isil tourna légèrement la tête en arrière et ses lèvres gobèrent les siennes. Il l’embrassa avidement sans aucun mouvement de protestation de sa part. Le forgeron était aux anges et sentait déjà tout son être se tendre d’excitation. N’en pouvant plus, il l’entraîna dans un coin obscur et la plaqua contre un petit mur de pierres moussues.  Passant alors une main dans le décolleté de la robe, il s’empara d’un sein et le pétrit avec délectation tout en glissant l’autre main entre ses cuisses. Isil, parvint à décoller un peu sa bouche de celle de l’homme et murmura.
« Pas comme ça, pas ici… attends un peu… »

Il la lâcha et la prit par la main.
« Pas question d’attendre… allons chez moi !
– Non, résista Isil, je ne veux pas me retrouver seule chez toi…
– Bon alors, allons chez Besser, notre libertin de service, il doit bien y avoir dans sa maison vingt personnes en train de se livrer à toutes les fantaisies dignes d’une fête comme celle-ci… mais tu risques ne pas avoir que moi à supporter… tels que je connais ses amis, ils voudront tous épuiser tes faveurs et goûter à tous tes charmes d’ici le lever du soleil et rien ne les retiendra ! Alors que chez moi…
– Bon, comme tu veux… chez toi si tu le désires… mais avant, parle-moi de ce Ragnard que tu as combattu. »

Il relâcha un peu son étreinte et ricana.
« Tu as de la suite dans les idées… pour un peu je pourrais penser que tu te livres à moi juste pour que je te dises ce que je sais sur cet homme ? »

Isil prit une pose provocante.
« Et après ? C’est bien moi que tu veux ? Peu importe la raison pour laquelle j’accepterais de me donner à toi non ? Profites-en, je pourrais bien changer d’avis. »

Le forgeron se gratta la nuque d’un air perplexe.
« Si je te dis tout ce que je connais de cet homme, tu me diras pourquoi tu veux le savoir ?
– Non, répondit-elle en secouant la tête, si tu me racontes tout ce que tu sais sur lui, je te livre mon corps pieds et poings liés et tu en feras ce que tu voudras… mais mon âme restera à moi… intacte… »

Il fronça les sourcils ne parvenant pas à comprendre le discours, mais la perspective de plier ce superbe corps à ses quatre volontés, et l’idée des scènes osées qu’il entrevoyait déjà de partager avec la jeune fille, l’emporta sur la curiosité.
« Jure-moi qu’après t’avoir tout dit de ce que je sais, tu accepteras à ton tour sans discuter, tout ce que j’aurais envie de faire avec toi !
– Je le j… »

Isil ne put terminer sa phrase car un vent glacé parcourut subitement la petite impasse dans laquelle ils se trouvaient et instantanément les haies, la mousse et les feuilles des arbres se recouvrirent d’une épaisse pellicule de givre. La température tomba en un instant bien en dessous de zéro et tous deux se mirent à grelotter fortement en regardant tout autour d’eux, sans comprendre ce qui se passait. Au bout de l’impasse, légèrement dans l’ombre, une grande et puissante silhouette se dessinait et Hiivsha s’avança vers eux en tenant levé son bâton au sommet duquel la pierre bleue brillait d’étranges éclats. Il émanait de son visage un inquiétant reflet sombre très particulier qui empêchait de bien le distinguer. D’une voix étonnamment chaotique et résonnante, il s’adressa au forgeron qui tremblait irrésistiblement de froid à l’instar d’Isil.
« Adamar ! Laisse cette jeune fille tranquille et retourne chez toi ! »

Comme subjugué, l’homme s’éloigna d’une démarche hésitante, sans ouvrir la bouche. Le magicien baissa son bras et la pierre perdit son éclat tandis que son visage redevenait normal en même temps que la température de l’air. Il s’approcha tout près d’Isil furieuse.
« De quel droit interviens-tu dans mes affaires, cria-t-elle. Il allait me parler de Ragnard et toi… toi… oh ! »

Elle frappa plusieurs fois le sol d’un pied rageur.
« Je te déteste ! »

Il l’attrapa par la main et la traîna derrière lui sans plus dire un mot en l’obligeant à prendre le chemin du chalet. Quand ils se furent éloignés du village, il la lâcha et elle se frotta le poignet.
« Tu m’as fait mal, se plaignit-elle.
– Je suis désolé, répondit-il, mais je pensais qu’une guerrière comme toi avait son poignet plus solide. »

Elle grommela quelque chose d’inaudible.

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Dernière édition par Hiivsha le Lun 14 Oct - 15:50, édité 2 fois
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Minos
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Retard rattrapé.

Encore une fois, toujours aussi plaisant à lire, les chapitres se suivent sans jamais se ressembler.Wink 

Une nouvelle vie commence pour Isil, prête à tout pour se donner les moyens de sa vengeance... dont on commence à reparler. L'intrigue principale se réinvite dans l'histoire, et on sent bien que les choses sérieuses sont pour bientôt : le calme avant la tempête.

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15 - La route de Tarentia


Ils marchèrent en silence, lui devant, elle à trois mètres derrière, la tête baissée, donnant ça et là quelques coups de pied dans des pierres qu’elle envoyait rouler au loin. Sa colère était retombée mais elle ne voulait pas l’avouer malgré un sourire furtif qui se dessinait de temps en temps sur ses lèvres. Le magicien restait silencieux, l’air préoccupé, les sourcils froncés, le visage sombre. Le moment qu’il redoutait était arrivé et son cœur était blessé de l’avenir qu’il entrevoyait déjà.

Arrivé dans la maison, il lança sa cape sur un fauteuil.
« Assieds-toi, ordonna-t-il l’air bougon. »

Isil obtempéra, sentant que ce n’était pas le moment de le contrarier.
« Je vais te parler de Ragnard, puisque c’est ça que tu veux… et sans que tu ais besoin de te prostituer pour cela ! »

Le ton était cassant, incisif et dénotait une légère blessure. La jeune fille gardait la tête baissée sur sa chaise.
« Tu connais Ragnard et tu ne m’as rien dit quand je t’ai raconté ce qu’il avait fait à mon peuple ? marmotta-t-elle entre ses dents. »

Hiivsha écarta les bras puis les laissa retomber bruyamment et s’assit en face de sa protégée.
« Je ne voulais pas t’en parler… je ne souhaitais pas qu’on t’en parle… il y a des blessures qui ont besoin de cicatriser et j’avais espéré parvenir à guérir les tiennes.
– Je ne pourrai jamais guérir…
– C’est faux, on peut guérir de tout… simplement il faut le vouloir et dans ton cas, il te faut beaucoup d’amour.
– Je t’ai dis qu’il ne fallait pas m’aimer.
– Et tu sais ce que je t’ai répondu… écoute, je suis plus vieux que toi mais pas suffisamment pour être ton père… ou alors si je t’avais eu très jeune… mais peu importe ! Dès que je t’ai aperçue, j’ai souhaité que tu restes ici avec moi…
– Parce que je suis jolie ? ironisa-t-elle… Tu me vois comme un objet décoratif ou comme une jolie fille à coucher dans ton lit… comme tous les autres ?
– Ne sois pas blessante inutilement… T’ai-je jamais touchée autrement qu’avec une grande affection ? T’ai-je jamais demandé de partager ma couche, de faire l’amour avec moi ? Parce que tu es jolie dis-tu ? Certes, oui, tu es la femme la plus adorable, la plus belle que je n’ai jamais rencontré… même mon épouse l’était moins que toi, ce qui ne m’a pas empêché de l’aimer profondément et sans faille ! »

Il se leva et fit quelques pas dans la pièce.
« L’amour ne se commande pas. Il prend ! Il arrive d’on ne sait où, du plus profond de ce que l’homme a de meilleur en lui… l’amour c’est comme la magie… on peut le chercher mais c’est lui qui vous trouve. Je ne sais absolument pas ce qu’il en aurait été si tu avais été différente… c’est un vain débat… le présent est là et je souhaiterais tant que tu deviennes ma femme ! »

Il s’arrêta le dos tourné à la jeune fille dont il sentit le poids du regard.
« Ta femme ? répéta-t-elle dans un murmure… c’est la plus jolie chose qu’on m’ait dite depuis longtemps… »

Elle se leva et alla jusqu’à lui, le força à se retourner pour lui prendre les mains.
« Mon dieu, dit-elle, tu m’aimes je le sens…
– Et toi, m’aimes-tu ?
– Je ne sais pas… je te suis reconnaissante de m’avoir accueillie comme ta fille et j’aime toutes les qualités que tu portes en toi… j’aime ce que tu es… je te sens fort, tu me rassures lorsque tu es là… j’aime ton humour, tu parviens si facilement à me faire rire… je suppose que c’est bien assez pour devenir ta femme… »

Elle s’arrêta et baissa les yeux.
« Mais… continua-t-il.
– Mais c’est trop tard maintenant… hier encore, j’aurais peut-être dit oui…
– Et aujourd’hui que tu as retrouvé l’espoir de remettre la main sur ce vanir, tu ne souhaites plus qu’une chose : savoir où le débusquer pour te venger ! C’est cela Isil ? Tu vas laisser tes sentiments obscurs t’emporter dans ce gouffre sombre, vide d’amour et d’espoir ? »

Elle lui lâcha les mains et se retourna. Il ajouta.
« Tu comprends pourquoi je ne t’ai jamais parlé de Ragnard ? »

Elle fit oui de la tête. Il souffla de désespoir et se laissa tomber dans un fauteuil.
« Il n’y a pas que Adamar qui a combattu aux côtés de Conan… Il y a de cela pas mal d’années, j’ai guerroyé avec lui contre les Pictes et les Stygiens. Puis contre les incursions du Vanaheim à l’époque où cette armée, ces Loups, emmenés par une femme très belle appelée Siobhan, les a aussi affrontés les repoussant jusque dans leur propre pays où elle commis l’erreur de les suivre… les Loups du Vanaheim…
– Que devinrent-ils ?
– Ils moururent… quelques-uns en réchappèrent mais d’après l’histoire… ou la légende, c’est selon… ils furent trahis par leurs alliés et exterminés… il doit y avoir de cela cinq ou six ans… s’il en reste encore, ils doivent se terrer quelque part ou croupir dans quelques cachots humides de Némédie ou d’ailleurs…
– Et la Légion Noire ?
– La Légion du Dragon Noir pour être précis… c’était une puissante armée vanir, commandée par un chef redoutable du nom de Ragnard. Nous l’avions repoussé à l’époque des Loups, sous les ordres de Conan, jusqu’au nord de la Cimmérie… Mais il y a deux ans, il est redescendu vers le sud, atteignant le nord de l’Aquilonie… je suppose que c’est lors de cette expédition qu’il a massacré les tiens, guidé par ce Malak dont tu m’as parlé… »

Il marqua une pose en observant la jeune fille silencieuse.
« Conan a appelé à la résistance et j’ai repris les armes. Nous avons vaincu l’armée de Ragnard au prix de beaucoup de pertes. C’est alors que la politique s’en est mêlée. Ragnard était blessé mais pas assez pour ne pas rester dangereux. Il a alors proposé à Conan son aide pour lutter contre les Pictes qui avaient passé leur frontière en échange de quoi, le roi s’engageait à prendre les Vanirs comme mercenaires et à leur accorder le pardon pour leurs crimes passés.
– C’est ignoble, Conan n’a pas pu accepter ? se révolta Isil.
– La réalité est toute autre, jeune fille… Conan avait besoin d’hommes pour se battre et repousser les Pictes, cette aide était donc la bienvenue. Les victimes passées des Vanirs, ton peuple y compris, furent sacrifiées sur l’autel du réalisme politique et militaire… avec succès d’ailleurs, car les Pictes furent écrasés peu de temps après.
– Et Ragnard, qu’est-il devenu ?
– Il se tient aux ordres du roi et quand il ne remplit pas son métier de mercenaire, il vit à Tarentia avec quelques-uns de ses hommes. Aucune chance de l’approcher… c’est un homme dangereux Isil, il te tuera à la moindre occasion, crois-moi. Laisse les morts reposer en paix et laisse-moi te guérir d’amour. »

La jeune fille secoua la tête et regarda au loin par la fenêtre.
« Je dois me libérer de ce fardeau qui m’oppresse.
– Crois-tu que la mort de Ragnard te libèrera ? Non, elle te détruira. Quand tu auras accompli ta vengeance, si tu y parviens, ta vie se videra comme une poche de sel trouée.
– Je n’y puis rien… je dois le faire. »

Le magicien tenta un dernier argument.
« Tu n’as pas fini ta formation à l’épée ! Au moins attends d’en être arrivée au bout ! »

Elle se retourna et se jeta à genoux aux pieds du magicien.
« Laisse-moi partir Hiivsha, je t’en supplie… Si tu m’aimes, laisse-moi partir.
– Tu n’es pas prisonnière Isil…
– Je reviendrai quand ce sera fini… je te le promets… »

Il lui caressa tendrement la tête et les joues.
« Je l’espère… de tout mon cœur… mais je crains fort que la route que tu as décidé d’emprunter te conduise inévitablement et définitivement loin de cette maison… Toutefois, si dans un an tu n’es pas revenue, je te jure que c’est moi qui irai te chercher, où que tu sois. »

Elle blottit son visage au creux de ses mains en murmurant.
« Je sais que tu me retrouveras si je me perds… »

Le magicien se leva doucement. Il paraissait avoir subitement vieilli.
« Il faut te reposer. Au matin, je sellerai Ombre, c’est une fière jument très docile. Elle t’emmènera jusqu’à Rosso sur le fleuve qui descend à Messantia en Argos et qui passe à Tarentia. Là, tu la laisseras à Moloch, l’aubergiste… c’est un vieil ami, il en prendra soin et me la fera remonter dès que l’occasion se présentera. Il y a souvent des bateaux qui descendent le fleuve. Tu en prendras un, ce sera plus sûr et plus rapide pour atteindre Tarentia… là-bas, tu n’auras aucun mal à te trouver une autre monture avec l’or que je vais te donner. Tu es vraiment certaine de vouloir partir ? »

Il connaissait déjà la réponse. Isil le regarda avec affection.
« Oui, je suis sûre… »

Puis elle ajouta.
« Veux-tu de moi dans ton lit cette nuit ? »

Le magicien secoua la tête.
« Je ne puis t’aimer maintenant pour te voir partir demain… ce serait bien trop cruel, même pour quelqu’un comme moi… Non, je dirais oui si tu devais rester… mais là… comme ça… non, pardonne-moi. »

Comme il montait vers sa chambre, la jeune fille murmura les larmes aux yeux.
« Non, toi, pardonne-moi ! »

………………………………………………

Isil mit quatre jours à rallier Rosso, petit port sur le fleuve, qui vivait du commerce de bois et de minerais dont il ravitaillait la capitale.  La route fut calme et paisible et la jeune fille découvrit un peu plus chaque jour l’Aquilonie, ses plaines et ses montagnes, ses forêts et ses champs. Elle passa les deux premières nuits à la belle étoile dans une clairière ou au bord d’un ruisseau, mais ne dormit que d’un œil. Très fatiguée, le troisième soir, alors que l’orage s’abattait sur la contrée, elle eut la chance de tomber sur une auberge isolée au bord de la route, relais des voyageurs de commerce et autres gens de passage.

Il y avait beaucoup de monde dans la grande salle mais il y faisait bon et l’odeur provenant de la cuisine était alléchante. Son entrée ne passa pas inaperçue dans la pièce essentiellement occupée par des hommes, mais les conversations reprirent rapidement après un temps de silence et quelques sifflets plus ou moins discrets.

Un grand et gros bonhomme d’aubergiste chauve, arborant un tablier maculé de tâches de graisse, s’empressa de venir l’accueillir en multipliant les courbettes. Elle lui tendit sa cape de voyage ruisselante de pluie qu’il accrocha à une patère et prit place à une petite table dans un coin reculé de la salle commune, faiblement éclairée par la flamme chancelante d’une bougie à moitié consumée. Quelques regards furtifs se posèrent sur elle tandis que le colosse susurrait.
« Soyez la bienvenue dans ma modeste auberge jeune fille… Qu’est-ce qui vous amène sur nos chemins par un temps aussi épouvantable ?
– Je viens d’Orandia et je me rends à Tarentia, répondit-elle simplement. Ma jument est dehors…
– Je vais donner des ordres pour qu’on l’emmène à l’écurie et qu’on prenne bien soin d’elle… »

Il fit claquer ses énormes mains et un jeune garçon accourut depuis les cuisines. Il dévisagea Isil bouche bée jusqu’au moment où le tavernier lui asséna une claque sur la nuque.
« Cesse de regarder la demoiselle bêtement et va t’occuper de son cheval ! »

Le garçon sortit en se frottant la nuque.
« Il faut l’excuser, il n’a pas souvent l’habitude de voir une aussi jolie personne dans cette auberge… je m’en vais vous quérir boire et manger… »

Elle le retint par le bras.
« Je voudrais une chambre pour la nuit !
– Ah, c’est que… hésita le bonhomme en se grattant la tête, avec l’orage, elles sont toutes prises… il reste des places dans le dortoir… mais, vous ne serez pas seule… »

Il cligna discrètement de l’œil en montrant la salle d’un coup de tête.
« Je ne sais pas si la compagnie vous ira… grimaça-t-il, une personne telle que vous… sinon, vous pouvez allez dormir dans l’écurie, mais votre sécurité n’en sera pas plus garantie… »

Isil fit le tour de la salle du regard. Il y avait là quelques marchands, reconnaissables à leur tenue de voyage colorée, des soldats en armes, quatre hommes visiblement aisés aux doigts garnis de bijoux, sans doute des notables, accompagnés d’une femme âgée, un petit groupe de prêtres en longue robe traditionnelle et trois autres hommes, genre soudards qui s’exclamaient sans retenue non loin de là.
« Je dormirai dans le dortoir, décida-t-elle… ces messieurs ne m’impressionnent pas !
– Comme vous voulez, jeune fille. Je vous apporte de quoi vous restaurer et vous remettre de votre voyage ! »

Quand il eut le dos tourné, l’un des trois hommes se leva et vint s’asseoir à sa table, deux coupes dans une main et un pichet dans l’autre, sans plus solliciter sa permission.
« Bienvenue dans cette contrée demoiselle, permettez-moi de boire avec vous ! déclara-t-il en lui versant du vin. C’est le meilleur de cette auberge, la réserve personnelle de notre hôte ! »

C’était un gaillard aux longs cheveux flamboyants et à l’épaisse moustache rousse. Son visage marqué de nombreuses cicatrices était rude et guère avenant.  Il leva sa coupe en adressant un clin d’œil à ses compères et la vida, tandis qu’Isil acceptait de boire une gorgée. Elle ne voulait pas d’histoire et attendait sagement la suite en espérant que l’homme n’irait pas trop loin dans son attitude désinvolte et passablement grossière.
« Alors, reprit-il ? Où allez-vous donc par un temps aussi affreux ?
– A Tarentia, bien que cela ne vous regarde aucunement. »

Il prit un air outragé.
« Oh, mademoiselle est bien réservée… moi je ne veux que parler et boire avec vous… j’ai le sens de l’accueil très développé et vous êtes sur notre territoire… alors je vous accueille. »

Isil décida de ne pas envenimer la situation et sourit en vidant à son tour sa coupe que l’homme s’empressa de remplir de nouveau.
« Vous avez là une fort jolie épée ! Et votre arc est remarquablement bien tourné… il est vrai que quand on voyage seule et qu’on est une femme, il vaut mieux avoir de quoi se défendre… À condition toutefois de savoir s’en servir ! ajouta-t-il en riant grassement. »

Elle le regarda au fond des yeux.
« Ceux qui ont goûté à mes flèches n’ont jamais pu se plaindre de mon adresse… en fait, ils ne se sont plus jamais plaints de rien ! »

Une lueur féroce brilla l’espace d’un instant dans les yeux de l’inconnu qui reprit aussitôt après un air affable.
« Une fière guerrière alors ? Qu’est-ce qui vous amène à Tarentia ? Vous cherchez du travail ? Une personne peut-être ? Ou êtes-vous en mission pour le compte de quelqu’un ? Je connais beaucoup de monde à Tarentia et si je puis vous être d’une quelconque utilité… »

Isil ne répondit pas et, tout en soutenant son regard, but une autre gorgée de vin. L’homme encouragé, vida sa coupe qu’il remplit aussitôt après.
« Pas bavarde la jolie guerrière ? Entre nous, on fait peut-être le même travail… »

La jeune fille pencha la tête de côté d’un air interrogateur.
« C'est-à-dire ?
– Travailler pour celui qui paye le plus… mercenaire quoi… Nous, c’est notre cas depuis qu’on a quitté l’armée de Ragnard ! N’est-ce pas vous autres ? »

Il leva la coupe à l’adresse de ses deux compagnons qui acquiescèrent bruyamment. Les yeux d’Isil se mirent à briller.
« J’ai déjà entendu prononcer ce nom… dit-elle prudemment, mais je ne me rappelle plus où ? »

L’homme se mit à rire.
« Partout dans le pays ! Ragnard a été le chef Vanir le plus craint, il n’y a pas si longtemps que cela… »

Puis il marmonna.
« Jusqu’à ce que ce Conan s’en mêle !
– Ah oui, je me souviens, des histoires qu’on me racontait…
– Des histoires ? Ah par Crom, ma jolie, point d’histoires que tout cela mais réalité vraie, oui !
– Je suis impressionnée, dit-elle d’un air faussement timide… ce… Ragnard doit être une véritable légende… il est toujours vivant ?
– Par tous les dieux, un peu qu’il est vivant !
– On peut le rencontrer ? »

L’homme toisa Isil et partit d’un éclat de rire.
« Voilà bien l’affaire ! Toutes pareilles les femelles ! Dès qu’on parle d’une brute, elles veulent savoir à quoi ça ressemble ! Rencontrer Ragnard ? Bah ! »

Il éructa puissamment et Isil retint une grimace de dégoût à cause des effluves que son haleine dégagea, pareilles à celles des égouts les plus empuantis.
« Difficile… oui… il va et vient entre ce pays et la frontière picte sur ordres du roi auquel il s’est vendu… Le seul endroit qu’il fréquente régulièrement quand il vient à Tarentia c’est le bordel de « La Panthère Noire » où il a ses habitudes… »

Le soudard vida une nouvelle fois sa coupe et s’essuya la bouche d’un revers du bras.
« Mais je suis sûr que tu lui aurais beaucoup plu ! Il apprécie tout particulièrement les belles blondes bien jeunes et bien foutues ! »

L’aubergiste sauva la situation en apportant le repas. Il regarda l’homme d’un air méchant.
« Ce monsieur vous ennuie mademoiselle ? Faut le dire… je n’aime pas qu’on importune mes clients ! »

Isil regarda l’inconnu et répondit sans le quitter des yeux.
« Non, tout va bien, merci… ce monsieur me souhaitait la bienvenue… et d’ailleurs, il allait rejoindre ses amis à leur table… »

Le mercenaire se leva. Il faisait une bonne tête de moins que l’aubergiste et ne chercha pas à discuter. Il alla donc se rasseoir auprès de ses amis qui le reçurent avec quelques moqueries. Isil adressa un regard reconnaissant à son hôte en lui souriant.
« Merci.
– Je vous en prie… une cliente chez moi, c’est sacré ! tonna-t-il pour bien se faire entendre de tout le monde. »

Puis, sur un ton plus confidentiel.
« Dites, si cette nuit vous avez des ennuis avec ces zigotos, adressez-vous à ces soldats là-bas au fond… Ce sont des officiers du roi Conan et je connais bien l’un d’eux. Ils sont de confiance et vous viendront en aide si besoin… je vais d’ailleurs leur en toucher deux mots ! »

Le repas fut bienvenu car avec son estomac dans les talons plus le manque de sommeil, le vin commençait à lui tourner la tête. On la servit comme une princesse et elle fut l’objet de toutes les attentions du patron.

La soirée bien avancée, elle se rendit à l’écurie pour vérifier si Ombre était bien installée puis se décida à regagner le vaste dortoir commun où quelques marchands se préparaient déjà à se coucher. Dans la pénombre, elle distingua les trois mercenaires qui chuchotaient peu discrètement et qui la suivaient du regard. Elle choisit un lit vide un peu à l’écart, posa son arc et son carquois à côté, et ôta ses bottes. Puis elle sortit ostensiblement son épée du fourreau en regardant les soudards qui n’en perdaient pas une miette. L’épée brilla dans la faible clarté qui parvenait de la fenêtre toute proche. Elle la posa sous la couverture, puis sortit de son étui la dague d’Alamir pour la glisser sous l’oreiller, en prenant bien soin d’être vue par tous ceux que cela intéressait. Enfin, elle ôta discrètement sa tunique et se glissa promptement dans l’épaisse couverture avant que les hommes n’aient eu le temps de faire un commentaire.

Elle entendit juste l’un deux murmurer un « laisse tomber » évocateur, puis les soldats entrèrent à leur tour dans le dortoir pour se coucher. Une demi-heure plus tard le silence était tombé sur l’auberge, seulement troublé par de forts ronflements réguliers.

Le lendemain, Isil arrivait à Rosso.



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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 14 Oct - 20:46

C'est copié, je vais pouvoir commencer à lire... j'en ai déjà pas mal dans mon escarcelle.
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeMar 22 Oct - 13:35

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16 - La "Panthère Noire"


L’auberge de « La Truite Fumée » étant la seule de Rosso, Isil eut tôt fait de trouver le nommé Moloch à qui elle se présenta. Visiblement ce dernier était un grand ami d’Hiivsha, car à peine eut-elle prononcé son nom, qu’il la prit dans ses bras et l’embrassa comme sa propre fille avec une amicale exubérance non feinte.

Il fallut raconter, expliquer autant que faire se peut, boire à la santé des amis, manger… ce qui prit le reste de la journée. L’aubergiste et sa femme écoutèrent religieusement Isil leur donner des nouvelles du magicien dont elle évoqua incidemment l’épouse disparue.
« Nous nous sommes beaucoup inquiétés pour lui après la mort tragique d’Aloïse, se souvint Trania la femme de Moloch. Il était comme fou et prêt à tout pour se venger. Il est parti pour retrouver la bande de brigands qui l’avaient assassinée… il parait que ce fut terrible et sanglant… Il a failli en perdre la raison. Ensuite, il a disparu pendant des années sans donner de ses nouvelles et tout le monde a cru qu’il était mort. Puis un jour, il est réapparu mais c’était un autre homme, un puissant magicien… un templier noir… Il était devenu sage et serein comme jamais il ne l’avait été… Nous sommes bien heureux d’avoir de ses nouvelles, et par Mitra, quelle jolie messagère vous faites ! »

On lui donna la plus belle chambre de l’auberge car le bateau pour Tarentia ne partait que le surlendemain après avoir chargé le bois. Moloch lui réserva une place auprès du capitaine, un ami, en lui recommandant de veiller sur sa passagère comme sur sa propre fille.

Il y avait plus de cinq cents kilomètres de Rosso à Tarentia et le fleuve était la voie la plus sûre et la plus pratique pour y parvenir. On évitait ainsi de nombreuses régions peuplées de brigands Pictes, de bêtes sauvages et autres joyeusetés et on voyageait ainsi plus rapidement. Isil n’avait pas le pied marin et fut malade sitôt le départ jusqu’à l’arrivée, au grand regret du capitaine qui ne put profiter pleinement de sa charmante compagnie.

La jeune fille fut heureuse de retrouver le plancher des vaches et, après avoir chaleureusement remercié son hôte, elle gravit la rue qui menait à l’intérieur de la cité.

Tarentia était une grande ville fortifiée, protégée par de puissants murs d’enceinte d’un blanc éblouissant sous le soleil, construite sur des hauteurs qui facilitaient sa défense contre l’ennemi. Les quartiers nobles étaient séparés de la ville marchande par le fleuve que l’on traversait sur un imposant pont en arche unique bien gardé, et des bas-quartiers par un solide rempart.

Le plus dur allait commencer pour Isil. Si elle savait que Ragnard se trouvait fréquemment à Tarentia, elle ne savait comment l’approcher de suffisamment près pour le tuer. L’homme de l’auberge sur le chemin de Rosso avait dit qu’il fréquentait assidûment un bordel de la ville. L’idée se fit jour dans sa tête que c’était peut-être le seul moyen de se retrouver en tête à tête avec lui. S’il aimait, comme avait également dit le soudard, les jeunes femmes blondes, il y avait des chances qu’elle puisse attirer son attention. Mais cela impliquait de se faire engager à la « Panthère Noire » et cela sous-entendait également accepter de se prostituer dans l’attente de cette occasion.

De fait, sa décision était prise depuis longtemps, depuis le sombre jour de ses noces où Ragnard et ses Vanirs l’avait dépossédée de sa virginité en avilissant son corps de la plus odieuse des façons durant toute une nuit. Que lui importait donc maintenant que d’autres hommes refassent les mêmes gestes, si c’était pour parvenir à assouvir sa vengeance ? La haine qui la consumait l’aiderait à affronter les instants où elle devrait se livrer à des clients en mal d’amour ou avides de domination forcenée.

Le seul problème de l’équation restait cette question : comment se faire engager dans le lupanar ?

« La Panthère Noire » était une grande maison blanche aux poutres apparentes, bien tenue au cœur de la ville, non loin du temple de Mitra, près du quartier marchand et située au fond d’une ruelle joliment décorée de rosiers et de myriandres de Stygie, bordée de hauts murs blanchis à la chaux qui protégeaient discrètement les jardins de la vue des passants. Isil avait pris une chambre dans un petit hôtel non loin de là, où elle avait caché ses armes enfouies dans un grand sac de jute déposé au fond d’une armoire fermée à clé.

Elle s’était achetée une courte robe bleu pâle, d’une légère transparence très provocante, largement décolleté devant et derrière pour ne rien laisser ignorer de son anatomie, et bien qu’habituée à des tenues « à minima », elle fut toute alarmée et plus qu’embarrassée à l’idée de s’aventurer ainsi vêtue dans les rues. Mais il lui fallait attirer sur elle l’attention du propriétaire de « La Panthère Noire » qui avait ses habitudes, comme elle avait pu s’en apercevoir en le filant discrètement pendant plusieurs jours, et notamment celle de prendre un verre chaque soir dans une taverne située au fond d’une rue étroite menant à la place du marché. Là, il retrouvait toujours les mêmes hommes, et s’adonnait à une sorte de jeu basé sur des bouts de bois de couleurs différentes.

Lorsqu’elle fut prête, Isil revêtit sa robe bleue et se rendit la nuit tombante jusqu’à cette taverne en rasant les murs, sans répondre aux sollicitations de quelques messieurs qui émaillèrent son court parcours dans les rues de propositions indécentes. Pénétrant aussi discrètement que possible dans la taverne, elle s’isola dans le coin le plus obscur qu’elle trouva. Fort heureusement, il n’y avait pas grand monde et personne ne songea à l’importuner. Elle commanda à boire et patienta un long moment jusqu’à ce que la silhouette désormais familière du propriétaire du bordel se fit voir dans l’encadrement de la porte.

Comme chaque soir, il s’assit en compagnie de trois autres personnes, et après avoir passé commande auprès d’une serveuse, ils commencèrent leur partie. Au bout d’une heure, Isil se leva discrètement comme quelqu’un qui a l’intention de partir sans régler sa note et ce, de telle façon que le tavernier l’intercepte tout près de la table des joueurs.
« Hep là, ma jolie, je crois que tu oublies quelque chose ! Tu ne comptais tout de même pas partir sans payer ? »

Il l’attrapa fermement par le bras la faisant grimacer de douleur.
« Aïe, non… mais… je viens de m’apercevoir que j’ai oublié ma bourse à l’hôtel… j’allais la chercher… dit-elle d’une voix volontairement enfantine et misérable.
– Tu me prends pour un idiot, tonna le tavernier en la secouant… une voleuse oui, voilà ce que tu es ! Mais avec moi ça ne marche pas ! Tu vas me payer ma jolie ou je te passe une correction dont tu te souviendras toute ta vie, et après je t’emmène au poste de garde… tu vas apprendre qu’on ne plaisante pas à Tarentia avec les gens de ton espèce ! »

La partie de bouts de bois s’était interrompue et les quatre hommes suivaient la scène avec intérêt.
« Je vous en supplie monsieur, pleurnichait la jeune fille, je vous assure que j’ai de quoi payer dans ma chambre…
– C’est pas dans ta chambre que tu dois avoir de quoi payer, c’est ici et tout de suite ! »

Il la bouscula et elle s’arrangea pour se laisser tomber aux pieds du propriétaire de la « Panthère Noire ».
« Debout ! cria le patron… je vais te montrer à coups de fouet comment je fais payer les clients récalcitrants… et ensuite tu iras faire la plonge… et pour la chambre… ajouta-t-il en riant grassement, ne t’en fait pas, on va t’arranger ça, ici ! »

Isil sentit une main qui la relevait par les aisselles et une voix qui demandait doucement.
« Combien vous doit cette enfant, patron ?
– Une pièce de bronze monsieur Braggard. »

Le tenancier de la « Panthère Noire » jeta deux pièces sur la table.
« Voici pour elle, et une de plus pour le dérangement, dit-il sèchement. »

Le tavernier empocha les pièces en grommelant et s’en retourna derrière son comptoir tandis que l’homme se levait et raccompagnait Isil vers la sortie. Une fois dans la rue, elle le remercia en souriant pauvrement.
« Je ne sais comment vous remercier, balbutia-t-elle.
– Voyons mon enfant, tu n’es pas de Tarentia je suppose. »

Elle fit non de la tête en le regardant avec ses grands yeux bleus, tâchant de se remémorer le regard du chien errant devant la salle commune de Valaar le matin qui avait suivi le massacre du village.
« Tu fais quoi par ici ? Tu cherches quelqu’un ? Tu as de la famille ? »

Petit signe négatif d’Isil. Il la déshabilla du regard d’un œil connaisseur, appréciant ses formes et la couleur de ses cheveux.
« Tu t’es dit que tu trouverais du travail à la ville, c’est ça ? »

Elle hocha la tête timidement.
« Je crois que j’ai quelque chose pour toi… ça te permettra de me rembourser et de te remplir les poches, ça t’intéresse ?
– Peut-être, avança-t-elle prudemment.
– Je suis le propriétaire de la « Panthère Noire » un peu plus loin d’ici, vers le Temple, à gauche… j’ai quelques jeunes femmes qui travaillent pour moi et s’occupent des clients qui viennent passer un peu de bon temps… tu vois ce que je veux dire ?
– Je crois, oui.
– Bon… Tu es jeune et très jolie, et je n’ai aucune fille aussi blonde que toi… mes clients t’apprécieraient certainement beaucoup…  Si ça t’intéresse, viens me voir demain et je t’installerai dans un petit nid douillet pour la durée que tu voudras… comme ça, tu n’auras pas besoin de payer un hôtel… tu seras nourrie, logée, habillée… et le cinquième de ce que tu gagneras sera entièrement pour toi ! Réfléchis-y cette nuit si tu veux. »

Elle hocha la tête. Il lui caressa la joue.
« Bien… si tu ne veux pas, tu pourras toujours passer me rendre la pièce de bronze que tu me dois… entendu ?
– D’accord.
– Ah la bonne heure ! Dans ce cas, à demain ma petite. »

Elle s’éloigna tandis qu’il se frottait les mains en observant ses hanches se balancer dans l’obscurité. Puis, avec un air satisfait, il regagna la taverne et ses amis qui l’attendaient.

Dans la rue, Isil sautillait comme une enfant en arborant un large sourire. Elle avait réussi la première partie de son plan !

………………………………….

« La Panthère Noire » était le lupanar le plus luxueux de la capitale d’Aquilonie, réputé pour ses femmes de grande beauté venant des quatre coins d’Hyboria, ses herbes à fumer et ses liqueurs aphrodisiaques. Il arrivait parfois qu’un riche noble y trouve une splendide fille et reparte avec pour l’épouser.

Un grand eunuque noir, fort bien bâti, ouvrit à Isil et après l’avoir toisé du regard, la fit entrer dans un petit vestibule douillettement décoré d’étoffes de Stygie et de fauteuils moelleux. Cette entrée donnait sur un vaste atrium garni de tables basses entourées de grands coussins pourpres et or, entouré d’arcades de marbre blanc ornées de bas reliefs représentant des scènes mythologiques érotiques. Des plantes grimpantes et des gerbes de fleurs jetaient leurs éclats multicolores tout autour de la pièce. En son milieu, une superbe fontaine bruissait en faisant jaillir des jets d’eau d’un ensemble de sculptures de marbre, reproduisant des nymphes s’ébattant sous une cascade. De part et d’autre du bassin se tenait deux panthères noires empaillées d’un réalisme effrayant. Derrière chaque arcade était situé un petit box intime, isolé par de grandes tentures rouges et jaunes. Au fond de l’atrium, deux grands escaliers montaient vers les étages où se trouvaient les chambres des pensionnaires de la maison, dans lesquelles pouvaient être reçus les clients désireux de passer un moment avec une ou plusieurs hôtesses.

Pour l’instant, la maison semblait déserte et, dans le calme environnant, on entendait très distinctement le gazouillis d’oiseaux provenant d’un magnifique jardin qui entourait la vaste demeure. L’eunuque revint un instant plus tard.
« Monsieur Braggard va vous recevoir, venez ! »

Elle le suivit dans un petit couloir sombre et voûté sur lequel donnaient plusieurs portes fermées. Au bout du couloir, le noir frappa discrètement et fit signe à la jeune fille d’entrer avant de refermer la porte derrière elle.
La pièce très claire tenait à la fois du bureau et du salon de réception, avec de grandes fenêtres donnant sur les haies du jardin, et de vastes canapés feutrés vert sombre posés sur de chatoyants tapis en pure laine qui devaient valoir une petite fortune. Autour du bureau se trouvaient le patron et une femme d’âge mûr, grande, brune, au teint de peau très mat dénotant son origine du sud, certainement de la Stygie. Elle avait le visage long et légèrement triangulaire qui faisait ressortir ses pommettes, et des yeux très noirs soulignés de longs cils. D’une beauté un peu mystérieuse, elle portait une longue robe pourpre serrée à la taille par une ceinture dorée. Sur  son front un diadème brillait de mille feux et un collier tombait sur son cou en une cascade étincelante de pierres précieuses éclatantes.
« Justement, la voilà, dit l’homme en regardant Isil s’avancer de trois pas dans la pièce. Voilà la perle dont je t’ai parlée tout à l’heure et que j’ai rencontrée hier soir à l’auberge. »

La femme se leva et observa longuement la jeune fille comme une proie, tournant lentement plusieurs fois autour d’elle.
« Mmm… tu avais raison… elle est belle et jeune… le reflet même de l’innocence nordique… Dis-moi jeune fille, quel est ton nom ?
– Isil madame.
– Isil, répéta-t-elle lentement d’une voix suave et grave comme si elle savourait une friandise.
– Eh bien, Isil, reprit Braggard, es-tu venue me rembourser ou t’intéresses-tu à ma proposition ? »

La jeune fille observa la femme qui continuait à tourner autour d’elle d’une démarche féline.
« Je suis venue vous rembourser ce que je vous dois, répondit-elle en jetant deux pièces de bronze sur le bureau. »

L’homme la regarda d’un air étonné et légèrement déçu.
« Ainsi ce que je t’ai proposé ne te plaît pas ? Tu penses trouver mieux en ville ? »

Isil sourit.
« Je n’ai pas dit que je n’étais pas intéressée, mais je ne voulais pas accepter en étant votre débitrice. »

Braggard haussa un sourcil.
« Une jeune fille pleine de principes ? C’est tout à ton honneur ! Et maintenant que tu ne me dois plus rien ?
– Si vous voulez de moi, répondit-elle en baissant la tête.
– Qu’en penses-tu Raïssa, interrogea l’homme en jetant un regard à la stygienne. »

Celle-ci se frotta le menton d’un air songeur.
« Faut voir… la beauté n’est pas tout, murmura-t-elle. »

Elle prit le menton d’Isil et lui releva la tête pour la regarder au plus profond des yeux.
« Es-tu vierge ma chérie ? »

La jeune fille fit non de la tête.
« Tu sais donc faire l’amour à un homme ? Tu as de l’expérience en ce domaine ? »

Nouvelle dénégation. Les yeux de la femme brillèrent d’un éclat gourmand.
« Tiens donc ! J’en déduis que tu as été forcée ? Par un homme… ou même par plusieurs… »

Isil baissa les yeux.
« Oui, reprit Raïssa, je vois tant de douleur au fond de toi… »

Elle lâcha sa proie et se retourna vers le propriétaire du lupanar avec une moue.
« Elle ne saura jamais contenter un client, conclut-elle. »

Puis elle continua en regardant de nouveau Isil.
« Vois-tu ma chérie, les hommes ont besoin de se convaincre qu’ils sont plus doués les uns que les autres lorsqu’ils sont avec une femme… la simulation est essentielle pour nous, car même sans plaisir… il faut savoir être convaincante et pour cela, seul compte l’expérience… Toi tu n’es pas prête ! Tu ne sauras pas… »

Braggard se leva et s’approcha d’elle en protestant
« Qu’à cela ne tienne, Raïssa ! Elle apprendra… confie-la à Abexeth, elle la formera et en attendant, il suffit de la proposer aux clients qui se fichent des prouesses de leur hôtesse… il ne manque pas d’hommes qui préfèrent prendre et dominer parmi notre clientèle.
– Il est certain qu’avec ces cheveux et ce corps, Isil peut être un nouvel atout pour ces lieux… j’en connais déjà plusieurs qui seront intéressés par elle. »

Tout en parlant, elle se livrait à des explorations sur le corps de la jeune fille toujours immobile, la tête baissée. Elle en apprécia du bout de ses longs doigts aux ongles allongés, la fermeté des jambes et des cuisses et le maintient de la poitrine.
« Dans cette maison, continua-t-elle en relevant de nouveau le visage d’Isil pour qu’elle la regarde bien en face, les clients n’ont pas le droit d’abîmer les filles… ni de leur infliger des souffrances hors de proportion avec les jeux auxquels ils peuvent se livrer… et certaines perversions sont interdites… Abexeth t’expliquera... En dehors de cela, le client est roi et tu te soumettras à ce qu’il te demandera de faire ! Crois-tu être prête pour cela ?
– Je pense que oui madame, répondit tout simplement Isil d’une voix douce. Je ferai de mon mieux.
– Bien, s’exclama Raïssa ! Et docile avec ça ! Je t’aime déjà ma chérie… Je pense que tu ne t’ennuieras pas chez nous ! Maintenant, je te laisse avec Braggard… il va… disons, s’entretenir un peu avec toi. Ensuite, je t’emmènerai dans tes appartements ! »

La stygienne sortit tandis que l’homme écartait les bretelles de la robe de la jeune fille pour la laisser glisser le long de son corps.
« Sois la bienvenue à la « Panthère Noire », Isil, murmura-t-il en hésitant longuement sur la suite à donner à son entretien. Bon sang, c’est vrai que tu es jolie ! »

Il tourna plusieurs fois autour d’elle, une main à quelques centimètres de sa peau comme s’il craignait de se brûler en la touchant. Puis il se campa devant elle et contempla longuement son regard.
« Il y a de la noblesse dans tes yeux… j’y perçois une volonté farouche qui essaye de se dissimuler… qui es-tu donc, Isil ? »

Comme la jeune fille restait muette, il soupira en regagnant son bureau.
« N’aie aucune crainte, je ne te toucherai pas. Rhabille-toi et va rejoindre Raïssa… »

Et comme elle s’éloignait en direction de la porte, il ajouta.
« Et… Isil… si tu as besoin de quelque chose… viens me voir. »

Elle hocha la tête imperceptiblement avant de quitter le bureau abandonnant l’homme à ses pensées.


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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 4 Nov - 14:07

Salut Hiivsha,

Je suis en train de finir ma béta lecture avec ce 15ième chapitre que j'ai copié la dernière fois... j'aime bien ton texte, même si ça mets longtemps à décoller, c'est pas plus mal, on accroche mieux avec les personnages comme cela.

Grosso modo, je trouve les dialogues hyper bien menés, certains personnages me sont déjà très chers (comme la cuisinière du magicien). Si non, j'ai annoté pas mal de mots qui me paraissent inutiles, et d'une manière général, des passages qui gagneraient à être plus concis, j'ai proposé pas mal de reformulations. Les "vouloir, pouvoir, devoir" ... sont trop nombreux, utilisés à la place de verbes de sens. Mais ce qui m'a le plus ennuyé c'est l'impersonnalité dont tu habilles Isil à force de "elle" et de "la jeune fille"... c'est très dommageable à mon avis.

J'espère finir avant ce soir, dernier jour de mes perms... après, il va falloir que je me consacre presque exclusivement au second tome de mon roman dont le premier tome vient de trouver un éditeur (j'ai signé le contrat vendredi dernier). Dans l'espoir que mes commentaires te soient utiles et que tu les utilises à bon escient, je continuerai à copier les chapitres au fur et à mesure pour t'envoyer des .doc via SWU... sans faire de promesses sur les dates de bétalecture.

Bon courage pour les corrections éventuelles que tu apporteras à ton texte.
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MessageSujet: Re: [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini]   [Roman] L'Archère des Quatre Vallées (18+) [Fini] - Page 3 Icon_minitimeLun 4 Nov - 15:12

Merci de tes efforts... je compte le reprendre intégralement le jour où tu l'auras tout lu, avant d'essayer de le proposer à l'édition.
C'est quel genre ton roman ? Tu as trouvé chez un éditeur à compte d'auteur ou à compteur d'éditeur ? (c'est indiscret si je demande chez qui ? Après tout, si t'as signé, il doit sortir et s'il sort, ce ne sera pas confidentiel, au contraire, il lui faudra de la pub Wink )
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